diumenge, 16 de maig del 2021

*Uasso, un étymon gaulois pour le mot "vailet" en gascon? Pas si sûr...Plutôt le latin bajŭlus.

 En français, l'étymon du mot valet  est le mot gaulois *uasso- (proto-celtic *uarso-) qui signifie serviteur. Le mot vassal en est une forme latinisée par affixation de vassus (vassus - > vassalus) facilitant l'adaptation en roman deu mot gaulois. Une autre forme adaptée par affixation était vasset qui était synonyme de vassal. On trouve aussi dans le Godefroy les formes vassel , vasselle, vaisselle, vasselet et vaisselet qui signifient soit vassal soit serviteur ou servante. Enfin on trouve le mot vaslet, ancêtre du mot français valet, que l'on fait dériver de vasselet par un évènement de délétion d'une syllabe. La forme varlet, que l'on trouve en picard, en wallon et en provençal aurait  la même étymologie, par rotacisme ( voir valet, CNTRL).  Donc protoceltique *uarso- > gaul.  *uasso- > lat. vassus >  lat. vassalus;  roman vassal et vassel  > vasselet - > varlet et vaslet - > valet. Cette séquence assez compliquée est toutefois généralement acceptée.

La forme strictement occitane est "vailet" que l'on trouve en gascon, également répandue en occitan à l'ouest du Rhone et en catalan jusqu'en valencien: vailet. Cette forme ne dérive pas forcément de "vasselet" via "vaslet", car cette dernière forme n'est, à ma connaissance,  pas du tout attestée ni en catalan, ni en gascon ni en languedocien. Les troubadours originaires de l'ouest du Rhône n'employaient que la forme "vailet", à l'exception du Roussillonais Guillem de Cabestany qui employait  "vallet", probablement la forme proprement catalane (pour "batlet", voir plus bas). Le troubadour provençal R. de Vaqueiras employait la forme française de l'époque "vaslet".  Il n'est pas obligé (ni impossible) que le mot proprement occitan "vailet" dérive de "vasselet" via "vaslet". L'absence totale d'attestation de cette forme "vaslet" en gascon, ancien comme moderne, permet toutefois de douter de la pertinence de cette dérivation. J'ai une autre hypothèse étymologique, latine et non celtique, qui explique beaucoup plus simplement le mot gascon "vailet" (baylét). J'explique à la suite les arguments qui me font adopter cette hypothèse non conventionnelle. 

Le mot bajŭlus  signifiait en latin "portefaix" et a pris le sens de serviteur en roman. C'était bien le sens du mot de l'ancien français "baille" qui  dérive de bajŭlus  en droite ligne (définition du mot "baille" dans le dictionnaire Godefroy d'ancien français: "baille: celui qui est au pouvoir de, valet, serviteur").  C'est aussi par ce mot qu'on désignait le maire autrefois, un héritage médiéval. En gascon le mot existe toujours avec ce sens de maire même s'il est un peu éculé, c'est bàyle, var. bàylou (Palay). En gascon "baylét"  veut dire valet alors que "baylòt" désigne un petit maire (cf. Palay).   En catalan, le mot batlle, du latin bajŭlus,  signifie toujours maire (voir ).  En catalan est aussi conservé localement le mot batlet pour désigner l'outil de menuiserie, le valet (cf. D.C.V.B, Alcover-Moll). Ce mot catalan "batlet" renvoie au mot "batle" qui est la forme ancienne de "batlle" (D.C.B.V.; voir aussi ) ce qui confirme que c'est bien "bajulus" l'étymon pour ce mot catalan désignant le valet menuisier, comme pour "baille" en ancien français et donc pour baylét (vailet) en gascon. Le catalan a aussi emprunté le mot occitan vailet, attesté dès le 14ème siècle en valencien, qui a du se substituer à batlet (grafié vallet par G. de Cabestany). Les Catalans ont également emprunté la forme provençale "varlet" devenue "barlet" qui, en catalan, n'a que le sens de l'outil de menuiserie, le valet. Autrement dit, "barlet" est la forme provençale synonyme de la forme proprement catalane "batlet" , ce dernier restant non incorporé en catalan normatif, contrairement au mot "barlet"


L'hypothèse de la dérivation du mot gascon "vailet" à partir de "vasselet" suppose une séquence assez compliquée qui, au final, reste douteuse et, en fin de compte, assez peu crédible puisqu' elle impliquerait un intermédiaire "vaslet" dont on a trace nulle part en gascon, ni l'ancien, ni le moderne. Notre mot a bien pu dériver beaucoup plus simplement de bajŭlus, comme c'est le cas pour les mots "baille" (synonyme de valet)  et "batlet" (valet de menuiserie), respectivement en ancien français et en catalan. En gascon, on aurait donc la séquence suivante: 

lat. bajŭlus - >gsc.  baile - > gsc. bailet (affix.). 

Il est probable que les deux mots d'étymons distints, le latin et le celtique,  se soient croisés: bailet x vasselet, ce qui expliquerait les différentes formes romanes: vaslet, varlet, vailet et valet. On aurait ainsi le résultat de la rencontre de deux étymons synonymes: le gaulois *uassos (lat. vassus)  via le mot roman "vasselet" et le latin bajŭlus  via le mot gascon "bailet" devenu "vailet" en dehors de la zone gasconne par influence de "vaslet", ce dernier mot dérivant de "vasselet" par réduction syllabique.  





diumenge, 2 de maig del 2021

Barrar, barra, barrica, barrèra une famille de gasconismes voyageurs (fr. barrer, barre, barrique, barrière), étymon latin vallo, vallāre (fermer par une palissade), vallus (pal).

 Barrar, barra, barrè(i)ra etc;  fr. barrer, barre, barrière etc voici une famille de mots pour lesquels on n'a pas d'hypothèse étymologique très convaincante, ce qui a conduit à supposer un étymon inconnu pré-latin  (voir barrar dans le G.D.L.C.). On a supposé un celtisme mais aucun étymon celtique connu ne semble bien correspondre. L'étymon gaulois "barros", tête, extrémité, semble sémantiquement peu pertinent".  Alors permettez-moi de vous en proposer une explication étymologique assez simple, à la fois latine et typiquement gasconne. L'évolution historique de la phonétique gasconne, très particulière, explique que la relation du mot avec celui du latin classique soit passée quelque peu inaperçue. 


Du verbe latin vallo - vallāre (fermer par une clôture de pieux, entourer ou clore un lieu par une palissade) ont dérivé le verbe (éteint) en ancien français "valer "(entourer d'un rampart, ramparer cf. Dic. Godeffroy) et le verbe espagnol "vallare" : cercar o cerrar un sitio con vallado (DRAE), c'est à dire entourer ou fermer un lieu avec une palissade, une clôture. En catalan, ce verbe "vallar" a subsisté sous la forme affixée vallejar (creuser une excavation), le verbe vallar signifiait à l'origine entourer  par un "vall" (s.m.),  deu latin "vallum" qui désignait la palissade, entendu aussi au Moyen-Âge comme "fossé" d'où le substantif catalan vall (s.m) (fossé, excavation) et le mot des troubadours  val (id.). Aujourd'hui en oc. on dit plutôt un "valat" (fossé), ce mot est bien le cognat de l'esp. "vallado" (clôture) et du gascon "varat" (fossé). Barrar est tout simplement la forme gasconne qu'a prise le verbe latin vallāre, dont la signification latine, conservée en espagnol et en gascon, était bien celle de "fermer" (originellement: par une palissade), "clôturer" (originellement: par des pieux) (latin vallus= fr. pal, pieu). "Barrat" (s. m.) a encore le sens de clôture en gascon, comme son cognat espagnol "vallado",  et en gascon, "barròt" signifie bien bâton (lit. petit pieu). 


