Le mot gascon pyrénéen (essentiellement Bigorre et Quatre Vallées) neste (gasc. nèste, nèsto, nèsta en graphie alib.) qui désigne une rivière ou un torrent est un mot pour lequel on n'a pas d'étymon. Alors on dit "mot d'origine pré-latine" ou "pré-romane". Le problème c'est que l'on ne l'explique ni par le basque (pas de neste ni de gave en basque, a écrit en substance Orpustan) ni par le celtique. Il n'y a donc pas vraiment de raison que l'étymon soit pré-latin plutôt que latin.
Le gaulois a passé au latin le mot "berula" qui désignait le cresson de rivière qu'on appelle aussi cresson médicinal en raison de ses qualités thérapeutiques. L'attestation la plus ancienne de ce mot latin est bordelaise (Marcellus de Bordeaux, de Medicamentis liber, 36-51 cf. X. Delamarre, Dic. Gaulois). En français et en occitan le mot "berula" a évolué respectivement en "berle" et "berla", ce mot dans chacune de ses langues désigne une plante faussement assimilée au cresson, la berle, qui est d'ailleurs appelée communément cresson sauvage en français, "crechoû saubadgę" chez Palay. La Berle (de berula) est aussi le nom de plusieurs cours d'eau dont un en Bourgogne et un autre en Gascogne, au Médoc. Et de manière intéressante, en gascon, la signification "cresson" ou "berle" du mot a été perdue, je ne l'ai trouvée dans aucun dictionnaire. En revanche le mot a subsisté comme hydronyme en gascon des Landes et du Médoc: la bèrle (Palay) ou bèrla (graphie Alib.), c'est une prairie inondée, une prairie marécageuse (Palay). L'ouverture de la vocale tonique, à première vue anormale, ne l'est pas vraiment compte tenu que le mot est landais.
Cette observation, qui est celle d'un honnête homme, m' a amené à poser la question d'une relation étymologique possible entre nasturtĭum - l'équivalent de berula en latin classique ( fr. cresson médicinal) et le mot "neste". Ce dernier pourrait parfaitement dériver de nasturtium via un procédé de dérivation dégressive du type sablon -> sable.
nasturcĭum" var. "nasturtĭum" ->. *nestós --- > neston.
EDIT 5 avril 2021 Cette dérivation que je postule *nestós -> nesta en rappelle une autre en gascon: gària (s.f., femelle du héron), cf. Palay gàrye. De même, à Bayonne gàrie (s.m.) signifie goéland. On a là deux beaux exemples de dérivation régressive à partir du mot "gariòu" qui sert à nommer le héron et diverses espèces d'oiseaux aquatiques (étymon gallus). Cette désaffixation a permis d'ajouter deux nouveaux mots au lexique gascon.
Donc, avec cette hypothèse étymologique, le latin devient la seule langue connue susceptible de donner un étymon au mot pyrénéen neste.
Cette dérivation est-elle impossible selon les règles de la linguistique gasconne ? Je ne le crois pas du tout, bien au contraire, et les linguistes me corrigeront si je me trompe. Si cette dérivation n'est pas impossible, alors il n'y a pas de raison de refuser cette étymologie, en absence d'alternative à partir du basque et du proto-celtique. On peut toujours y rajouter un "peut-être" ou un "probablement" selon ses convictions mais "à exclure", non. Evidemment, cette hypothèse est beaucoup moins romantique que celle qui se baserait sur l'étymon inconnu d'une langue préhistorique disparue, mais je la trouve tout de même beaucoup plus solide.
Sur l'étymologie du mot pyrénéen gave (canālis), voyez là (en gascon) ou même là (en français).
PS: Si quelqu'un peut me renseigner sur l'année de la première attestation du mot neste, je serais interessé. Il ne figure pas dans le volume 2 du DAG, contrairement à gave, largement cité.
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