dimecres, 25 de setembre del 2019

Pourquoi je pense qu'on parlait gascon à Saint Jean-de-Luz au 17ème siècle.

P. Yturbide a publié des textes de traités du 16ème et 17ème siècles destinés à l'entente entre  Guipuscoans, Biscaïens et Cantabres des "cuatro Villas" (les 4 principaux ports de la Cantabrie voisine: Castro-U, Laredo, Santander et San Vicente de la B.) d'une part , et les  Labourdans, Bayonnais et Gascons de Capbreton. Dans un deuxième temps, se joindront à ces traités les Bordelais d'un côté et  les Asturiens et Galiciens de l'autre. La teneur de ces traités, c'était du genre (en substance): même si nos Etats respectifs sont en guerre entre eux,  on efface toutes nos petites (ou grandes) querelles, on commerce gentiment entre nous ou avec d'autres, en bonne intelligence et on ne cherche pas des noises et on ne s'en prend ni aux biens ni aux personnes. Ces traités étaient négociés directement entre représentants de ces ports ("diputados" en espagnol) avec l'assentiment du roi mais sans représentant royal, le roi se contentant de valider le texte du traité résultant de la négociation.

 Je me suis intéressé à un de ces textes daté de 1536 écrit par un scribe de Fontarrabie Lázaro de Oronoz (voir p. 186 du texte de Yturbide, ). L'espagnol écrit par ce scribe présente quelques barbarismes qui s'expliquent par le fait que la langue romane propre de Fontarrabie était le gascon, comme à Saint Sébastien et Pasaje. Cette région de la côte basque espagnole était partie constituante de la Novempopulanie antique et du duché de Gascogne dès les origines de ce duché, ce qui rend très douteuse la théorie comme quoi ces communautés de gasconophones étaient d'origine "étrangère" au Guipuscoa. Le gascon était bien la langue romane propre de cette région côtière comprise entre le rio Urrumea au Guipuscoa et la Gironde, avant la castillanisation ou la francisation. Sous la plume de notre scribe de Fontarrabie, le verbe espagnol "at(t)ender" laisse systématiquement sa place à un verbe d'allure curieuse, "at(t)aner" un barbarisme ou plutôt un joli gasconisme, car la simplification nd > n, c'est un trait du gascon étranger au castillan. Notez aussi le "a" à la place du "e", je reviendrai dans le prochain poste sur cette erreur qui s'explique par la confusion phonétique du "a" et du "e" en position prétonique en gascon occidental ancien comme en catalan oriental de toujours. Et il y a aussi les formes du futur des verbes "venir" et "tener", très étranges dans ce texte: "vernán" "ternán" au lieu de "vendrán", "tendrán". Le scribe ne maitrisait pas vraiment bien l'espagnol et avait des problèmes avec les conjugaisons, reprenant les formes gascones vieràn e tieràn (des verbes vier et tier) en supprimant la diftongue atone (ie -  > e) créée par la cicatrice de la perte du n intervocalique et en rétablissant le "n" mancant mais de manière fantaisiste. Lázaro de Oronoz était à l'évidence gasconophone et non hispanophone de naissance.

 Mais ce n'est pas tant pour la qualité de l'espagnol que je me suis intéressé à ce texte. C'est plutôt pour y examiner les prénoms et titres des quatre représentants (diputados) de Saint-Jean de Luz et du Labourd. J'ai déjà dit que j'avais de bonnes raisons de penser que le gascon était parlé à Saint Jean de Luz à cette époque (je dois être le premier et, pour l'instant, à peu près le seul à le penser). Je crois cela à cause du mot "cachalut" recueilli  en réponse à la question "Quel est cet animal?" posée à  Saint Jean de Luz par un apothicaire de La Rochelle en 1628 (voir à "cachalot"dans le CRTL). Or mes lecteurs réguliers savent comme moi que ce mot "cachalut" est gascon et signifie  "pourvu de dents" "dentu". Il changera d'affixe  un peu plus tard pour aboutir à la forme moderne "cachalot", apparu pour la toute première fois toujours dans ce même coin du Pays Basque  en 1675. Le mot "cachalut" fait sens en gascon, le cachalot ayant des dents alors que les baleines "vraies" n'en ont pas. Ce mot ne peut pas être du basque, le "u" /y/ de cachalut est imprononçable en basque navarro-labourdin. La question est donc: a-t-on d'autres éléments permettant de supposer que des Basques  de Saint-Jean de Luz  parlaient gascon? Intéressons-nous  aux prénoms des représentants de Saint-Jean-de-Luz- Labourd qui ont signé le traité et pausons-nous la question si ces prénoms sont gascons. Les scribes espagnols avaient tendance à castillaniser les prénoms de leurs correspondants français de manière très standard (Jean, Juan; Pierre, Pedro; François, Francisco etc.. Simple, encore fallait-il que le prénom fût français. Sur les 4 représentants de St Jean de Luz- Labourd , au moins deux  voient leurs noms conservés sous leur forme originelle. Ce ne sont pas des noms français. Mais ils ne sont pas  davantage espagnols ni euskariens. 

 Le premier représentant de la circonscription de Saint Jean de Luz - Labourd (Bayonne avait ses propres représentants, on ne s'en occupe pas ici) était le maire de Saint Jean de Luz, Martin de Pelentto, tandis que le deuxième représentant de cette circonscription était un autre Martin, Martin Saenz de Larralde. Le prénom Martin passe partout, espagnol, français comme gascon, à l'accent près. Il est neutre dans notre problématique. 

 Le troisième représentant nous sauve. Son nom n'a pas été traduit en espagnol, même la graphie française du nom a été conservée.  C'est Mouchon Menjougou de Agorretta. Dans Mouchon, mon oreille gasconophile (pour ne pas dire gasconomane) reconnait Moussen version "neugue"  ("Mouchœn", Monseigneur en français). Le gascon de la Côte Basque est en continuité dialectale avec celui de la Côte Landaise, c'est du gascon "neugue". Le /œ/ de "Moussen", a été transcrit par la lettre o: "Mouchon". Quant au /ch/ pour /ss/ dans "Mouchon", on le retrouve dans la "plachote" à Bayonne quand nous dirions la plaçote. C'est donc Moussen Menjougou de Agorretta, un ecclesiastique. Menjougou est un diminutif de Menjou, c'est à dire Dominique en gascon. Le mot menjou qu'on peut entendre  comme signifiant " le plus petit" est aussi employé comme diminutif de Doumenge (Dominique). Et comme si on a oublié que le prénom Menjou représente en fait Doumenjoun, on lui a ajouté un affixe diminutif. Ce "gou" affixé à Menjou  représente le diminutif basque -ko romanisé en -gou ou -go: le dit Menjougou signe lui-même Menjougo. Ce prénom Menjougou est indubitablement gascon (à la sauce basque). Ces gens qui parlaient gascon n'en étaient pas moins basques. 

 Le quatrième représentant de St Jean de Luz - Labourd a également un prénom gascon: Marticot qui est en fait un dérivé affixé deu prénom  Martin qui, en gascon, se temine par un "n" vélaire donc instable, c'est-à-dire qu'il se perd lorsqu'il se retrouve en position intervocalique dans les mots dérivés.  Cette perte du n vélaire est un des traits caractéristiques du gascon. Le dérivé à consonnance affective est obtenu par la combinaison de deux affixes diminutifs -ic et -òt.  Le résultat de cette combinaison "Marticòt" est à comparer avec son équivalent en euskara "Martiko", variante  de" Mattiko", diminutif de Matti variante Marti (fr. Martin). Le dit Marticot de Sante Esteban signe Marticot de Sante Esteuen. C'est gascon de bout en bout, le prénom est gascon (à la mode basque) et Esteuen est la prononciation proprement gasconne de Esteban. Saint Esteben (Sent Estèven ou Sent Estève en gascon contemporain) est le nom d'un village de Basse-Navarre (Donoztiri en basque). 