En résumé: du verbe lat. vallare (clore par une palissade, entourer d'une palissade -lat.  vallum = palissade; lat. vallus = pal, pieu) est issu très régulièrement le verbe gascon (b/v)arar (fermer par une clôture ou un fossé) conservé sous la forme de son substantif varat (fossé). Le verbe lui-même  (v/b)arar a évolué en "barrar" (fermer), cette gémination expressive permettant de distinguer le concepte de clôture (barrat, s.m.) de celui de fossé (varat, s.m.) (le gascon ne distingue pas le "v" du "b"). Les deux mots gascons barrat (clôture, fermé) < latin vallāre ) et varat (fossé, de varar < lat. vallāre) sont en fait absolument cognats, c'était le même mot à l'origine. La généralisation de la gémination chez les membres de cette famille de mots gascons est relativement tardive dans l'histoire du gascon, on trouve encore la forme "bareira" (graphié ainsi pour "barèira") au 12 ème siècle,  en concurrence avec la forme "moderne" avec géminée barre(i)ra (pour barrè(i)ra, cf. le glossaire de Luchaire). Le mot "varat" a échappé à cette gémination, probablement préservé par attraction des dérivés gascon du latin "vallis": devarar, devarat (fr. dévaler, dévalé). En revanche, seule la forme avec géminée "barra" a été incorporée en latin médiéval - un gasconisme en latin, comme on l'a déjà vu avec  "galeta" (< canalĭtta, le récipient à col ou bec genre burette, rien à voir avec la galette) - et c'est bien sous cette forme "barra" que le mot a du voyager, véhiculé par le latin. Cette gémination expressive (de violence ou de défiance, de dégoût) n'est pas exceptionnelle en gascon. Par exemple, le mot du gallo "marache" (sorte de petit requin) est devenu en gascon "marrache" (aussi graphié marraisha) et du latin pellissa a dérivé le mot gascon perrissa. On peut supposer, dans notre cas,  que cette gémination qui apporte un gain expressif au mot a pu être provoquée originellement par le sens brutal, agressif, du verbe "abarrotar" qui, en gascon, signifie bastonner, cogner à coups de "barròt" (bâton, gourdin < latin vallus ou bien dérivé du latin vara).

Donc, le mot "barra" peut être le dérivé de vallum (palissade, plur. valla) voire même re-formé par dérivation a partir du verbe (v/b)ar(r)ar (lat. vallāre): clôturer par une palissade ou (au Moyen-Âge) un fossé, une excavation. Barra est, de toute façon, le cognat gascon du mot espagnol valla (clôture, palissade). Le mot gascon avait peut-être aussi le sens de pieu, pal autrefois, l'étymon ayant gagné la notion de fermeture en roman mais, en latin, le substantif "vallus" avait bien la signification de pieu, de gros morceau de bois, signification qu'on trouve conservée en gascon avec le dérivé affixé barròt (bâton, gourdin), à moins qu'il s'agisse d'une confusion avec un dérivé du latin vara (cf. esp. vara: bâton, gourdin). Rappelons que le gascon confond phonétiquement le v et le b qui sont toujours prononcés /b/ quand ils se trouvent au début des mots. La forme masculine dérivée régulièrement de vallu- (palissade, pieu)  poserait en gascon un problème, elle serait homonyme du dérivé de vallis (vath) fr. val, vallée), comme c'est le cas avec val (fossé) et vall (fossé, id) respectivement en occitan et en catalan. D'ailleurs le mot des troubadours "val", normalement masculin (fossé), y est parfois traité comme féminin par confusion avec le dérivé de vallis (en oc. val, s. f).  Les mots gascons "barra" et "barròt" ne posent pas ce genre de problème. Si la relation morphologique avec l'étymon a été perdue grace à, ou à cause de, l'évolution phonétique très particulière au gascon, la relation sémantique avec l'étymon, en revanche, a pu être assez bien conservée en gascon même. Le sens de "pieu" du mot latin "vallus" se retrouve en gascon avec ce diminutif, "barròt"  (bâton, gourdin), qui, en gascon, s'emploie bien plus couramment que baston dans ce sens (fr. bâton), baston en gascon signifiant (aussi)  fourrage, litière . Baston est un mot exclusivement gascon, dérivé affixé de "basta":  bruyère, ajonc, plantes qui poussent dans les friches cf. eusk. "basati": qui est grossier, non cultivé, sauvage, de "baso": friche, bois. Cet étymon est possiblement à l'origine de l'hydronyme navarrais  Baztan correspondant à la Haute-Nive et que l'on retrouve en Bigorre (Bastan = qui est de la "baste", en friche, sauvage, toponyme de la vallée hérité par la rivière elle-même). Barta (barte) var. barda (barde cf. le glossaire de Luchaire) est probablement une autre forme du même mot, derivée par rhotacisme. Le mot  barte étant glosé en "silva" en gasco-latin médieval,  Luchaire  traduit le mot barte par "forêt" (cf. le glossaire). En gascon, la barte désigne en fait une friche inondable. 

Abarrotar signifie frapper à coups de bâton, bastonner, c'est un gasconisme sémantique qui n'a pas voyagé, la relation du mot "barròt" avec le concept de "pal", "pieu" du mot latin vallus ne pouvant être faite que dans la langue originelle, le gascon, et non dans les autres langues ayant acquis le mot gascon "barra" par le biais du latin (en latin: pièce de bois qui empêche le passage, barrière).   Par ailleurs, "barrat" (s.m.) a bien gardé le sens de "clôture" en gascon, exactement comme son cognat "vallado" en espagnol. Cette gémination des dérivés de vallāre et vallu-s/m a permis à la fois de créer de vrais faux nouveaux mots en gascon et de conserver la signification de l'étymon car, et il bien est là, le génie gascon, on ne peut pas confondre barra avec vath (vallée) ni même barrat (clôture) avec varat (fossé), en dépit de l'origine unique de ces deux derniers mots. 

Ce mot gascon "barra" été adopté sous cette forme en latin médiéval avec le sens originel de " pièce de bois  qui empêche le passage ", ce qui a du provoquer l'expansion de ce mot et des membres sa famille dans toutes les langues romanes et au delà. Le mot a plu, à l'évidence. Pour moi, pas de doute, c'est un magnifique gasconisme. Les linguistes ne s'en sont pas aperçus, c'est assez habituel, beaucoup ont effacé le gascon de leur radar en le confondant avec le provençal ou l'occitan. Ils ont tort! Ce mot ne peut pas être de construction occitane (sensu stricto), seul le gascon peut expliquer son évolution originelle à partir du latin, encore faut-il vouloir ou pouvoir garder le gascon en considération !!!  C'est probablement grâce à l'incorporation de ce mot "barra" au lexique du latin médiéval (probablement, à l'origine, sous la plume d'un ecclésiastique gascon, comme pour cet autre mot gascon passé au latin, galeta, pour désigner un récipient type burette, un flacon à col ou à bec) qu'il a pu aisément voyager dès le Moyen-Âge. Et il a pu, par la suite,  continuer son évolution en dehors même du roman pour atteindre une dimension universelle. Il est  devenu en lui-même un étymon !!!  Et, à ce propos, quand rouvrent les bars?  Los bars que son barrats!!! (Ecrit en temps de confinement :-D ).



Quelques étymons celtiques d’intérêt pour la philologie du gascon.

Les étymons celtiques ne sont pas particulièrement nombreux en gascon. Mais le fait qu'ils soient rares ne les rend pas moins intéressants. Certains ne se retrouvent pas ailleurs dans le domaine roman et quelques-uns  peuvent être même extrêmement localisés, ne concernant qu'un nombre très restreint de parlers dans le domaine gascon. Cette liste ne se prétend pas exhaustive et sera amenée à évoluer dans le temps. Pour les étymons, voir Etymological Dictionary of Proto-Celtic de R. Matasović (Brill) ,  le "Celtic Lexicon" de l'Univ. du Pays de Galles (University of Wales), (consultable en ligne ) et le dictionnaire de la langue gauloise de X. Delamarre (Ed. Errance).

*Abalo "pomme", aballo "pommier". A cet étymon a été rattaché le théonyme aquitain Abellio ("dieu-pommier", cf.  le théonyme "sexarbores" six-arbres). Possiblement l'étymon d'avajon /abajon, myrtille, via la forme suffixée abalione. a moins que l'étymon d'avajon soit  plutôt "anabione" de l'aquitain *anabi, basque ahabi, abi, cf. cat. nabiu, nabinera  (id;).   On peut imaginer que la forme métathésique "abanione"  > abajon avajon ait été formée par attraction d'aballo(ne-) 

*Agranio "prunelle". Ce mot est à l'origine d'aranhon, aranhoèr: prunelle, prunellier (cf. X. Delamarre, Dic. L. Gaul. ). A noter que Matasović donne agrinio pour le proto-celtique. La question de la relation avec le mot basque aran (id.) est posée. Emprunt? Et si oui, de qui à qui? 

