dimecres, 25 de setembre del 2019

Pourquoi je pense qu'on parlait gascon à Saint Jean-de-Luz au 17ème siècle.

P. Yturbide a publié des textes de traités du 16ème et 17ème siècles destinés à l'entente entre  Guipuscoans, Biscaïens et Cantabres des "cuatro Villas" (les 4 principaux ports de la Cantabrie voisine: Castro-U, Laredo, Santander et San Vicente de la B.) d'une part , et les  Labourdans, Bayonnais et Gascons de Capbreton. Dans un deuxième temps, se joindront à ces traités les Bordelais d'un côté et  les Asturiens et Galiciens de l'autre. La teneur de ces traités, c'était du genre (en substance): même si nos Etats respectifs sont en guerre entre eux,  on efface toutes nos petites (ou grandes) querelles, on commerce gentiment entre nous ou avec d'autres, en bonne intelligence et on ne cherche pas des noises et on ne s'en prend ni aux biens ni aux personnes. Ces traités étaient négociés directement entre représentants de ces ports ("diputados" en espagnol) avec l'assentiment du roi mais sans représentant royal, le roi se contentant de valider le texte du traité résultant de la négociation.

 Je me suis intéressé à un de ces textes daté de 1536 écrit par un scribe de Fontarrabie Lázaro de Oronoz (voir p. 186 du texte de Yturbide, ). L'espagnol écrit par ce scribe présente quelques barbarismes qui s'expliquent par le fait que la langue romane propre de Fontarrabie était le gascon, comme à Saint Sébastien et Pasaje. Cette région de la côte basque espagnole était partie constituante de la Novempopulanie antique et du duché de Gascogne dès les origines de ce duché, ce qui rend très douteuse la théorie comme quoi ces communautés de gasconophones étaient d'origine "étrangère" au Guipuscoa. Le gascon était bien la langue romane propre de cette région côtière comprise entre le rio Urrumea au Guipuscoa et la Gironde, avant la castillanisation ou la francisation. Sous la plume de notre scribe de Fontarrabie, le verbe espagnol "at(t)ender" laisse systématiquement sa place à un verbe d'allure curieuse, "at(t)aner" un barbarisme ou plutôt un joli gasconisme, car la simplification nd > n, c'est un trait du gascon étranger au castillan. Notez aussi le "a" à la place du "e", je reviendrai dans le prochain poste sur cette erreur qui s'explique par la confusion phonétique du "a" et du "e" en position prétonique en gascon occidental ancien comme en catalan oriental de toujours. Et il y a aussi les formes du futur des verbes "venir" et "tener", très étranges dans ce texte: "vernán" "ternán" au lieu de "vendrán", "tendrán". Le scribe ne maitrisait pas vraiment bien l'espagnol et avait des problèmes avec les conjugaisons, reprenant les formes gascones vieràn e tieràn (des verbes vier et tier) en supprimant la diftongue atone (ie -  > e) créée par la cicatrice de la perte du n intervocalique et en rétablissant le "n" mancant mais de manière fantaisiste. Lázaro de Oronoz était à l'évidence gasconophone et non hispanophone de naissance.

 Mais ce n'est pas tant pour la qualité de l'espagnol que je me suis intéressé à ce texte. C'est plutôt pour y examiner les prénoms et titres des quatre représentants (diputados) de Saint-Jean de Luz et du Labourd. J'ai déjà dit que j'avais de bonnes raisons de penser que le gascon était parlé à Saint Jean de Luz à cette époque (je dois être le premier et, pour l'instant, à peu près le seul à le penser). Je crois cela à cause du mot "cachalut" recueilli  en réponse à la question "Quel est cet animal?" posée à  Saint Jean de Luz par un apothicaire de La Rochelle en 1628 (voir à "cachalot"dans le CRTL). Or mes lecteurs réguliers savent comme moi que ce mot "cachalut" est gascon et signifie  "pourvu de dents" "dentu". Il changera d'affixe  un peu plus tard pour aboutir à la forme moderne "cachalot", apparu pour la toute première fois toujours dans ce même coin du Pays Basque  en 1675. Le mot "cachalut" fait sens en gascon, le cachalot ayant des dents alors que les baleines "vraies" n'en ont pas. Ce mot ne peut pas être du basque, le "u" /y/ de cachalut est imprononçable en basque navarro-labourdin. La question est donc: a-t-on d'autres éléments permettant de supposer que des Basques  de Saint-Jean de Luz  parlaient gascon? Intéressons-nous  aux prénoms des représentants de Saint-Jean-de-Luz- Labourd qui ont signé le traité et pausons-nous la question si ces prénoms sont gascons. Les scribes espagnols avaient tendance à castillaniser les prénoms de leurs correspondants français de manière très standard (Jean, Juan; Pierre, Pedro; François, Francisco etc.. Simple, encore fallait-il que le prénom fût français. Sur les 4 représentants de St Jean de Luz- Labourd , au moins deux  voient leurs noms conservés sous leur forme originelle. Ce ne sont pas des noms français. Mais ils ne sont pas  davantage espagnols ni euskariens. 