 Il convient de rappeler que la toponymie des environs de Saint Jean de Luz est en partie gasconne, à commencer par Saint Jean de Luz qui se disait Sen Johan de Luis en 1257. Je citerais aussi Serres, qui était le domaine personnel du Vicomte de Labourd, domaine qu'il a fait peupler au 12eme siècle,  pas certain que ce fût par des bascophones. Serres est situé aux confins d'Ascain, de Saint-Pée sur Nivelle et de Saint Jean de Luz. Ce Serres labourdin est un toponyme bien gascon qui est attesté dès le XIème siecle et qui a été importé tel quel en basque.  Je citerais également Saint-Pée sur Nivelle, autrement dit Sen(t ) Pè(r) c'est-à-dire Saint-Pierre en gascon, attesté dès le 12ème siecle et dont le toponyme a été adapté en basque comme Senpere et non pas comme Donapetri qui serait la forme normale en basque.  Ce gasconisme toponymique nous indique que c'est bien la version gasconne  qui a précédé la version basque et non l'inverse. Ces éléments toponymiques ajoutés aux noms bien gascons des représentants de Saint Jean de Luz et du Labourd à Fontarrabie en 1536 en plus de la collecte de ce mot gascon "cachalut"  provenant du parler luzien en 1628 me font penser que l'on parlait bien gascon à Saint Jean de Luz autrefois et que c'était encore le cas au 17ème siècle. 

 Pour consulter le très intéressant article de P. Yturbide, il faut aller

diumenge, 22 de setembre del 2019

Lo mot francés "tornade" e lo libe de deliberacions de Seuvalada (sègle 17)

Qu'èi dejà parlat mei d'un còp deu mot francés "tornade" en bèth explicar per qué pensavi que lo mot èra plan gascon e non pas espanhòu d'origina. L'explicacion etimologica generaument avançada que hè derivar lo mot anglés "tornado" deu mot espanhòu "tronada". Aquesta derivacion qui no hè pas nat cas  deu mot gascon "tornada",  a jo que'm sembla complicada en bèth pausar un doble problèma, fonetic e semantic. Fonetic, pr'amor la lenga anglesa que sap perfèitament diferenciar foneticament l'o de San Francisco de l'a finau de Montana o de Nevada. Semantic pr'amor lo mot anglés tornado n'apareish pas jamei associat au concèpte de tron, en nat tèxte, jamei, mes tostemps dab lo de hòrta volada, de vent circular.  Per aquestas rasons qu'èi prepausat lo mot  "tornade" que representa ua fonetica particulara, d'ahur baionés, deu quite mot gascon "tornada" (awr tournade) qui significa volada, castig. Lo mot que degó passar tau lexic deu registre maritime dab la significacion pròpiament meteorologica, adoptat  atau en espanhòu, en anglés e en francés. Que supausi lo mot qu'ei d'origina baionesa, çò qui explicaré lo cambiament de genre en espanhòu (exactament com çò qui's passè dab lo mot esp. el marrajo derivat deu gasc. bai.  le marrache, s.f.  (aqueste darrèr estant ua adaptacion deu mot galò la marache): gascon baionés "le tornade" -> espanhòu "el tornado" . En anglés que podem notar que balançavan enter ua fòrma d'ahur espanhòu e ua auta d'ahur gascon  (ternado un còp,  de cap a 1550, totun tornathe e tornado au sègle 17). N'ei pas lo solet mot gascon deu registre maritime passat tà l'anglés, "gadget", autant de famós com "tornado", n'ei un aute. Jump(ar) qu'ei tanben commun au gascon e a l'anglés, que provieneré de l'asturleonés passat tau castelhan dialectau  (en parlars cantabres chombar= cabussar e jumpiar = agitar, etimon plumbu).  Lo mot francés tornade que deu provenir deu bilingüisme deus quites Baionés, çò qui explica que lo genre deu mot b'ei plan corrècte en francés (la tornade), au contra deu mot espanhòu (el tornado). Ja èi dit e torni díser la "o" /o/ de tornade que deu proviéner de la fonetica deu mot baionés de l'epòca, fossilizada en francés. Ua particularitat deu gascon de Baiona e/o un trèit arcaïzant. De fèit, que'nse podem referir au tèxte tirat deu libe de deliberacions de Seuvalada datat deu 13 de mai de 1655 e comentat per Miquèu Grosclaude en son obratge titolat La langue béarnaise et son histoire. Etude sur l'évolution de l'occitan du Béarn, Ed. Per Noste. Aqueste tèxte qu'ei interessant en aqueste debat pr'amor que i trobam lo digraf "ou" per /u/, manlhevat deu francés. Aquiu qu'avetz lo tèxte en question:

"Lou tredze de may mille sieys centz cincquanta et cincq an rendut lous condes de goardes bernat de La Cassy dit Horcade de Saubalade fasen tant per Luy que per Joan de Lostau dit bordette quy es estat absent et Loudit de la Cassy present et aboant et tal conde es estat rendut et pres per lous Seignhours de Camgaston, La Pouble, Chardie Juratz petit Jean deu molie alias de la Peyre et Zacarie deu Sarrat depputatz Jean deu molie et Jean de Boye audditours de Contes et Joan de La bayande et Joan de Camgaston dit horcquet guoardes per dabant Lousquoals appres aber bist touttes fornittures feittes per Loudit de la Cassy e de Lostau et toutz rolles de tailhes et bentes de Leignhe et une cotise de regen tout feit en Lan 1654 ses troubat que Lous medix de la Cassy et de Lostau debin dar a la comunautat deu present Locq et a Lasdittes guoardes La Somme de Chichanta et cincq franx bordalles lousquoals a promes Loudit de la Cassy tant per luy que per son consort de pagar de jour en jour a pene de toutz despens doumadyes et interes et destar empresonatz com es la costume au present Locq per tals arreretatges feit Loudit jour sens periudissy de render Loudit de La Cassy conde de un autre rolle de certans feix et glands que pot aber quoatte ans ou enbiron Loudit de La Cassy abe pres a crubar en compagnhie de Couppau deu medix Locq."

Adara, que podem observar l'escriba que i escriu (d'esquèrra cap a dreita):, lou (tretze...), lous (condes), Loudit (de la Cassy), lous Seignhours, audditours (de contes), Lousquoals (appres), touttes (fornittures), Loudit (de la Cassy), toutz (rolles), tout (feit), troubat,  Lous (medix), Lousquoals (a promes), Loudit (de la Cassy), de jour en jour, toutz (despens), doumadyes, Loudit jour, Loudit (de la Cassy), ou (enbiron), Loudit (de la Cassy), Couppau.

Per contra, notatz (enter autes):
Horcade, bordette, horcquet, fornittures,  cotise,  comunautat, consort, empresonatz, costume, compagnhie...