*Andounna "Eaux du bas" > Nive (rivière). Si l'on veut un étymon indoeuropéen pour l'hydronyme Nive, on en a un possible avec le mot celtique latinisé en *Anduna (<*Andounna). Il existe en Navarre un río Anduña qui pourrait partager l'étymon (*Andunna).  La phonétique gasconne du bas-Adour  fait le reste:

*Anduna ->(L') *Anua / (la) *Nua  -> Niva = Nive , en gascon: /'niwə/ et /'niβə/.

Pour plus d' explications, voir

* Artīka, voir *Arto-

*Arto- : pierre (Celtic Lexicon, Etym.Dic.Proto-Celtic, v. irl art = pierre) . Ce mot est à mettre en relation avec artiga /artigue (*artīka FEW 25 p 387) : terrain inculte à défricher, résultat du défrichage. Arto en aragonais et en  espagnol est un terme botanique (s.m.) qui désigne diverses espèces de buissons à épines tandis qu'en basque  arte (var. arta) désigne le chêne vert. On aurait la même relation que celle  qui lie le mot celtique *karra (rocher ; irl. carr: rocher, plaque rocheuse; carraig, var.carric : gros rocher) aux mots gascons garra (rocher), garròt, carròt (rocher), garriga (garrigue), garric (chêne-vert) (voir *karra). *Arto (rocher) -> *artica (terrain  inculte,  friche ) -> arto (espèces de buisson épineux, en aragonais et en espagnol), et p.ê le basque arte /arta (chêne-vert).  Ce mot "artic (cf. le toponyme Artix, artics), "artiga" (<artika) peut-être assimilé à boïc, boïga ( <bod(u)ica étymon wodwa= couper, diviser, fouir) et aussi à garric- garriga (étymon karra : pierre). Il a une allure bien celtique, peut-être un celtisme en basque (comme landa).  L'hypothèse d'une étymologie basque pour artiga < arteaga (lieu ou poussent des chênes verts) est séduisante car le sud-ouest du triangle aquitain et sa continuation péninsulaire semblent bien être  le berceau du mot qui a diffusé en aragonais, catalan et occitan et au-delà en ibero-roman.  Il faut néanmoins noter qu'en aragonais (aussi localement en basque),  le mot y peut avoir la forme "artica"  ce qui n'est pas attendu  avec l'étymon "arteaga". Il est d'avantage probable que le mot basque "arte" var. arta dérive d'"artika, artiga" comme le mot roman arto. On a voulu rattacher à l'étymon d'artiga (quel qu'il soit) une famille de mots wallons, c'est peu vraisemblable. Il y a du avoir confusion avec un autre étymon celtique, probablement ar-yo qui signifie labourer et dont la forme progressive comporte une dentale (v. irlandais airid, gallois moyen: arduu, breton moyen arat  = fr. "labourant" ) cf.. FEW artīka 25 p 387) et Etym.D. Proto-Celtic ar-yo.  

*Balano <banatlo (genêt, balai) > gasc. balen, balia, baliva, baluva, balejar, baleja. *balano est la forme gauloise, c'est une forme métathésique du mot proto-celtique banatlo, les langues néoceltiques ont gardé la forme originelle.   Ce mot celtique a un double sens : genêt d'une part, et balai de l'autre  (cf. le mot anglais broom qui a le même double sens).  De balano dérive le mot gascon "balen" à l'origine de balejar , baleyà (<*baleneyà). Les mots français balai et balayer sont probablement des emprunts médievaux au gascon. (bales (1280) < gasc. balens; v.-fr. balei (balai) : prononciation bayonnaise et landaise du mot  balen ou déverbal masculin du verbe baleyà (balayer) > fr. balai. La dérivation balano > balain est régulière en français, cette forme (attestée) a cédé la place au gasconisme qui s'est généralisé en gallo-roman. 


*Balāko. forme dérivée de *balano par substitution d'affixe , à l'origine de gasc balaguèr -a. *Balāko> *balac >balaguèr-a 1- "ensemble ou tas de genêts (signification éteinte, à l'origine des toponymes couserannais, béarnais etc Balagué, Balaguères etc, ) 2- balaguèr-a: vent du sud (vent violent, lit. qui balaye). Le mot est passé au catalan: balaguer ensemble ou tas de genêts (mot éteint, fossilisé dans la toponymie catalane: Balaguer) d'ou, par dégression en catalan, bàlec: genêt. Le mot est aussi passé à l'espagnol qui l'a adapté en balaguero : tas de paille d'où bàlego par dégresson: paille. La suite vocalique bala indique bien que l'étymon est gaulois et non celtibère, comme l'a remarqué  justement Coromines. Ce changement d'affixe suppose une dégression de balano attestée par la forme bala: genêt, paille que l'on retrouve en capsinais et localement en gascon, p.-ê. aussi avec le mot bal(l)e (des graminés) en français. . 

Bannā var. bennā (pointe et wagon, benne ). Le gaulois a deux mots homonymes bannā var. bennā, à moins qu'il ne s'agisse du même mot pour une raison qui nous échappe, peut-être lié à un détail de la forme du véhicule lui-même. Dans un cas, le mot signifie pointe > sommet, corne; dans l'autre, il désigne une sorte de wagon, de benne (< benna) mobile.  Le Celtic Lexicon garde la forme bennā comme proto-celtique en admettant deux étymons homonymes. Le Et. Dic. Proto-Celt. prefère remonter à une forme bando- (pic, sommet ) pour le premier et fait l'impasse pour le second.   Le mot bana en occitan, catalan oriental et aragonais; banya en catalan oriental, signifie corne. Ce n'est pas le cas  en gascon qui donne au mot bana (a.g. bane) un sens très singulier, celui d'une espèce de récipient:, cruche, bidon à lait. Et c'est aussi une ancienne unité de mesure, équivalent à environ 20 l.  Le gascon a le mot emban(n)  (s.m) (var. enban) (auvent) qui est un cognat du français auvent, oc, envans (id.) tous remontent au gaulois "ande-banno-", (lit. pointe en avant). C'est le gascon qui a gardé la forme la plus proche de l'étymon gaulois. Le mot catalan  envà, prononcé  /ǝm'ba/ en cat. or. et /em'ba/ et /am'ba/ en cat. occ. est à l'évidence  une adaptation du mot gascon emban.  L'"embano" (graphie de Mistral) est aussi une ancienne unité de mesure pour quantifier le grain en occitan de Rouergue (TdF).  

*Beru (?) source,  berura- (espèce de cresson)) (beruro- selon Matasović), Berula (espèce de cresson). Marcellus Emperius , médecin-guérisseur bordelais (Vème siècle) a qui l'ont doit une magnifique formule magique en gaulois pour chasser la "chose collante"  (voir glion) nous vante les effets bénéfiques d'un cresson qu'il appelle "berula" dans son latin. C'est la première attestation de ce mot qui a donné berle qui désigne le cresson sauvage en français, une espèce différente du cresson officinal. L'espagnol a le mot berro (s.m.) (cresson des fontaines, cresson officinal) qui soit remonte à un mot celtique beruro (v. irl biror cresson; v. breton biror) ou alors est une adaptation espagnole du mot du gascon maritime "le berle"  (s.f.)  > el berro (s.m.) (comme le marrache (s.f.) > el marraxo, marrajo (s.m.) ; le tornade (s.f.)  > el tornado (s.m.), le galerne (s.f.) > el galerno (s.m.) etc.) La relation entre le mot celtique beruro ou berura et le mot gallo-latin berula (peut-être juste une variante phonétique) n'est pas tout-à-fait claire), elles présentent en tout cas une racine commune beru, probablement un mot qui signifie source (v. irl bir =source, puits). En gallo-roman, le mot d'origine celtique "berula" sert à désigner la berle (aka cresson sauvage), tandis que le mot latin a servi à désigner le cresson officinal (aka cresson des fontaines), deux espèces pas du tout apparentées entre elles et qui ont en commun de pousser dans des milieux inondés, fontaine ou ruisseau. Les deux mots, le latin et le gaulois, sont à l'origine d'hydronymes en Gascogne. Nasturcium  > *Nestós (> Toponyme Nistos) et de ce dernier par dégression illégitime mais prévisible (confusion avec l'affixe gascon -ós, exacte correspondant de l'affixe français -eux, ex. chanceux, heureux, pluvieux,  etc):  nèsta, fr. neste (nom de différentes rivières pyrénéennes, passé dans le lexique gascon avec ce sens). Cette séquence étymologique  nasturcium (cresson) -> nesta (torrent) est attestée par le mot neston qui signifie bien cresson (TdF)  et qui dérive de nestós par changement d'"affixe".  Quant à berula -> berle (s.f.) , c'est aussi devenu un hydronyme avec le sens de prairie inondée dans les Landes. C'est aussi  le nom d'un ruisseau girondin et d'une rivière de Bourgogne . En Gascogne, cet étymon berula n'est d'ailleurs représenté que dans la zone Gironde- Lande, comme beaucoup de celtismes gascons. 