 Le premier représentant de la circonscription de Saint Jean de Luz - Labourd (Bayonne avait ses propres représentants, on ne s'en occupe pas ici) était le maire de Saint Jean de Luz, Martin de Pelentto, tandis que le deuxième représentant de cette circonscription était un autre Martin, Martin Saenz de Larralde. Le prénom Martin passe partout, espagnol, français comme gascon, à l'accent près. Il est neutre dans notre problématique. 

 Le troisième représentant nous sauve. Son nom n'a pas été traduit en espagnol, même la graphie française du nom a été conservée.  C'est Mouchon Menjougou de Agorretta. Dans Mouchon, mon oreille gasconophile (pour ne pas dire gasconomane) reconnait Moussen version "neugue"  ("Mouchœn", Monseigneur en français). Le gascon de la Côte Basque est en continuité dialectale avec celui de la Côte Landaise, c'est du gascon "neugue". Le /œ/ de "Moussen", a été transcrit par la lettre o: "Mouchon". Quant au /ch/ pour /ss/ dans "Mouchon", on le retrouve dans la "plachote" à Bayonne quand nous dirions la plaçote. C'est donc Moussen Menjougou de Agorretta, un ecclesiastique. Menjougou est un diminutif de Menjou, c'est à dire Dominique en gascon. Le mot menjou qu'on peut entendre  comme signifiant " le plus petit" est aussi employé comme diminutif de Doumenge (Dominique). Et comme si on a oublié que le prénom Menjou représente en fait Doumenjoun, on lui a ajouté un affixe diminutif. Ce "gou" affixé à Menjou  représente le diminutif basque -ko romanisé en -gou ou -go: le dit Menjougou signe lui-même Menjougo. Ce prénom Menjougou est indubitablement gascon (à la sauce basque). Ces gens qui parlaient gascon n'en étaient pas moins basques. 

 Le quatrième représentant de St Jean de Luz - Labourd a également un prénom gascon: Marticot qui est en fait un dérivé affixé deu prénom  Martin qui, en gascon, se temine par un "n" vélaire donc instable, c'est-à-dire qu'il se perd lorsqu'il se retrouve en position intervocalique dans les mots dérivés.  Cette perte du n vélaire est un des traits caractéristiques du gascon. Le dérivé à consonnance affective est obtenu par la combinaison de deux affixes diminutifs -ic et -òt.  Le résultat de cette combinaison "Marticòt" est à comparer avec son équivalent en euskara "Martiko", variante  de" Mattiko", diminutif de Matti variante Marti (fr. Martin). Le dit Marticot de Sante Esteban signe Marticot de Sante Esteuen. C'est gascon de bout en bout, le prénom est gascon (à la mode basque) et Esteuen est la prononciation proprement gasconne de Esteban. Saint Esteben (Sent Estèven ou Sent Estève en gascon contemporain) est le nom d'un village de Basse-Navarre (Donoztiri en basque). 

 Il convient de rappeler que la toponymie des environs de Saint Jean de Luz est en partie gasconne, à commencer par Saint Jean de Luz qui se disait Sen Johan de Luis en 1257. Je citerais aussi Serres, qui était le domaine personnel du Vicomte de Labourd, domaine qu'il a fait peupler au 12eme siècle,  pas certain que ce fût par des bascophones. Serres est situé aux confins d'Ascain, de Saint-Pée sur Nivelle et de Saint Jean de Luz. Ce Serres labourdin est un toponyme bien gascon qui est attesté dès le XIème siecle et qui a été importé tel quel en basque.  Je citerais également Saint-Pée sur Nivelle, autrement dit Sen(t ) Pè(r) c'est-à-dire Saint-Pierre en gascon, attesté dès le 12ème siecle et dont le toponyme a été adapté en basque comme Senpere et non pas comme Donapetri qui serait la forme normale en basque.  Ce gasconisme toponymique nous indique que c'est bien la version gasconne  qui a précédé la version basque et non l'inverse. Ces éléments toponymiques ajoutés aux noms bien gascons des représentants de Saint Jean de Luz et du Labourd à Fontarrabie en 1536 en plus de la collecte de ce mot gascon "cachalut"  provenant du parler luzien en 1628 me font penser que l'on parlait bien gascon à Saint Jean de Luz autrefois et que c'était encore le cas au 17ème siècle. 

 Pour consulter le très intéressant article de P. Yturbide, il faut aller

2 comentaris:

Gaby ha dit...

Halip Lartiga avè hèit una carta que mòcha que lo basque culèt, au reboix. La preséncia gascona a St Jan de Luz divèva estar lo fèit de quauquas gents per'cí per'quí, no?

Joan de Peiroton ha dit...

Jo que'm pensi que i devè aver un continuum gascofòne de Baiona dinc a Sent Sebastian, despuish las originas de la lenga gascona. La region costèra qu'ei tostém estada bilingüa, despuish l'antiquitat (Aquitan-Galés , puish Aquitan-Latin o sia Basco-Gascon.