A mensh de considerar que l'escriba èra un  janpèc qui practicava ua ortografia azardosa, (ne sembla pas briga que sia lo cas pr'amor l'ortografia deu tèxte qu'amuisha ua coheréncia interna pro bona), que podem postular la 'o' pretonica qu' èra prononciada /o/ a la valenciana o a l'espanhòla en la majoritat deus mots concernits en parlar de Seuvalada au debut de la segonda mieitat deu sègle 17. N'èra pas prononciada  /u/ se consideram que lo fonèma /u/ èra representat de manèira hidabla peu digraf "ou" a la mòda francesa. N'arretrobam aqueste digraf en posicion pretonica sonque en tres mots: doumadyes(alibertin: domatge), troubat (alibertin: trobat) et Couppau (alibertin: Copau). Aquestes tres mots que'nse suggereishen la conclusion que la prononciacion /u/ de l'"o" pretonica n'èra pas sistematica e enqüèra pro rara en aqueste parlar. Las anomàlias observadas dab doumatye, troubat e Couppau que poirén proviéner de l'influéncia d'un parlar gascon pròishe com lo d'Auloron on la prononciacion de la "o" pretonica i èra sistematicament /u/ com ns'ac indica la gràfia deu tèxte 2  La grafia emplegada en aqueste tèxte de Seuvalada que'nse suggereish ua fonetica pro diferenta de la deu gascon modèrne e compatibla dab l'ipotèsi que "tornade" èra ua fòrma locau de "tournade" (alibertin: tornada).

Evidentament, que demora l'ipotèsi alternativa qu'aqueste ahar de gràfia n'ei pas lo rebat deu parlar, sonque la fantasia de l'escriba. Alavetz, un trèit "dialectau" ("a cada vilatge son lengatge") o  sonque la fantasia d'un escriba? La question qu'ei pausada e ne pensi pas que i poscam arrespóner. Totun lo dobte qu'ei permés en léger aqueste tèxte redigit en hòrt bon biarnés. N'i a pas nat gallicisme lhevat "forniture" en plaça de fornitut o de... fourniment.

dimarts, 17 de setembre del 2019

Cachalot, baleine: des gasconismes en français.

Le mot d'attestation la plus ancienne de toutes les langues romanes pour désigner le cachalot est gascon: "cauerat" var. "caurat". Ce mot apparait pour la toute première fois sous la forme cauerac (Bayonne, 1258). La formation de ce mot est cent pour cent gauloise: *cauaracu- signifie gigantesque, colossal en gaulois (dérivé affixé de cauaros-: géant, colosse). Ce n'est pas l'unique mot gaulois de ce type en gascon, on en trouve d'autres, par exemple creac (Bayonne, 1322, fr. esturgeon) et colac (fr. alose) qui sont des poissons migrateurs remontant l'estuaire de la Gironde voire plus en amont dans la Garonne dans le cas de l'alose. Vous trouverez l'étymologie gauloise de creac (*cragacu- lit. "carapacé")  et de colac (*colacu- lit. "pointu") dans le FEW.  Cauerat ou caurat est un celtisme purement gascon, on ne le retrouve nulle part ailleurs dans les langues romanes.  Le mot colac (fr. alose, poisson de  Garonne), est partagé entre gascon et languedocien depuis le 11ème siècle au moins. Le mot a été emprunté en moyen français (il est éteint en français, au profit d'alose, un autre mot hérité du gaulois). On le retrouve aussi en euskara ( kolaka, id), un emprunt probable au gascon.  Creac var. creat, (fr. esturgeon) est un mot girondin, comme le poisson lui-même,  qu'on retrouve emprunté par l' occitan et le moyen  français (éteint en français, au profit du mot esturgeon, un germanisme probablement romanisé en normand et ayant voyagé). En gascon, le mot creac est synonyme de breguin, mot que l'on retrouve dans différentes langues romanes pour désigner différentes espèces de poissons, du  germanique brekan: briser (allusion au museau proéminent de l'esturgeon) . Ces mots gaulois en gascon nous rappellent que, il y a 20 siècles, des Celtes peuplaient la vallée de la Garonne (de l'estuaire de la Gironde jusqu'à Salardú en Aran) ainsi que la côte du Golfe de Gascogne. 

Le mot "cachalot", lui, est totalement gascon de formation, contrairement à ce qu'on vous affirme ici ou là.  Il dérive de "cachalut" par changement d'affixe. "Cachalut" est bien la forme du mot d'attestation la plus ancienne, il désignait le cachalot en parler de Saint Jean de Luz (1628) (cf. cachalot in CNTRL). Ce mot cachalut signifie dentu en gascon, c'est-à-dire qui a des dents (par opposition aux baleines qui ont des fanons à la place des dents). On peut en déduire qu'on parlait gascon à Saint-Jean de Luz à l'époque où le mot cachalut y a été collecté (premier tiers du 17ème siècle). Le mot cachalut, imprononçable en basque navarro-labourdin comme en espagnol à cause du u /y/, a changé d'affixe (-ut - > òt) pour donner cachalot. Le mot sous cette dernière forme est apparu pour la toute première fois en 1675, toujours au Labourd. Il a été adapté dans un très grand nombre de langues, toutes celles de la péninsule ibérique (cachalote, katxalote, catxalot etc) mais aussi l'anglais, le russe, le finnois, les langues gaéliques, l'ouzbek, l'espéranto et beaucoup d'autres. 

Et le mot français "baleine" cache probablement un autre gasconisme.  Le "i"du mot gascon baleia est une cicatrice de la perte du "n" intervocalique du mot latin. "balena" >" baleia" en gascon ( Gascogne maritime, en particulier Bayonne). C'est sans doute à partir du mot gascon baleia (aussi écrit baleye) qu'a été dérivée, par erreur de correction, la forme latine médiévale "baleina" (12ème siècle), en place de bal(a)ena. Un gasconisme en latin médiéval, en quelque sorte. C'est de cette forme gascono-latine"baleina" que vient le mot français baleine ( cf. Dictionnaire d'Ancien Gascon vol12).



P.S. Un lecteur érudit m'a fait la remarque suivante, où il me resort l'hypothèse du DAG sur cauerac qui serait "sans aucun doute" une erreur de lecture pour "cauerat". Je n'accepte pas cette hypothèse du DAG et je m'en explique. Tout d'abord, voici la phrase de mon correspondant: :

"En fait "cauerac" doit être sans aucun doute "cauerat". Il est souvent impossible de distinguer clairement le c du t dans les documents des XIIIe-XIVe et XVe siècles, donc l'éditeur s'est juste trompé dans sa transcription."

Et voici la réponse que je lui ai faite:

Non, ça c'est l'hypothèse du DAG mais il n'y a aucune raison de l'accepter. C'est bien "cauerac", avec un "c" final, comme "creac" (fr. esturgeon) et "colac" (fr. alose) qui sont d'autres mots hérités du gaulois en gascon (voir le FEW pour l'étymologie gauloise des mots "creac" et" colac"). L'erreur supposée par le DAG n'en est pas une.

"Cauerat" qui est la forme moderne du mot (attestée dès le 14ème siècle), dérive de "cauerac" assez simplement, le "c" de -ac en gascon étant prononcé /t/ dans de nombreux parlers. D'ailleurs, les variantes avec "t" final existent aussi pour "creac" et  "colac" (cf. FEW et DAG vol. 12). La construction de "cauerac" s'explique sans difficulté avec le lexique gaulois, sur le modèle fourni par "creac" et "colac". "Cauerac" de "cauaracu", gigantesque, colossal cf. cauaros ou kauaros dans n'importe lequel des dictionnaires de proto-celtique et dans le dic de langue gauloise de X. Delamarre.