*Berura, *beruro- voir *Beru-. 

*Birrāku voir *Birro

*Birrĭttu- voir *Birro

*Birro- (Et. Dic. Proto-Celtic) ou berro- (Celtic Lexicon), Gaulois birros (selon Delamarre Dic. Gaul.) adj.  ( court)  > gascon: bret-a adj.: court de jambe   (< bərrĭttu-, b'rrĭttu); brac -a adj.  (court) (< bərrāku-); barraquet (< bərrəkĭttu-): se dit d'une personne petite et grosse;  braquet (< brac) nom de boeuf, de vache de taille courte, nom de personne; braquèra (< brac): adj. état de ce qui est court, restreint;s. petit bétail. Nombreux dérivés de brac: abracar, abracada, abracadis, abracalh, embraca etc. (cf. dic Palay). L'hypothèse d'un hellenisme pour expliquer le mot gascon "brac" n'est pas crédible. Pour plus de développement, voir

*Bita  (coupure, bord) (Celtic Lexicon). Ce mot pourrait expliquer le mot du gascon septentrional  bidana, bisana qui signifie borne, de *bitana forme affixée de bita. Les formes en br- bl seraient par confusion avec *bri qui a aussi le sens de coupure (voire *bri-). Du même étymon pourrait être le mot proto-celtique *biti qui signifie chemin et que l'on retrouve p.-ê. en basque sous la forme bide (chemin). 

 *Bodwo, *Bodwā (combat >corneille >espèce d'oiseau  ), boduacus > gascon bidòc (rapace:  milan, chouette).  Bodwo -bodwa 'était un théonyme proto-celtique et aussi un mot du régistre ornithologique.  Le mot signifiait à l'origine corneille (v.irl. bodb : corneille) en  irlandais contemporain, il signifie vautour, en v. breton le mot boduu, bodou est glosé "ardea" (sic) (héron?), en gallois contemporain: bòd, bodo signifie buse et baou en breton signifie également buse.  

Je suis intrigué par les mots gascons en òc pour dire milan, buse ou assimilés. En gascon du Médoc on a bidòc (busard, chouette voir le lexique de D. Escarpit, , voir aussi TdF adresse busac et Palay: bidòc), sinon c'est bisòc, bissòc, busòc etc. En occitan, donné toulousain par le FEW, le mot est busac (glosé milan royal par le dic. Acad. Oc. , busa étant buse) , v. occitan buxac (budsac?). On suppose ces mots dérivés de butionem (v.fr. buson) par dégression illégitime (buson > buse - busa et affixation de busa avec -ac, òc . Mais ni le mot buson ni le mot busa ne sont attestés en ancien occitan, il semble bien que cette dégression soit française et que le mot importé du français en vieil occitan ait été busart. Ces suffixes -ac et -òc doivent nous mettre la puce à l'oreille, car l'occitan au sens large dispose d'une multitude d'affixes bien productifs, il est frappant que l'on trouve justement ceux-là qui ne le sont pas trop.  Rien n'indique une quelconque nuance dépréciative, sachant que fauconnier en v. occitan se disait busacador, le "busac" était donc prisé. De surcroit, on a, au moins en gascon,  des formes assez atypiques comme bidòc, bussòc  et bissòc qui peuvent laisser penser que la relation avec butionem n'est pas si simple. Il se pourrait que l'étymon soit bien celtique,  bodwa"  via un ancien "*bodwakos" attesté comme anthroponyme gaulois sous la forme Boduacus. C'est ce dérivé affixé de bodwa qui a pu être utilisé pour signifier un rapace de manière un peu générique.  Les deux étymons synonymes, le celtique et le latin ont pu se croiser. Bodwakos  >  *bodòc, bidòc, dont bisòc, bissòc et busòc  peuvent dériver  avec influx possible de busart.   Le mot italien bozzago (sorte de rapace, buse) pourrait avoir la même origine celtique (boduacus) via le mot v. occitan buxac (budzac). Pour plus de commentaires et sur la forme galicienne buzaco et asturo-cantabre buzacu (rapace de taille moyenne: milan, autour, chouette etc), voir


*Bonno- (frappe) > *bomo- (frappe, action de creuser, sillon de terre >  gasc. "vomet"  (sillon de la charrue, soc de la charrue), vome (soc de la charrue)  cf. breton bom, buem, bomm : sillon de la charrue, sillon de terre.

A noter qu'il existe une confusion en gascon entre les dérivés du mot celtique *bomo (vome, vomèr: soc de la charrue, vomet:  sillon du soc, soc)  et  les dérivés du lat. vōmer ou vōmis, acc. vōmerem (soc de la charrue) d’où la graphie vomier (mot du troubadour médoquin P. de Corbac qui l'a probablement occitanisé pour le besoin du style), vomer, (archives médiévales bordelaises), vomet, vome qui signifient "soc". Le mot "troubadourenc" "vomier" ne peut en aucun cas dériver naturellement du latin vōmer(em) pour des raisons d'accentuation, vōmerem étant accentué sur la première syllabe alors que vomier doit représenter vomièr, forme "troubadourisée" de *vomè(i)r. D'ailleurs, l'étymon latin vomer(em) est bien représenté en gascon par les mots (rares) "vombre" et "vombret" (soc de la charrue) (attesté dans les Reclams, J.-Y. Gaubert, com. pers.), la dérivation de vombre à partir du latin vōmerem étant cette fois-ci parfaitement régulière. L'étymon de vomièr, vomèr, vome et vomet est donc beaucoup plus vraisemblablement le celtique bomo-  latinisé sous une forme affixée (*bomariu- > *bomè(i)r, bomièr), dont bome (illégitimement graphiée vomer) pourrait dériver par dégression.  Il convient de rappeler que le gascon ne distingue pas phonétiquement le v du b, en particulier à la position initiale, toujours résolu en "b". 


*Bosta, *bostia: paume, creux de la main, mesure de blé (Delamarre). Un étymon homonyme (ou le même) est utilisé pour signifier callosité, pustule > bosse? (bottia? < bostia). L'étymon a eu du succès en français mais aussi énormément dans les zones périphériques du domaine gascon sous des formes affixées héritées du celtique. Je le retiens ici d'abord à cause de son dérivé en -ako: bostiāko qui a donné au nord le mot landais bustiòc var. bustòc chiffon à vaisselle (que l'on tient dans la paume de la main) (avec toujours la résolution de la diphtongue du mot affixé celtique  ia en  ò) et au sud-est  le mot aranais bostòc: callosité, grumeau (selon Coromines, El parlar de la Vall d'Aran).. Coromines  suppose un dérivé affixé bostŏkko (sic) du mot bosta. Je pense plutôt que c'est le mot bostia qui est régulièrement affixé en bostiāko, c'est la diphtongue dans bostiāko qui donne ò en latin et  en roman: bostòc, comme kalyāko > calhòc et wroykyāko > broishòc, bruishòc). A l'est, en Lot-et-Garonne, le mot bustòc signifie motte de terre et Coromines suggère que c'est le même mot. Du même étymon bosta seraient, selon Coromines, les mots bostora (Luchon, Aran) (< *bostulla < bosta): pustule, bouton , bostorada  et al. (el parlar de la Vall d'Aran). Peut-être de bostia dérive le mot bayonnais... bostia : (boustie) chaume et de bosta le mot... bosta (bouste): chose encombrante, à moins que l'étymon soit plutôt basque. Car le mot bosta (ou un homonyme) existe en basque qui signifie buisson, fourré: bosta, var. affixée bostorra. L'étymologie de ce mot est discutée, elle ne semble pas basque, cela pourrait être un emprunt basque du mot gascon bossat  qui signifie fourré, bois fourré, buissoneux (voir à bosta dans le dic. etym. basque de M. Morvan, aussi Agud et Tovar). L'étymologie du mot gascon bossat est très probablement gauloise, si j'en crois ce mot landais bossaca (boussaque) qui signifie buisson. Les mots gascons bossat -da (buissoneux) , probablement de  bossac adapté en bossat , boussòc et bossaca sont à mettre en rapport avec le toponyme héraultais Boussagues écrit Bociacas au 12ème siècle et peut-être même avec le mot bosse ??? L'étymon de bosse n'est pas très clair et ne semble pas venir du latin. Il pourrait  s'agir d'un étymon homonyme ou quasi ou bien du même étymon avec spécialisation sémantique ( callosité > bosse)?  Bosta, bostia et le latin médiéval bocia ( < bottia < bostia) pourraient en fait ne présenter qu'un seul et unique étymon, comme le suggère boussuga = boustuga: lieu bossué, terre couverte de fourrés (Palay) et aussi bustòc: motte de terre. Ou alors il y a eu confusion d' étymons. La paume de la main se bit boz en breton,  la peste se dit bos , m.breton bosen : pustule (<bosta) ; buisson se dit bod  en breton, bos en cornique. Enfin, il a été proposé que le celtique bosta (paume de la main) soit un emprunt aquitain (de bost qui signifie cinq comme les cinq doigts de la main) mais on lui prête aussi une origine indo-européenne, d'un mot gwosto qui signifie branche, avec cognats en germanique et albanais.  Et même, Matasovic suggère que le mot basque pour dire cinq "bost" viendrait d' un emprunt au celtibère, l'étymon étant bosta. Bref, si avec tout ça, vous y voyez clair, je vous félicite.


