En gascon comme en galaïcoportugais, le mot latin "canalis" a donné deux formes. Une forme a conservé le "n", probablement par cultisme, "canal" en portugais, "canau" (s.f.) en gascon, en accord avec l'espagnol, l'aragonais, le catalan et le français. On a aussi une forme ayant perdu le "n": "caal" en galicien et gau (s.f.) en gascon pyrénéen, en particulier béarnais. En gascon, le mot latin "aqualis" pourrait peut-être conduire au même résultat: lat. aqualis -> gasc. agau (s.f.) -> gau (s.f.) si bien que les deux étymons pourraient s'y confondre. Toutefois, des formes résiduelles et l'analyse des dérivés d'aquale en catalan (aigual, aigal) indiquent que "aquale" se dérive en en aig(u)au (s.m.) en gascon (cf. aygau dans Palay et le nom de famille Aygouau). Bien sûr la derivation aqual- -> aig(u)au -> agau n'est pas du tout impossible. On l'a clairement avec l'hydronyme agau à Nimes. Toutefois, aygau est masculin en gascon, et comme son cognat catalan aygual, il désigne une étendue d'eau et pas du tout un canal. Il est donc très difficile d'admettre la derivation aygau s.m. (étendue d'eau) -> gau s.f. (canal). Il est plus probable qu'agau (s.f., canal) dérive de gau (s.f., canal) comme agafa et agafar dérivent de gafa et gafar. Je ne pense donc pas que gau vienne d'aqualis. En plus, gau a des dérivés affixés étymologique galet < canalĭttu et galeta < canalĭtta La forme *aqualĭttu - a n'est pas attestée nulle part en occitano-roman ni ibero-roman ni gallo-roman, sauf erreur de ma part. Il me semble donc bien plus probable que "gau" dérive de canale (galet(a) = canalet(a): galeta de la hont, canaleta de la font) plutôt que d'aquale. Canau serait un doublon culte de gau.
En tout cas, au gasconisme "gau" (s.f.) se rattachent par affixation "galet" (canalĭttu-), "galeta" (lat. canalĭtta) qui sont des mots voyageurs avec avatars et dérivés en aragonais, castillan, portugais et catalan (sens large) (arag. esp. port. gallete, galhete : gorge anat. et goulot de la bouteille; cat. s.l. galet, gallet (id.); arag. esp. ga(l)lillo : glotte; localement: pomme d'Adam; esp. port. galleta, galheta , récipient à goulot étroit ou à bec verseur, burette; cat. s.s. galleda , seau; arag. esp. régional: gallo, pas le coq, le jet d'eau (< gallete).
De ce même mot gascon "gau" (s.f.) dérive aussi par affixation non étymologique mais populairement logique: "gauet" / "gavet" (s.m.) et de "gauet" / "gavet" a pu être reconstruit "gaue" / "gave" (s.m.), pour désigner de manière générique la rivière en gascon (béarnais), mot qui aurait diffusé jusqu'au Lavedan, se substituant au mot "neste" (aussi gasc. nèsta, aussi graphié nèste, nèsto). Le mot béarnais "gave" a été emprunté localement par le basque (Navarre: gaba). Les formes minoritaires gaber, gaver qu'on trouve dans certains manuscrits anciens, en particulier béarnais, résulteraient d'une adaptation latine gaber, gaberis du mot gascon gave. Autrement dit, ce serait gaber qui dériverait de gave par latinisation du mot gascon et non l'inverse.
En conclusion, selon mon analyse, le mot "gave" est un gasconisme dérivé du mot latin "canalis" via le mot "gau" et sa forme affixée gasconne "gauet" /"gavet" et pas du tout un mot prélatin ni préindoeuropéen ni extra-terrestre.
Publié dans fb le 6 février 2021.