Le DAG s'est en fait trompé d'étymon, pensant relier "cauerat" au latin "caput".  Ils devaient penser à "caperat" de "caperar". Mais "cauerat" ne dérive certainement pas de "caput", le "glide" /w/ dans le mot gascon ne s'expliquerait pas dans l' hypothèse contraire. Donc c'est bien le DAG qui a commis l'erreur ou plutôt, au final, deux erreurs : celle sur l'étymon induisant la supposition erronée d'une faute de copie ou de lecture. J'espère que mon explication t'a été utile!

dimarts, 10 de setembre del 2019

Cambiament de genre de prèsts gascons en espanhòu e en occitan: marraisha, tornada, bèrla, Maremne, *lugra, a l'arronç.

Lo gascon qu'a balhat mots ad autas lengas. En passant deu gascon tà l'auta lenga, que pòt ocórrer lo mot que càmbie de genre .  A còps, aqueste fenomèn que pòt estar botat en relacion dab las caracteristicas foneticas deu gascon occidentau.

Aquiu qu'avetz dus exemples dejà vists, dab mots lanusquets e/o bascogascons (i.e. gascon de la Còsta Basca) balhats a l'espanhòu.

Marrache s.f.  (en gascon de Baiona, segon Palay in Suppl. Dic.) (var. marracho s.f.  en Guiana segon lo TdF), o sia en grafia alibertina: marraisha s.f.; en  fr. chien de mer, sorte de squale. Lo mot que vien deu galò: marache, (s.f.  fr. sorte de squale, requin, fòrma romanizada  deu mot breton morc'hast var. morc'hach (raquin, literaument: canha de mar.).

Qu'avem dejà vist lo mot que viatgè deu gascon, probablament lanusquet o de la còsta basca, tà l'espanhòu:

Gascon lanusquet o basco marrache (en grafia alib.: marraisha, s.f.) - > esp. ancian  marraxo (s.m.) - > esp. modèrne (a partir deu sègle 17) marrajo s.m. (fr. squale, requin).

Lo mot breton que contunhè un deus sons camins de l'espanhòu tà... l'occitan (lengadocian).
En efèit, de manèira interessanta, lo mot espanhòu "marrajo" qu'estó emprontat per l'occitan (lengadocian maritime) qui l'adaptè devath la fòrma "maraco" (grafia deu TdF)  (s.m.) adaptat en grafia alibertina en  "maraca" (s.m.) per J. Ubaud (Dic. ort. oc.). Lo mot qu'ei plan masculin en occitan e que i significa esqüale, raquin. Normaument, en lengadocian orientau, la "a" pòst-tonica finau consèrva lo son "a". Aquiu la prononciacion qu'ei "o" segon lo TdF, un lèish deu mot espanhòu.

Dongas que podem resumir la seguida:

Gasc. Le marraisha (s.f) ->. esp. ancian el marraxo (s.m.)  -> esp. modèrne. el marrajo (s.m.)  ->  oc. lo maraca (lou maraco en grafia deu felibrige)  (s.m.).

Adonc qu'avem aquiu un exemple de mot viatjaire breton morc'hast  (s.f.) romanizat en galò , puish passat peu gascon qui n'assegurè la geminacion (rr) puish lo gascon que'u balhè a l'espanhòu, çò qui provoquè lo cambiament de genre (s.f. - > s. m.)  e, fin finala, lo mot espanhòu qu'estó emprontat per l'occitan qui l'adaptè en "maraca" (s.m.) (en grafia mistralenca maraco). Estonant, lo viatge, non?

En catalan, que i co-existeishen dus mots derivats deu mot gascon "marraisha". Lo prumèr qu'ei "marraix" (s.m. fr. requin, en part. "requin-taupe"), possiblament - totun non necessàriament-  via l'espanhòu ancian marraxo. Que i a tanben locaument en catalan lo mot "marraco" qui designa, a Tarragona, ua sòrta de monstre de la tradicion populara. L'origina deu mot que n'ei la fòrma modèrna deu mot en espanhòu: marrajo. En fèit, en espanhòu, lo mot que s'i a gahada ua dobla significacion. La significacion originau deu mot, "raquin", "esqüale", qu'ei conservada, plan segur, enqüèra que lo mot b'ei  pòc emplegat dab aquesta significacion uei lo dia, remplaçat per un aute mot: "tiburón". Totun l'espanhòu que n'a derivat un adjectiu marrajo/a qui significa faussilhàs, perfide, mandret, d'emplec plan viu, eth. Lo mot catalan marraco qu'ei ua adaptacion d'aqueste mot.

En gascon, que i a  tanben duas formas deu mot, com en catalan. Prumèr, lo mot emprontat au galò (probablament per difusion a travèrs lo peitavin-santongés) marraisha, a l'origina primària de totas las fòrmas ibericas e de l'occitana. En gascon que i trobam tanben lo mot "marraca" (s.f.), sinonime de telaranha (fr. toile d'araignée), aqueth que vien de l'espanhòu "marraja"qui significa(perfida, faussilhassa. Com ac podetz véder, lo noste mot breton mar(r)ache que hasó un viatge anar e tornar enter gascon i espanhòu!

Adara que voi tornar au mot... "tornade", fòrma de tornada (tournade), qui jo supausi arcaïca e d'origina geograficament localizada (estrem sud-oèst deu maine gascon, deu costat de Baiona e de Sent Sebastian).

Gasc ancian  tornade s.f. (uei tournade, en grafia alibertina:  tornada: fr. 1- volée, châtiment - >  2- t. meteorol. :  tornade ) - > esp.  tornado s.m. (fr. la tornade).

Lo mot "tornada" qu'ei evidentament 100 % gascon.  La vila de Baiona qu'avè ua hòrta activitat maritima, de tradicion flibustièra a mei de caçaires de baleias. En 1554,  lo corsari Jan de Sore e la soa flòta de vaishèths partits de Baiona que prengón la vila de Santiago de Cuba e que l'arlandegèn shens pietat, causant la ruina definitiva de la vila.  N'èi pas nat dobte que la significacion meteorologica deu mot tornada e la soa fonetica particulara: "tornade" be son d'origina baionesa e n'an pas arren a véder dab la tronada.  Sus la conservacion de la prononciacion de la "o" pretonica deu mot "tornade", que podetz consultar las remarcas qui n'èi hèit au pòst passat, que las torni arrepréner d'ací un pòc enlà. De notar que D. Sumien, enganat per ua ipotèsi etimologica borida e arreborida, pro complicada, e qui non hè pas nat cas de l'existéncia deu mot en gascon, que  recomanda l'adopcion en occitan de la fòrma espanhòla : (lo) tornado (s.m.), en plaça de la fòrma gascona: la tornada (ved. aquiu). O sia que lo cambiament de genre, que l'observam aquiu en occitan tanben.

Gasc baionés. ancian (le) tornade ( gasc. generau: la tournade -. alibert. la tornada) s.f.  - > esp.  (el) tornado s.m. (fr. la tornade) - > oc. (lo) tornado (Sumien).

Un aute exemple similar qu'ei le bèrla (le bèrle) (deu gallo-latin se non galés= berula, s.f. : creishon, bèrle; en protoceltic berura, s.f., id.) qu'arretrobam com a berro (s.m.) en castelhan, aragonés e galician; berru (s.m.) en astur-leonés. Lo mot n'ei pas portugués. Qu'ei probable lo gascon que prestè lo mot a l'espanhòu e, indirèctament, a las autas lengas d'Espanha (lhevat lo catalan). 

Aquest procèssus de cambiament de genre, que'u podem botar en relacion dab duas caracteristicas de la varietat de gascon a l'origina deu passatge deu mot a l'espanhòu.