Bormo- (Dic. L. Gaul.) source (chaude???)  > bormaca  (a.g. bourmaco)  (< bormāka) petite source champêtre (Gers). Le mot est également quercynol (bourmaco: fistule, petite source TdF) et, à ce titre, figure dans le diccion. ort.gramm. e morfol. de l'oc. de J. Ubaud. A comparer aussi avec le verbe stéphanois débo(u)rmà: ouvrir un passage à un ruisseau (FEW 1, 443). Le Celtic Lexicon donne borma comme nom protoceltique attribué à plusieurs cours d'eau, il pourrait s'agir d'un théonyme, une divinité des sources . L'étymon de bormo semble partagé par un autre mot gaulois boruo- (gasc., borbalh, borbon etc: source bouillonante ) mais on n'est pas vraiment sûr s'il s'agit de deux variants du même mot ou bien plutôt de deux mots distincts. Voir Delamarre Dic.L. Gaul et le FEW 1, 443. En tout cas, si le mot gaulois boruo- a laissé beaucoup de descendants dans le lexique gascon comme dans celui des autres langues romanes de France, ce n'est pas le cas de bormo, si bien que ce mot gersois "bormaca"  est une perle rare




*Branaro- terrain non cultivé, terrain en jachère  (Celtic Lexicon). Irlandais: branar (id.) gallois: braenar (id). La concordance du mot celtique branaro-, tant du point de vue sémantique que morphologique, avec les mots romans brande, brane , bran(d)à ( gascon branar) etc m'amène à proposer une hypothèse alternative pour expliquer l'étymologie du mot fr. brande et son cognat gascon bran(d)a, a.g. brane) :qui signifie terrain non cultivé, où poussent les bruyères et aussi la bruyère elle-même. L'hypothèse généralement admise fait dériver brande de brander qui veut dire brûler (d'origine v. francique brandan: brûler). Toutefos, la relation sémantique entre bruler et la terre à bruyère reste un peu...fumeuse. Il se pourrait qu'il y ait eu confusion d'étymons. entre le celtique branaro, latinisé en "brandarium" par confusion ou hypercorrection  et le francique brandan, v.franç.  brander (brûler).  C'est la plante (branda, brana = bruyère) qui tirerait son nom du type de terrain (branar: terrain non cultivé) et non l'inverse, cf. en gascon basta (ajonc)  < basta terrain non cultivé (*bàsata, cf. eusk. baso,  terrain "sauvage", non cultivé, bois;  eusk. basati = grossier, sauvage) et en breton: lann (ajonc) (<  landa, fr. lande).  Le mot celtique landa (lande) étant passé en français, il est possible qu'il en ait été de même avec branaro- (terrain non cultivé, terrain en jachère) . branaro-  -> brandarium >  brandar, brander (par attraction de brander) ->brande, branda (par dégression).


*Brī-  (couper, réduire en miette v., cf. brē-, brī in Et.Dic.Proto-Celt.  Matasović: "cut, cramble"). Ce verbe celtique peut expliquer à la fois le verbe gascon "esbriar" (réduire en miette) et le mot gascon bri (miette, brin, fil à couper) et ses dérivés probables brin, bric, brica etc ainsi que le mot français brin et ses cognats dans les autres langues romanes. Pour plus de développement, voir .




*Bri- , Brig- >forteresse, mont et *briga/*brigo- : force, puissance. Ces deux mots celtiques sont probabl. apparentés entre eux. C'est l'étymon du mot briòc qui signifie vautour sur la côte atlantique, de Bayonne (Palay) au Médoc (D. Escarpit). La terminaison -òc du mot évoque un celtisme, que l'on retrouve avec calhòc (goéland, coq de mer) (< kalyākos) et peut-être bidòc, (rapace de moyenne taille, milan, au médoc) (bissòc, bisòc, bussòc, busòc) < bodwākos x buteonem ?). *Brigākos= (lit. montagnart ) > briòc. Le gascon de la côte est riche en étymons celtiques pour désigner les animaux: cauerat, caurat (kauarākos), creac (kragākos), colac (kolākos), calhòc (kalyākos), je suis tenté de lui rajouter  briòc (*brigākos). La fermeture du vocalisme de l'affixe (ac - > òc) pourrait être  l'effet du i pretonique, assimilé phonétiquement  à un glide devant a cf. kalyāko > gasc. calhòc fr. goéland, "coq de mer", syn. gàrie (< gariòu, garia) cf.  breton kilhog (coq) et  cf. wroykyāko : bruishòc, broishòc). Le mot celtique  *brigo : force, puissance est à l'origine du mot gascon briu; ital. esp. brio; vx français bri,  brin (force, puissance, orgueil).


Briski- figer, congeler. On recherche un étymon pour le mot bresca (alvéole d'abeille), employé sous cette forme en gascon, catalan, aragonais et espagnol et, en basque, sous la forme arabeska. Il n'est pas du tout certain que l'étymon soit celtique car on n'a pas décelé  de réel cognat avec cette signification dans les langues néoceltiques. Un possible candidat celtique pourrait néanmoins être le mot briski- qui signifie figer, congeler (voir Celtic Lexicon), allusion possible à la cire qui est solide à température ambiante et ne fond qu'à la chaleur. Le mot est bien connu en français, c'est un terme d'apiculture:  miel en "brèche" synonyme de miel en rayon; il y a eu à l'évidence  confusion de brêche (< bresca) avec brèche (< brekkan). 




*Brokko- (blaireau). En gascon, le mot "bròca" (bròco) désigne le soc de l'araire (voir bròco, dans Palay). Cette signification pourrait provenir d'une métaphore celtique, comparable à celle qui concerne le mot "soc" ( souc, en gascon, selon Palay) qui lui-même dérive du mot celtique *sukko qui signifie groin de porc, porc. Dans les deux cas, on a affaire à des animaux fouisseurs.  Mais il n'est pas impossible que l'étymon soit, en fait, le mot latin brocca (broche, pointe). Sur la relation possible entre le mot gaulois brokkos et le mot latin broccus, -a, voir Dic.Langue. Gaul  (Delamarre). Le mot araire lui-même vient du mot latin aratrum, ce mot est un emprunt latin au celtique (aratro-). En gascon comme dans d'autres langues romanes, un autre étymon celtique est utilisé pour désigner le blaireau, voir *tasko- 


* Bruson (selon Matasović) ou *brusnos (selon Delamarre) (ventre, estomac, bide), brusna (poitrine, sein) > gaul. *bru "bide", *brūnna var. *bronna (poitrine, sein) (Dic. L. Gaul. Delamarre). En irlandais, "brú", génitif "bronn" (< *brusnos selon X. Delamarre) signifie aussi bien ventre que sein selon X. Delamarre. Le  lexique du vieil irlandais de l'Univ. Du Pays de Galle ne donne que la traduction "abdomen" pour le mot v. irlandais bru et le celtic lexicon de la même université donne la signification d' "estomac"  pour le mot protoceltique bru (avec point d'interrogation pour la forme du mot). Le dictionnaire de protoceltique de R. Matasović admet le mot bruson avec la signification de "belly" (ventre, bide) d'où dériverait le mot irlandais brú. Le mot est bien représenté en toponymie, anthroponymie et théonymie  gauloises. Delamarre interprète la mention gauloise "Andobru" par un sobriquet: Gros-Bide, Bas-du-Ventre. Ce sobriquet se retrouve en celtique cisalpin sous la forme "Endobru".   En gascon, un mot dérivé de notre mot celtique semble confiné au Tursan, il y existe sous deux formes, masculine et féminine. Du côté de Montgaillard (Tursan, à la limite de la Chalosse), le mot "bron" (s.m.) /bruŋ/ désigne "le ventre tombant" , selon la définition même du mot dans le Dic. de Gascon landais de l'abbé Foix. Le curé et poète Jean-Marcellin Barros (1858-1928), natif d'Urgons (Tursan) utilise la forme féminine "brona" /'brunə / donnée synonyme du gsc. "vente" (fr. ventre) par Patric Guilhemjoan (Flocadas aurivas. Florilègi deus poètas gascons de las Lanas. Ed. Gascon Lanas, Per Noste).

Le mot est inconnu ailleurs en gascon. Il est connu dans les langues d'oil occidentales où il désigne les mammelles et non pas le ventre. Du côté du Mans le mot bronne (s.f.) désigne le têton (pour les animaux), bronner signife allaiter (pour les animaux) (FEW). En Normand, brognes= les mammelles (des animaux). On retrouve le mot dans d'autres parlers d'oil (cf. brūnna, FEW) mais, en romance, il n'y a qu'en gascon, semble-t-il, que le mot désigne bien le ventre et non la poitrine. Cette observation suggère un substrat celtique pour le gascon de Tursan. Le nom même du nom des Tarusates peut être celtique (taruuos= taureau, tarusates: gens du taureau  *tarusanus (qui est du taureau) > Tursan), de même celui des Tarbelli (*taruelli >tarbelli = taurillons). Pour plus de commentaires , voir


*Bunno- (butor, mais aussi hibou selon Matasović) > gasc.  bom (a.g. boum /bum/, fr. Le mot est utilisé localement por désigner 3 espèces d'oiseaux aquatiques: le butor, le tadorne de Belon et le fuligule milouin cf. moyen-gallois bun,  bwn (butor.), moyen-breton bun, bon (héron, butor). (cf. Etym. Dict. of Proto-Celtic)

En celtique goidélique, c'est le dérivé en -āno qui prévaut: bunnāno.  Vx-irl: bonnán = fr. butor. 

En gascon, le mot est médoquin et landais. Il désigne localement le butor (Butorus stellaris) (dic. gascon-français de P. Moreau, dic.gascon- français P. Meaule, consult en ligne) mais aussi, au Pays de Buch,  le tadorne  (Tadorna tadorna) (F. Beigbeder, Ausèths; Dic. Per Noste, D. Escarpit et le fuligule  milouin, voir le lexique des oiseaux du Bordelais et de la Grande Lande de D. Escarpit ). L'étymologie populaire (en particulier dans les Landes, où le cri du butor "bom" (boum) est à l'origine d'une légende d'un monstre bruyant des marais du même nom) donne l'onomatopée "boum" comme origine du substantif, allusion au chant du butor. C'est peu probable car le chant du butor commence par une aspiration d'air nettement audible suivi d'un "hoump" grave et caverneux ( cf. Peterson, Mountfort, Hollom, Géroudet: Guide des Oiseaux d'Europe, Ed. Delachaux & Niestlé. L'aspiration d'air audible y est bien spécifiée) or le nom de l'oiseau commence ici par un "b" (comme "bunno"-) et non par un "h" aspiré, phonème pourtant bien commun en gascon. Ensuite et surtout, l'hypothèse populaire d'une origine onomatopéique n'explique pas vraiment que ce nom de "boum" puisse être attribué à deux espèces de canard. Le tadorne est un gros canard à l'allure d'oie, qu'on ne peut absolument pas confondre avec un héron ou un butor et dont le cri n'a rien à voir avec l'onomatopée (c'est tak trak juste à l'envol quand il est dérangé, sinon l'oiseau est silencieux) .Le troisième oiseau appelé localement "bom" (boum) est le fuligule milouin, un canard particulièrement silencieux.   Enfin et surtout, en dehors des parlers gascons de la côte atlantique gasconne, les deux seuls parlers ou langues au monde où l'on retrouve un mot très semblable  pour désigner le butor sont le gallois( bwn)  et le breton (bun, bon), les linguistes font remonter ces mots  au protoceltique *bunno.. En irlandais on retrouve aussi le mot mais sous une forme affixée (bonnàn). 

La confusion du nom avec l'onomatopée "boum"  a pu influencer l'évolution du mot celtique (*bunno > *bun, bon >  bom ) et explique l'hypothèse étymologique populaire mais l'onomatopée "boum" n'est pas à l'origine du mot. Pour la mutation n >m final cf. aussi taram (< tarannu-) et baram variante de baran (< waronnu ou warondu-)  Le  mot "bom",  dérive plutôt  du celtique "bunno" appliqué au butor et à d'autres oiseaux. Le mot "bom" (a.g. boum) est localisé dans le gascon de la côte, du Médoc au Pays de Born,  le Médoc tire son nom du pays de la nation gauloise des Meduli (Pagus medulicus) et le Pays de Buch du nom de Boio, capitale des Boiates, probable branche aquitaine de la nation gauloise des Boii (Boyens) dispersés en Europe. Il existe un autre mot landais pour désigner le canard :mun, var. munh,  probablement du même étymon proto-celtique bunno (bunno- >bun, bunh > mun, munh .  Le mot euskarien pour dire canard est ahate, emprunt au latin "anate-".  


C ved. K.


Donna (dame) -> gasc. dòna (jeune fille). En gascon, il y a deux mots qui se ressemblent, l'un est dauna qui désigne la maitresse de maison (du latin domina). En gascon maritime, il y a cet autre mot "dòna" qui signifie jeune fille, qui n'est pas confondu  avec le mot  "dauna" (maitresse de maison), également usité. Je suis tenté de rapprocher le mot gascon dòna avec le mot gaulois donna qui signifie "dame". La réduction de la géminée intervocalique -nn- en -n- est normale en gascon. Mais il pourrait aussi s'agir simplement d'un emprunt au catalan (dona = femme) ou à l'occitan (dòna = maitresse de maison, dame) avec spécialisation de sens. 


*Ennekā corbeau. On traduit justement le nom Belasco (cf. Belasco le Gascon) par "petit corbeau", "corneille" (belasko en basque), le mot pourrait être une adaptation basque du nom latin Blasus, affixé avec le diminutif - ko (esp. Blas). En revanche, on traduit Enneko ( esp. Iñigo) par "petit mien" qui se dirait eneko en basque, mais ce nom Enneko rappelle furieusement le mot celtique *ennekā qui signifie...corbeau. Peut-être bien une pure coincidence, mais je me méfie des coincidences et donc je le note ici. 


 *Ero-  (s.m.) aigle : gasc. ar(r)ian, ar(r)ianglo (vautour) < *er(u) + anglo (inspiré de Coromines, el parlar de la Vall d'Aran, qui lui proposait le mot gothique ar qui signifie aigle.  L'élément anglo pourrait dériver soit de la masculinisation gasconne du mot "angla" qui signifie "aigle". "Anglo" doit être alors compris comme = mâle de l’aigle). Ou bien il s'agit du latin aquilus, marron en latin; dans ce deuxième cas on serait en présence d'un syntagme celto-latin  er(r )- V - aquilu-  aigle marron. Le basque utilise les syntagmes arrano beltz (lit. aigle noir) et arrano gorri (lit. aigle rouge) pour dire vautour, en plus d'autres mots du lexique comme sai etc. Le mot basque arrano (aigle) pourrait partager cet étymon celtique ero- à partir d'un dérivé celtique affixé  *erāno (aigle) avec attraction de la particule prosthétique (arr-) commune au basque et au gascon. La dérivation par affixation avec -āno est un procédé trivial en celtique cf  kasso-kassāno, kawo-kawāno, , bunno -bunnāno, garāno pourrait être de formation similaire. En breton et cornique, "er" (de *ero-, cf. Etym. Dic. Proto-Celtic, R. Matasović, Celtic Lexicon) signifie aigle. Le mot gascon ar(r)ian var. ar(r)ianglo, probablement un syntagme à l'origine,  est aranais et luchonais, un héritage probable de la langue des Garumni (capitale: Salardunum).