Prumèr, la fòrma de l'article definit femenin lanusquet e bascogascon  "le", aisidament con·honut dab un article masculin peus Espanhòus. Que cau remarcar, d'aulhors qu'a Passaje /Pasaia au ras de Sent Sebastian (Guipuscoa), l'article definit en gascon  b'èra vadut epicèn. Tant la fòrma masculina de l'article definit com la femenina qu'èra "le". Qu'ei un euskarisme en gascon. Aquesta informacion suu caractèr epicèn de l'article gascon au Guipuscoa, que l'avem mercés a l'article de Serapio Múgica (ved. aquiu) e qu'ei confirmada peu tèxte de la cançon Aitona Ixidro Elusu en gascon de Pasaia - Passaje  publicada per Firmin Iturriza de cap a las annadas 1950. Que i legem:  le niñ ploraue fr. l'enfant pleurait (ved. aquiu). Notatz, en passant, la fonetica de la fòrma verbau "ploraue" (de léger a la faiçon espanhòla e non occitana). Lo gascon de Passaje presentava trèits fonetics particulars, possiblament arcaïzants, per arrepòrt au biarnés com la conservacion de la prononciacion /o/ de la o pretonica, que non /u/, totun non pas a tot còp, dilhèu pas sonque en mots on la o s'i trobava en combinason dab "r" . En gascon passajar (passajar:= de Passaje), qu'escrivèvan en grafia espanhòla,  pausats per exemple: "ploraue" (e non pluraue);  per contra plan "supat" e non "sopat" (cf. l'article de Múgica, sopat en gr. alibertina, soupat en gr. IBG). En gascon de Baiona-Anglet-Biàrritz (BAB), qu'arretrobam aquesta faiçon de prononciar la o pretonica vesiant la r. Que podem léger, per exemple,  "oratge", "florete", "trobat" etc.  aus poèmas de l'escrivan baionés Justin Larrebat en plaça d' "ouratge", "flourete", "troubat" qui èran las fòrmas emplegadas en biarnés contemporanèu de Larrebat  e en gascon occidentau de manèira generau  cf. las "Poésies Gasconnes" de Larrebat e l'abans-díser d' Henri Gavel on aqueste trèit particular deu gascon baionés i ei soslinhat. Aquesta observacion que hè hòrt probabla l'origina baionesa deu mot "tornade" (sic). De notar en biarnés, lo toponime "Ortès" (fr. Orthez dab o prononciada o e non /u/,  en gascon com en francés) que testimònia  tanben, de manèira fossilizada, d'aquesta faiçon anciana de prononciar.  Ua auta particularitat deu gascon de Passaje qu'èra la prononciacion de la v intervocalica a la faiçon deu gascon generau: /w/,  mentre qu'èra passada a /β/ en gascon de BAB com en parlars de Biarn (hòra Vic-Bilh).


Dusau,  en gascon occidentau, la "a' pòst-tonica a la fin deus mots no's diferéncia pas foneticament de la "e"pòst-tonica. Que hè impossibla la deduccion deu genre d'un mot a partir de la simpla terminason e o a.  Negue o nega que's pronóncia tot parièr en gascon lanusquet. Qu'ei ua caracteristica compartida enter lo gascon occidentau e lo catalan orientau (negre = negra).

Que podem observar aquesta caracteristica de las "e" e "a"  pòst-tonicas con·honederas en gascon occidentau  qu'ei autanplan a l'origina de quauques cas de cambiament de genre de mots gascons  especificament passats tà l'occitan.

Qu'ei lo cas dab Maremne (cf. "Lo Marensin e lo Maremne d'autscòps") vadut "Maremna" en occitan segon Sumien e lo Jornalet. En gascon, la "e" pòst-tonica de Maremne (deu lat. maritimu-) qu'ei de sostien, n'ei pas etimologica, exactament com la deu toponime catalan  Maresme (El Maresme) qui'n partatja exactament la medisha origina etimologica.

Adara que sec un exemple qui, au contra deus qui precedeishen, n'ei pas sonque deu maine teoric, que demora ipotetic. Que s'ageish deu mot occitan "lugre" o "lugres,  mot masculin o masculin plurau.  Jo que jògui ua confusion de genre e aquiu qu'avetz las rasons. En occitan deu prumèr quart deu sègle 19, segon A. Fabre d'Olivet (Dictionnaire de la Langue d'Oc rétablie),  lugres (s.m.p.) que significava:  1- astres, estelas, 2- per metafòra, uelhs . En gascon contemporanèu, ne trobam pas lo substantiu sonque devath fòrmas de las afixadas com lugran dont la significacion ei: 1- astre lusent, estela, 2-uelh 3- locaument: lugranhet (fr. ver luisant) (Palay); autanplan en Gasconha garonesa, que i trobam  lugret, var. alugret (1- estela, 2-eslambrec) (ved. lugret, TdF). Tots aqueths mots afixats que son masculins. Lo brèç deu mot "lugre" qu'ei probablament garonés, cf. lo libe de G. Balloux suus mots de la Natura en Gascon garonés. Lugret qu'ei autanplan emplegat peu poèta agenés Jansemin (1798 - 1864) dab la significacion d'estela (TdF). L'origina d'aqueste mot "lugre" qu'ei galesa. En efèit, *lugra (s.f.) que significa "lua" en (proto-)celtic e la significacion etimologica deu mot qu'ei (la) lusenta (ved. los diccionaris de proto-celtic, per exemple lo celticon  de l'Universitat de Guallas, aquiu). En celtic, lo mot qu'ei plan femenin, com luna en latin, d'etimologia analòga se non cognat (luna < *lugh-na ved. Delamarre Dic. Gaul.). L'existéncia deu mot alugret que permet de postular lo mot qu'èra tanben femenin en gascon ancian: la lugra (o la lugre en grafia anciana) - > l'alugra (l'alugre) -> l'alugret. De la medisha faiçon, lugra ou lugre (s.f.) - > lugret -> lugre (s.m), puishque *lugra e lugre e's pronóncian parièr en gasc. occidentau. Lo mot gascon "lugran" (s.m.), derivat afixat e sinonime deu mot "lugre", qu'empacha tota confusion de genre.  Lugret e alugret, tot parièr. Jo que supausi lo mot *lugra (s.f.) qu'estó  espudit deu gascon, remplaçat peus sons derivats vaduts masculins per afixacion. En occitan, la significacion d'astre lusent, estela, deu mot "lugre" (s.m.), plan atestada per Fabre d'Olivet (1820), qu'ei desconeishuda au TdF. Que sembla largament perduda, non la tornam trobar en nat diccionari occitanista contemporanèu, sauv error  de part mea.  En occitan, "lugre" (dab la significacion d'astre qui luseish) qu'ei estat remplaçat per "lugarn". Totun, la significacion deu maine astronomic qu'a lo mot occitan "lugarn" que resulta probablament de l'influx deu mot"lugre" via lo son derivat e sinonime gascon  "lugran". L'etimon de "lugarn" qu'ei lo mot proto-celtic loukarnon var. loukarna (s.n). qui significa  lampa, lum artificiau (ved. los dic. de proto-celtic, per exemple lo de l'Universitat de Gualas, consultable aquiu). Lo mot occitan "lugarn" qu'ei cognat deu mot fr." lucarne", deu mot breton "lugern", etc. En fr. ancian "lucarne" = fr. "lampe", "torche", "flambeau" (Ved. l'entrada lucarne au Dic Godefroy) ; en breton "lugern" = quauquarren qui luseish, qui brilha. En las lengas celticas de Gran Bretanha e d'Irlanda , los cognats deu mot occitan lugarn (guallés llugorn, cornic lugern, gaelic ancian lócharn, irlandés lóchrann ) que i significan tots "lampa", n'i trobam pas nada traça de significacion astronomica.