 

*Gabro-  (bouc) > gabre  (vieux mâle de perdrix, Palay).  Pour l’étymologie du mot gascon, cf.  Etym. Dic. Proto-celtic, Matasoviç qui renvoit à  Gamillscheg 470. L’occitan a aussi gabre (s.), gabrar (v.) qui sont cognats voir TdF. En breton gavr : chêvre < *gabra, irl. gabhar (id.). 

 

*Galā (bravoure, courage, vigueur)  via *gālyo ( ?) (vif, brave, courageux) - > galhèir  (s.m.): force, vigueur , galhè(i)ra (état de ce qui est vigoureux),, galh (vif) etc.  cf. breton gailh : vif. 

L’étymon se confond avec le latin gallus : coq (cf le coq gaulois) . 

 

? Garāno (grand échassier : grue, héron, cigogne) -> gairin (héron, échassier de grande et moyenne taille) . C’est possiblement la confusion  étymologique d’un hypothétique dérivé gascon  de garano- (*garaŋ)  avec le mot gascon garia (poule, lat. gallina) qui a provoqué la formation de  ces dérivés aberrants de garia  servant à  désigner des échassiers de grande et moyenne taille  : *gar-aŋ x  gar i-a -> gairin; garia (accent sur le i)  - > gariòu  (hérons et échassiers) et gària (femelle du héron, dérivé dégressif de gariòu). Breton garan, id. 


*Gawo- (Celtic Lexicon) ou *gawā- (E.D. Proto-Celt.):  mensonge, fausseté, tromperie. 


*Gawāko (?): forme affixée du précédent. P.-ê.  à l'origine de gauèc, gavèc ( Rhododendron ferrugineux) ("la trompeuse" ???). Plante pyrénéenne très attirante par ses nombreuses fleurs, très jolies et qui sentent très bon mais la plante est toxique. Gauèc > gauet, gavet par changement d'affixe. 

Un autre nom de la plante est neret (< negrĭttu) , allusion à la couleur lie de vin du dessous de ses feuilles. L'explication étymologique grecque donnée par Coromines pour expiquer le mot neret  est assez peu vraisemblable pour une plante pyrénéenne. La plante est aussi appelée en gascon gorriu, probabl. de l'eusk. gorri: rouge. 


*Gexdo-  ā (E.D.P.C., Matasović) ou *geidā, gigdā (???) (Celtic Lexicon)  (oie) - > gascon guit (s.m.), :  canard. Le mot aragonais guite (canard) doit être une forme adaptée du mot gascon (et languedocien proche) avec  voyelle finale "e" de soutien. L'origine du mot proto-celtique pourrait être onomatopéïque (cf. gexdo in E.D.P.C  et gwâz in lexique étymologique du breton, Henry). Pour les mots romans,   le FEW (vol 4 p. 138 adresse git) admet une origine onomatopéique mais refute l'emprunt celtique, sans plus d'explication ni de discussion. Me méfiant des coïncidences, je pense au contraire que l'emprunt celtique est probable. Le mot gascon guit (canard) serait alors cognat du moyen gallois gwit, gallois gwydd (oie) et du v. cornique guit (glosé "auca"),  cornique goth; moyen breton et breton gwaz (oie). 



*Gortia (s.) Enclos et, par métonymie, clôture (Delamarre). Ce mot gaulois est bien représenté à la fois dans la toponymie hexagonale (y compris en Gironde: Lagorse, l'article suggère que le mot y a été lexical autrefois) et aussi en occitan non gascon (gorça, gorso) où il a pris le sens de verger (< clos) et de haie (< clôture). Le mot gorso existe dans le lexique gascon contemporain, il est du parler du pays toy et  signifie précipice  (Dic. Palay, Dic. Massoure). On n'est loin du concept d'enclos et de verger, il s'agit très probablement d'un homonyme. On a consacré un message aux hypothèses  étymologiques (dont une latine) pouvant expliquer cet homonyme voir



*Glina (v) (coller)  -> glahar, v. (fatiguer, ahaner) (<*glənar); glanh s.m. (< glanu-)-, glahèr s.m. mauvais état physique ou moral,( < glənariu)). Cf. la formule gauloise de guérison citée par le médecin bordelais  du 5ème siècle Marcellus Emperius : exugri conexugri glion : sors, va-t-en chose collante. (voir ). Le mot se retrouve en gallo-roman mais avec une signification totalement différente de celle en gascon (le verbe gascon "glahar" est cognat avec le fr. glaner, le h /h/  du mot gascon est épenthétique suite à la perte du n intervocalique qui est une caractéristique du gascon comme du portugais ). Le lexème sembe être l' héritage des guérisseurs gaulois et gallo-romains, la maladie étant assimilée à une chose collante (cf. glion, Delamarre Dic. Gaul;).


*Kaliāko- (s.) (coq) :   calhòc (goéland, coq de mer).  Cognats : v.irl. caillech, irl. cailleach,  gallois ceiliog, bret. kilhog = coq. Pour avoir plus d'explications et commentaires en gascon, voir là.

L’euskara a le mot kayo (mouette, goéland). Ce mot est parfois considéré  dérivé d’un mot roman,  p.-e cognat de l’esp. gavia (mouette) ou du fr. geai et de son cognat asturien gayo (id.) (cf. Agut & Tovar D.Et.Vasco). Je pense, quant à moi, qu'il doit s'agir d'un emprunt adapté de notre mot gascon lui-même (le /k/ final du mot gascon étant assimilé au suffixe basque k signifiant un pluriel, calhòc > kayok  pluriel de kayo. ) 


*Kallyo (s.) quelque chose de dur, pierre, sabot  (du cheval) -> calhau (f. affixée *callyàvo-(?), cognat :  fr. caillou, port. calhau (probablement un emprunt au gascon). *Are-kallyo  > arralh (ébouli de cailloux, glace), cognat de l’asturien argayu (ébouli de cailloux) passé en esp. argayo. Le mot catalan aragall est probablement cognat, avec une dérive sémantique hydronymique supposémment influencée par le verbe xaragallar. Le béarnais a également  les mots argalhar (fendre, éclater le bois), argalhan et argalhaire (travailleur du bois) , probablement de ce même étymon. 



*Kalyo- (s.) tache ->, galhet (tacheté, pie), galhat (tacheté), galhar (commencer à murir, se dit pour le raisin, un fruit), pigalhat = piga(t) x galhat (bigarré)

 

*Karra (carra FEW 2, 509), *karrekī (? cf. celtic lexicon) rocher)     en irl. carr (s.f.); carraig (s.f.)  (id.); breton karreg (id.), manx carrick ( id), cornique karreg (id.), gallois kareg, v. gallois karreg . L'étymon se présente sous deux formes en gascon. La première forme est longue, d'allure affixée - > ,, carròc, carròt (rocher, pot de terre),  carric (pot de terre), garric (chêne vert), garriga (garrigue), garròt (rocher) garròc (rocher) etc. La seconde est d'allure simple *carra très représentée dans la toponymie et les lexiques du domaine gallo-romanique au sens le plus large, cf FEW 2 p. 509, en gascon:  garra (fr. rocher) < *karra etc.  La forme simple se retrouve en irlandais :carr (s.f.) (fr. rocher, plaque rocheuse)  < *karra) à côté de "carraig" var. dial. "carric", gros rocher.  L'étymon est donc celtique, déjà bien présent en celtique ancien continental. 


*Kasso-  (tressé, enchevetré, par métaphore: chêne) -> gasc. casse, casso, cassi (chêne). 

Kasso- > kassāno- (affixation "classique" du mot précédent,  chêne): oc. cassan,  et les dérivés gascons: cassanhèr , cassanhèda etc < cassaŋ +èr ,-èda  (chênaie) etc.