Per fin, qu'acabarèi dab ua locucion gascona a l'arronç qui significa a l'abandon. Arronç (s.m.) qu'ei lo derivat post-verbau d' arronçar qui significa gitar (dab violéncia), abandonar. L'etimon qu'ei debatut. Segon jo e en contra de Wartburg, arronçar qu'ei un derivat de honsar e ua varianta d'ahonsar e qu'auré a escríve's arhonsar (etimon: fundus). La fòrma occitana "ronçar" que'n seré ua ipercorreccion. En espanhòu que tornam trobar aquesta locucion "a l'arronç" adaptada especificament au registre nautic devath la fòrma "a la ronza" qui significa "a la deriva" (per ua barca, ua nau etc). En catalan qu'ei a la ronsa, id. Qu'ei un gasconisme clar en las duas lengas, segon jo.  




dilluns, 2 de setembre del 2019

Sur la trace des Gascons et du gascon en Asturies.

L'histoire gasconne aux Asturies commence au XIème siècle avec le repeuplement de la péninsule ibérique par l'installation des "francos" venus d'au-delà des Pyrénées. Leur immigration  était encouragée par les pouvoirs chrétiens en place,  pour des raisons démographiques. Il fallait participer à la recolonisation des territoires pris aux Arabo-Berbères en noyant les musulmans sous un flot de peuplement chrétien. Le cas des Asturies était un peu à part, puisque les Musulmans ne les avaient jamais conquises. Mais les Gascons (et Occitans des régions voisines de la Gascogne ) s'y sont installés comme ailleurs en Espagne. Leur présence se fait sentir dans le texte des "fueros" octroyés aux villes asturiennes d'Oviedo et d'Avilés  par le roi Ferdinand VI en 1085. On connait le contenu de ces "fueros" (originellement certainement écrits en latin compte-tenu de l'époque) par une traduction  en langue vulgaire qui date du 12eme siècle. Tant le texte de ces "fueros" comme la langue employée dans la traduction sont inhabituels, ce qui leur a valu d'être soupsonnés de faux pendant un temps. Le fond de ces "fueros" ressemble d'avantage à un texte de "fors" comme en trouve en Aquitaine ou en Occitanie qu'à celui d'un "fuero" espagnol. Quant à la langue, c'est une sorte de macaroni de base espagnole mixé avec des gasconismes ou occitanismes lexicaux. Le copiste-traducteur devait être gascon ou occitan. Dans un autre document asturien notifiant une vente domaniale entre fidèles d'une même paroisse (archive du monastère de San Pelayo à Oviedo, 1261),  la langue est de l'asturien présentant des gasconismes non seulement lexicaux mais aussi des erreurs gramaticales parfaitement explicables par le gascon ("venduda", "metuda" écrits à la place de "vendida", "metida", par exemple). Là encore, le scribe devait être gascon ou occitan.

Dans la capitale des Asturies, Oviedo, la communauté gasconne au Moyen-Age s'était regroupée dans une seule rue du centre-ville,  à l'image des Juifs, si  bien que la rue avait pris pour nom celui de "calle de los Gascones". Encore aujourd'hui, cette rue a gardé le nom de calle gascones, une rue piétonne réputée de nos jours pour ses "sidreries" (bars à cidre).

Aux Asturies, les Gascons ont pu laisser quelques traces linguistiques dans les argots de métiers. A l'époque contemporaine ou quasi, des corporations de petits artisans employaient des argots ("jergas" en espagnol) qui leur étaient propres, selon le village et la corporation représentée. Certains de ces différents argots présentent des mots plus ou moins clairement empruntés au gascon.   Un nom même d'un de ces argots nous interpelle,  celui des fabricants de paniers de Peñamellera.  Peñamellera est un patelin dans la partie orientale des Asturies où l'on parle l'asturien oriental, c'est à dire le cantabre occidental (tout est une question de point de vue, c'est un cantabre de coeur qui vous parle). Qui ne connait pas la "vieja de Peñamellera, une chanson traditionnelle cantabre mis au répertoire des "gaiterus" de Cantabrie?  Bon, je dévie, excusez-moi, cet air fait partie de mon répertoire de cornemuse asturienne, euh...cantabroasturienne. Bref, je reprends: la corporation des fabricants de paniers de Peñamellera pratiquait un de ces argots appelé communément "varbéu"ou  "cascón" (sic, troublant, non ? Le mot évoque à la fois le mot gascon en castillan et asturien: gascón et sa forme en basque: kaskoi)  ou encore "vascuence de los Donjuanes de Peñamellera (sic)". Ces artisans faisaient du porte à porte pour vendre les paniers qu'ils fabricaient et, apparamment, avaient la réputation de ne pas toujours se limiter strictement au démarchage auprès de ces dames, l'occasion faisant le larron.

La finalité de ces argots de métiers tels que le bron, la xíriga ou le varbèu, c'était de pouvoir communiquer sans se faire comprendre des non-initiés, en particulier des clients mais aussi de l'Autorité. Ce sont des parlers linguistiquement asturiens mais qui présentent tout un tas de mots "bizarres" qui sont soit empruntés à diverses langues et adaptés à la mode asturienne ou soit des mots à la base proprement asturiens ou espagnols mais déformés, souvent par inversion de consonnes, exemple: zomu pour mozu (fr. jeune homme);  maquín pour camín fr. chemin),  de façon à  à les rendre incompréhensibles et à ainsi brouiller la signification de la phrase. Ainsi la compréhension est-elle réservée aux seuls initiés, les membres de la corporation artisanale. Par exemple:  "albeñáronse con unas búcaras de pijorriu y viciaron.". Cette phrase en argot asturien, aucun hispanophone au monde ne peut la comprendre ni même en deviner un tant soit peu sa signification s'il n'a pas été initié. En revanche, celui qui l'emploie marque son appartenance à sa corporation, à un groupe avec lequel il partage le parler spécifique. L'argot est donc aussi un signe identitaire.  La traduction de la phrase est:  "ils se sont enivrés avec quelques bouteilles de cidres et s'en sont allés." Ces argots de métier asturiens, on ne les trouve strictement que dans le domaine linguistique asturléonais de la Principauté, on n'en connait aucun dans le domaine galaicolusophone des Asturies (partie occidentale des Asturies où l'on parle galicien). Selon les argots, on estime le vocabulaire spécifique à 200 mots (toutefois extensible par l'utilisation de particules fixes permettant de camoufler n'importe quel mot ordinaire par insertion) jusqu'à plus de 1000.

Ces argots de métiers ne se limitent pas aux Asturies, on en trouvait aussi ailleurs et en particulier en France. Par exemple du côté de l'Auvergne il en a été décrit deux dans les années 1880, l'un de chaudroniers, l'autre de maçons.  Celui des chaudroniers s'appellait broun (voir l'article sur les Argots de Métiers Auvergnats et Marchois  d' A. Dauzat et J.-F.  , dans la Revue des Langues Romanes, ). Ce mot "broun" est intéressant car on le retrouve spécifiquement aux Asturies sous la forme "bron' désignant deux argots de métiers, dont un de chaudroniers. Ce terme de bron a du voyager par les Chemins de Saint-Jacques dans un sens ou dans un autre. C'est d'autant plus probable que ces chaudroniers du Centre étaient des émigrants saisonniers.

Dans ces argots de métiers asturiens, on y reconnait, entre autres,  quelques mots d' italien  déformés (gamba,niente, nente), pas mal de mots de français  plus ou moins déformés (par exemple chen (ch = à peu près tch français) ou xen (x = sh gascon, ch fr.)  pour chien; chen de montis: loup; nin = fr. rien et personne, chanche signifie change; peiro, meira = père et mère (asturianisés -eiro/a),  du catalan ou de l'occitan plus ou moins déformé  (res pour dire rien, llatre pour voleur, fainar pour dire faire etc,;  mecho pour medio (mi en français, mig en catalan, mièg en occitan). On y trouve dans certains de ces argots - surtout ceux d'Asturie orientale, énormément de mots venus du basque.  En varbéu (esp. varbeo), également appelé cascún ou vascuence, les mots tirés du basque représentent près du 18 % du vocabulaire spécifiquement argotique. Dans l'argot de la confédération des couvreurs de l'orient asturien, en particulier de Llanes et de Ribasella, appelé la "xíriga", mot asturien pour jerga, les emprunts au basque représentent plus de 20% du vocabulaire spécifiquement argotique, y compris tous les mots pour les nombres (1-ba ou bate, 2- bi, 3-iru,, etc et on y retrouve la façon vigésimale de compter (20: oguei, 30: oguei amar (sic), 40: bioguei etc.) (voir les références bibliographiques à la fin de l'article).

 On trouve aussi dans ces argots des gasconismes, très clairs pour certains, plus douteux pour d'autres. Gasconismes ou gallicismes? Ce n'est pas toujours évident. Parmi les gasconismes très clairs, on trouve le mot "nosautos" pour "nosotros" (nous) dans le "bron" de Miranda, c'est-à-dire l'argot des chaudronniers de Miranda de Avilés.  On trouve aussi  en bron le mot  "borle" qui s'emploie  pour dire "rien". En gascon, le mot  bourle (graphie EGF) ou borla (graphie alibertine) est attesté avec la signification d'effilure (fil résultant de l'effilage). En béarnais (cf. Raymond-Lespy), borla (bourle) y a populairement une signification métaphorique, celle de "quantité résiduelle", "trace" (au sens quantitatif du mot), il est donc a peu près synonyme de mic, mica (miette).   Le mot (ou un homonyme) existe aussi en espagnol (première attestation 15ème siècle), en portugais et en catalan (également attesté au 15ème siecle), sous la forme borla, mais  la signification du mot dans ces trois langues  est vraiment différente de celle qu'ont les mots borle et bourle respectivement en bron et en gascon . Dans les langues péninsulaires,  "borla" signifie houppe et non pas "fil" et ce mot y est vraiment sans rapport avec le concept de petite quantité, de privation ou de néant.  Le sens de "rien" qu'a le mot borle en bron est spécifiquement gascon. Dans cette dernière langue, borla (bourle) s'utilise dans les phrases négatives pour dire "pas du tout" , d'ailleurs comme le mot mica en catalan. Par exemple, on peut dire, en catalan:  "passejar-se amb ell no era mica agradable", soit en français: "se promener avec lui , ce n'était pas du tout agréable". De même en gascon on peut dire: "pan e vin, non n'i a borla" comme: "non n'i a ni chic ni mic"  pour dire: "du pain et du vin, il n'y en a pas du tout". L'emprunt au gascon ancien (médiéval ou de la Renaissance) est suggéré par le vocalisme tonique du mot borle en argot: /o/ et non /u/ (cf les études de M. Groclaude et de Jean Lafitte sur l'évolution phonétique du o tonique en gascon , voir ) et par la terminaison du mot en -e. Prononcer burla ou burle (u =ou) n'aurait évidemment posé aucune difficulté aux Asturiens. Mais là, le mot est bien "borle". Par ailleurs, toujours en bron, on trouve aussi le verbe "allupar" qui signifie "voir", semble un dérivé asturien du  mot gascon "lupar" ou de son cognat catalan "llupar" qui signifient regarder furtivement, épier.

 On trouve aussi  en bron des dérivés de mots communs au gascon et au français, par exemple  aplen qui signifie  beaucoup en bron cf. gasc. que n'i a plen et fr. il y en a plein. Dans différents argots, on trouve vilaxe ou villaje (selon la "jerga". Ce mot est peut-être un gallicisme mais l'origine gasconne du mot n'est pas non plus impossible, comme est probablement d'origine gasconne le mot "pasaje" en espagnol, cf Pasajes de San Juan près de Saint Sébastien. Là, Passaje est l'adaptation espagnole d'un toponyme gascon passage = passaye, Pasaia en basque,  qu'on peut traduire par "port", ici, maritime (recueilli par S. Múgica, 1923 voir . ). On trouve d'ailleurs la forme formage (sic) dans un manuscrit gascon du 13ème siécle, mot que l'on retrouve sous la forme  formaxe dans un argot asturien alors qu'il est fromaje dans un autre.  Plutôt qu'un gallicisme, la forme formaxe plaide pour un gasconisme on un occitanisme au sens large, catalanisme inclu. Les formes médiévales du mot en gascon sont graphiées de diverses manières: formadge,  formatge , formage (sic) , fromatge, fromadge. Toutes ces formes sont attestées en gascon medieval du 13ème siècle, voir DAG vol 13 paragraphe 1750. Les mots de la jerga sont donc compatibles avec l'hypothèse d'un leg du gascon ancien. Je dis bien compatible, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas servir à invalider l'hypothèse de l'emprunt au gascon, mais ils ne peuvent pas non plus servir à la confirmer.

 En jerga, on trouve aussi le mot "matín" pour dire jour (día en esp.) avec "matina" pour dire "matin" (esp. mañana), "matín" peut venir du gascon comme du français. Plus intéressant de mon point de vue:  les mots "motón" et "motona" pour dire "bélier" et "brebis, mouton" (carnero, oveja en esp.), c'est un mot que l'on retrouve, exactement sous cette même forme phonétique, dans beaucoup de ces argots d'artisans asturiens. Notez là, à nouveau, la particularité de la phonétique. Elle correspond tout-à-fait à la graphie médiévale du mot en gascon, les asturiens disent bien "motón" et non pas mutón ni mutún. Cela n'empêche pas le gallicisme possible, le "ou" prétonique français étant souvet rendu par un "o' en espagnol, par exemple le Comte Jean-François de Touloujon, gouverneur de Bayonne sous Louis XIV, est mentionné dans les documents espagnols sous la forme D. Juan Francisco de Tolojón. Par analogie, on peut donc penser que motón vient du français sans qu'il soit nécessaire d'évoquer le mot gascon ou occitan. Alternartivement, on pourrait avoir là, avec l'o prétonique prononcé /o/ et non /u/ en contraste avec le mot français "mouton",  un trait phonétique hérité du gascon occidental ancien qu'on retrouve fossilisé dans le mot français tornade (mot probablement d'origine gasconne negue - bayonnais ou donostiar, et non pas ni anglais ni espagnol contrairement à... etc ;-)), le toponyme Ortès - Orthez, des noms de famille comme Torné et Mora (gasc. tornèr : fr. tourneur; morar : fr. terrain inondé, marécage: un toponyme, à l'origine). Ce o prétonique prononcé "o" et non "ou" est une caractéristique phonétique  dont on trouve encore des traces disséminées dans le gascon extrême-occidental contemporain, en particulier bayonnais mais aussi en landais.  On a encore pas mal d'exemples illustrant cette particularité phonétique dans le dictionnaire de gascon landais de l'abbé Foix (rédigé en graphie du félibrige et achevé en 1932): "trobà" utilisé en concurence avec "troubà" (selon les parlers), "topet" en concurrence avec "toupet", etc, etc et spécifiquement  en bayonnais Foix signale le verbe "yumpolà" . Aussi chez Larrebat on peut lire"trobat" et non "troubat" etc. Gavel, dans son introduction aux poésies bayonnaises de Larrebat, traite de ce point du o prétonique prononcé dans certains mots "o" et non /u/ en gascon de Bayonne et de la  Côte Basque (trobat et non troubat etc). Lui pensait que c'était un trait contemporain lié à la décadence de la langue, mais moi, je pense au contraire que c'est un trait dialectal archaïque ayant survécu dans cette partie extrême du domaine gascon, autrefois transpyrénéen, mais qui était déjà  en voie d'extinction du temps de Gavel. En gascon d'aujourd'hui, tout le monde gasconophone prononce "tournade" (avec les variations phonétiques habituelles  pour la voyelle  finale atone) et tout le monde dit aussi tournè (qui s'écrit tornèr en graphie alibertine, tourneur en français).  Je pense que le patronyme Torné et le mot français tornade reproduisent des formes "fossiles" du gascon, comme l'est la phonétique du toponyme  Ortès (Orthez) dans la langue vivante, en gascon comme en français. De même, en gascon de Pasaia (recueilli en 1950): le niñ ploraue ( fr. l'enfant pleurait) voir .

 A noter aussi en argot asturien cette magnifique transformation du  mot camin  en... "maquín" pour dire chemin. Il est vrai que le mot camín n'aurait pas pausé de problème de compréhension pour un non-initié, chemin se disant camino en espagnol et...camín en asturien. L'absence de voyelle finale dans les mots asturléonais camín et molín (var. asturienne: mulín) qui contrastent avec les formes castillanes et galaïcoportugaises (camino, caminho, molino, molinho) rend ces mots en asturléonais quasiments identiques à leurs correspondants gascons, à la différence de la prononciation du n final, dentale en asturléonais, vélaire en gascon. En asturien, on trouve les deux variantes selon les parlers: "molín" et "mulín", et c'est "molín" en léonais. En Cantabrie (où l'on parle un asturléonais de transition), on retrouve une forme ibéroromane "normale": "mulinu" (Perry, el habla pasiega), passé sous cette forme en "cántabru" (cantabre) normé. Je me demande (évidemment) si les Asturiens et les Léonais n'ont pas tout simplement adopté les formes gasconnes apportées par les immigrants, cette adoption s'étant faite par attraction du suffixe -ín, très populaire dans l'ensemble asturléonais  et particulièrement aux Asturies. On aurait là un gasconisme spécifique à l'asturléonais.

 On peut penser (ou pas) que certains de ces mots sont un héritage de la présence gasconne aux Asturies.  Il est d'ailleurs possible qu'au Moyen-Âge ces immigrants gascons qui sont arrivés en Asturies dès le onzième siècle (il y a donc  mille ans)  n'avaient pas tous le gascon comme langue maternelle et parlaient encore la langue indigène, c'est-à-dire l'aquitain devenu le basque. Dans les territoires de l'ancien Duché de Gascogne, on parlait le basque ou le gascon selon les lieux et les classes sociales mais on n'écrivait que le latin et le gascon (ce dernier seulement à partir du 12ème s.) quand on savait écrire, et cela valait aussi pour le Pays Basque du Nord qui faisait partie intégrante du Duché et aussi pour la Basse Navarre (St Jean Pied de Port, St Palais) qui dépendait du royaume de Navarre qui s'était séparé du Duché de Gascogne, du fait d' Eneko Arista, en 824. Comme le reste du Pays Basque nord, cette partie septentrionale du royaume de Navarre était également, en plus de bascophone, spécifiquement gasconophone. Les Navarrais du Nord pratiquaient le gascon en diasystème avec l'"espagnol" version navarraise (le navarrais s'étant considérablement éloigné de l'aragonais pour se fondre progressivement  dans l'espagnol à partir du 13eme-14eme siècle). Ce diasystème navarrais a eu des conséquences sur les deux langues romanes: gasconisation du navarrais, navarrisation du gascon aux alentours de la Navarre comme, par exemple, la "correction" du verbe gascon "vier" (12ème siècle à Bayonne, attesté aussi au 13ème siècle à Morlaas et Ossau) en "viéner" d'attestation relativement plus tardive (14ème) et qui a déplacé la forme courte dans une large zone autour du Béarn.  On peut donc se demander si les mots basques présents dans les "jergas" n'ont pas été apportés par des gens originaires du duché de Gascogne, qui auraient entretenu leur langue propre un temps aux Asturies.  Ce n'est pas  strictement impossible mais il faut alors  supposer des contacts soutenus (par exemple commerciaux ou d'alliance communautaire) de ces bascophones gascons avec les Basques d'Espagne. En effet, dans ces argots de métiers,  on y trouve un grand nombre d'idiotismes du basque espagnol, en particulier biscayen, qui est la province basque la plus proche des Asturies (environ 300 km tout de même).  Le mot pour dire 20 en xíriga, par exemple, vient du basque espagnol et non du navarro-labourdin (hogei et non hogoi). Il y a donc peut-être une autre hypothèse plus simple pour expliquer ces mots basques, qui pourrait être l'héritage d' une ancienne immigration de basques de Biscaye en Asturies orientale.  En revanche, la phonétique, d'apparence très archaïsante, des emprunts gascons dans les jargons asturiens est troublante. Elle est compatible avec l'hypothèse d'un apport linguistique médiéval depuis la Gascogne occidentale. Il faut noter que la cathédrale d'Oviedo garde dans ses archives un document notarial bayonnais de 1327 concernant une dette d'argent qui liait l'évèque d'Oviedo de prénom gascon "Ot" (soit Odon en français) à un ordre religieux bayonnais pour des travaux à la cathédrale de la capitale asturienne et qui a été remboursée grace au mécènat (forcé ou non) d'un citoyen asturien. Ce document est rédigé pour partie en latin et pour partie en gascon bayonnais (gascon "negue").  Les liens entre les Asturiens et l'antique Duché de Gascogne étaient donc bien réels.

Pour ceux qui lisent l'espagnol, je recommande  cet article pdf téléchargeable du professeur J. R González Fernández sur la présence des "francos" dans la péninsule ibérique (google: la Presencia de Francos en la Península Ibérica).  Ce professeur à l'Université d'Oviedo est aussi l'auteur d'une édition du manuscrit bayonnais écrit pour partie en latin et pour partie en gascon bayonnais conservé à la cathédrale d'Oviedo, avec édition du texte, traduction et glossaire.. Hélas, cet article n'est pas conultable sur le net. En voici la référence: Un documento gascón en la catedral de Oviedo, Frenández González, José Ramón (1978). In Mélanges  Charles Camproux Tome 2 pp 553- 572.
Je recommande aussi l'article du philologue asturien Ramón de Andrés (Université d'Oviedo) sur le basque et les argots des corporations d'Asturies (El eusquera y las jergas gremiales de Asturias), également téléchargeable. Ce papier est très intéressant. Et, hors-sujet, j'ai trouvé très intéressante cette étude en français du Prof. Jean Orpustan sur les noms et surnoms des habitants du Pays Basque continental, en fait Soule et Basse-Navarre, au début du 14ème siècle. Vous pouvez la lire . Si le gascon médiéval de Basse-Navarre (14ème s.) et sa relation avec l'"espagnol" navarrais (déjà plus proche du castillan que de l'aragonais) vous intéressent, vous pouvez consulter en ligne toute une série de textes qui viennent des Archives Générales du Royaume de Navarre à Pampelune, qui en conservent environ 300 en gascon avec souvent des parties en navarrais. Le lien est sur mon blog, à droite. Bonne lecture!