 

*Kawaro-  (géant, colosse cf. les dic. Proto-Celtiques et cauaro- Dic.L. Gaul.) > celt. *kawarāko-  (lit. gigantesque, colossal, le mot est obtenu par affixation du précédent selon un procédé courant en celtique)  > cauerat, caurat (cachalot). La forme "cauerac" est la plus anciennement attestée en gascon (cf. DAG- 12  qui soupçonne, sans bons arguments, que le -c- final est une erreur de lecture pour -t-). C'est aussi le mot roman le plus ancien pour désigner notre animal (13e s.). La  terminaison -at  l'est probablement par confusion avec l'affixe gascon usuel -at utilisé en particulier avec les noms d'animaux (baleiat, orsat, lobat, aucat  etc).  On observe le même phénomène avec "creat", variante bien attestée de "creac" (esturgeon) et avec colat et même colar, variantes attestées de colac (alose). Cauerat, creac et colac dérivent tous de mots celtiques de construction similaire, (kawarāko-, kragāko-, kolāko-, cf. FEW 2, 1266 cragacus  et FEW 2, 865 colacus. L'étymologie de cauerat a été élucidée par votre serviteur, hypothèse validée par R. Matasović (correspondance personnelle). A noter la forme ancienne  graphiée caberat, le "b" a ici le rôle de celui de flabuta (< flaüta). En absence de cette consonne, il y a  risque de réduction syllabique, de fait observée avec la variante "caurat" comme avec le mot français "flute". Cette réduction est régulière dans les langues néoceltiques. Comparez caur(at) avec l'irlandais caur (colosse),  le gallois cawr (géant), cornique caur = géant, en vx cornique caur-march = "camelus"  (chameau ou dromadaire) (lit. géant-cheval).


*Kawarāko- (lit. gigantesque, colossal) -> cauerat, caurat (cachalot) voir *kawaro-

 

*Kawos, kawa  (lit. hurleur-hurleuse, appliqué surtout aux strygidés (hiboux- chouettes) mais aussi parfois à certains corvidés ). Le nom se retrouve probablement  dans celui de la nation des  Andecaui (lit.  les très criards, les grands hululeurs ?) à l'origine d'Anjou et d'Angers et noms de personne cauus, caius (hibou ?). *Kawos > guè(h)us, ga(h)ús, caús, cauús, (hibou); en oc. : còis, caús, gabús (id.), cat. gaús (id., p.-ê du gascon) , allem. Kauz (id.), eusk. gauhontz, gauhuntz, gabontz (id.) , etc . Le cas sujet a du être gardé intact en raison de la valeur expressive du mot, toutefois l'accentuation est variable. On a proposé que le mot gascon vienne du mot basque mais je pense que c'est plutôt l'inverse, à moins que le mot basque ne vienne directement du mot celtique kawos. Kawos est la forme non affixée de kawan(n)os. 

.

*Kawos > *kawān(n)os, (forme affixée avec -āno, gémination expressive (?),  nom de p. Cauanos, lat. cauannus  : gasc chavan (chauan ou chaban selon les lieux,  un emprunt au limousin),   cf fr.  chouan, chat-huant) ; 


*Kawa > kawāka (f. affixée) >  cavèca  /ka'wɛkə -kɔ/ gavèca /ga'wɛkə -kɔ/ /ga'βɛkəkɔ/ (la prononciation /w/ du v intervocalique est la plus ancienne en gascon, le betacisme est plus récent et minoritaire, ce dernier concerne grosso-modo le Béarn et zones adjacentes et des zones périphériques du domaine gascon en contact avec l'occitan) , fr. chevêche, eusk. : kaheka (id).  Le vx-français choue d'où vient chouette par afix. dérive de *kawa. De même "chauve" du mot composé chauve-souris) (lit. chouette-souris, chouette pris comme signifiant volatile nocturne,  id. gascon "-hus" , basque hontz, huntz. 


 *Kolāko- ( étym. colgā, affixé en āko épineux, qui transperce): mot affixé dont la racine correspond au mot moyen-gallois "col" aiguille, épine; cornique col, colg id.. la racine protoceltique est colgā: chose qui transperce, en part. dague, épée  -> colac (celtic Lexiconalose) cf. FEW 2, 866 colacus.   eusk kolak (id.)


*Kumbo- (lit. creux, concave, et, par métaphore, les suivants) -> com, comet, comada (abreuvoir, auge, cuve à foulon) (= bret. komm : abreuvoir, auge, cuve à foulon etc.) Cat. cóm : auge (emprunt au gascon probable). Le latin a emprunté au celtique le mot cumba : sorte de vallée > gascon coma : vallée propice au pâturage, et aussi, dans les Pyrénées (gasc. , ara,  cat. ):  estive d’altitude, près des sommets ou des cols, sans précipice. 


*Krab-  "scrape" (Celtic Lexikon) : action de gratter, piqûre, écorchure, . breton  "Krâf, s. m., prise : exactement « action d’agripper, de saisir [comme] avec des griffes », et conséquemment « de gratter » cf. kraoel, cymr. craf-u « gratter, racler »" (Henry, Lex. Etym. Breton). p.-ê à l'origine du mot basque kapar id. lui-même à l'origine des mots gascons gavar, gabar (ronce, tique) , gavarra, gabarra (espèces de plante buissonante épineuse). L'étymon celtique se confond avec son cognat germanique de même sens *krappo voir FEW 16 pp 357et sqq,  si bien qu'il est téméraire de  vouloir rendre à César ce qui lui appartient. Le mot gascon gabarra (barque,  gabarre), provient, lui ,du mot latin carabus (langouste de mer, crabe; et aussi par métaphore une sorte de bateau couvert de cuir, celt. kurukos). cf. gascon garabet (sorte de petit bateau), v. fr; caravet (id;), fr. caravelle (celle de Christophe Colomb), Il est tentant de rapprocher carabus de notre étymon krab. 



*Kragāko- ( étym`: carapacé, métaph.esturgeon  -> creac (esturgeon) cf. FEW 2, 1266, cragacus.   

 

*Kragāka (étym. carapacée, métaph. : coquillage) -> craca , crèca  (coquillage de mer, noix) + dérivés affixés : cracòt etc. 


*Krankko (?) cf. Celtic Lexikon (Krankko =crab) La question de la relation du mot celtique krankko (crabe) avec les supposés dérivés du latin cancerem (ou cancrum? ) commençant par cr- se pose. Cf. catalan cranc (crabe, crustacé genre écrevisse), gascon cranca (s. f.))crancau (id.) , crancha, cranje (Médoc: crabe, écrevisse). En catalan, le dérivé affixé de cranc: cranquet, ainsi que les formes gasconnes cranca et son  dérivé suffixé crancau s'opposent à l'espagnol cangro, cangrejo. 


*Kroukā- (tertre, monticule) -> cruca (tas, amas de terre, monticule), cròca (sommet du crâne, caboche, cf. dic. gasc. land. Foix). Les mots gascons "cruca" (aussi graphié (a.g.) "cruque) et "cròca" ("a.g. croque) sont cognats du v.irl. "crúach" (meule, tas, tertre, montagne) ; gallois: "crug", (monticule, tertre); v.cornique , cruc (colline), vbreton "cruc" (amas, tas). (Dic. l. Gaul. X. Delamarre). L'entrée du mot celtique chez Delamarre est sous la forme *crouca, *kroukā étant la forme adoptée par le lexicon celtique de l'Université du Pays de Galles . A ma connaissance, l'étymon ne semble pas être représenté dans le lexique d'aucune autre langue romane en dehors du gascon. Le problème de la relation avec le mot synonyme "cuca" (a.g. "cuque") est posé. Delamarre suggère que le mot lyonnais cuchon (tête, caboche) puisse dériver de "*crouca", mais l'absence de "r" suggère plutôt un cognat de l'autre mot gascon "cuca" synonyme de "cruca". Pour cuca, cuque cuche, cuc (tas, monticule, colline, tête) ,FEW suggère un autre étymon gaulois hypothétique *kukka: "sommet", probablement le même que celui du mot gaulois *kukullos passé en latin cucullus (capuchon), ce dernier étant utilisé en toponymie pour signifier une proéminence, un sommet, une colline (aux Asturies: Pico Cogollo ou Picu Cugullu (1020m) , Cogollo de Cebolledo (2100m), Cantabrie: Castro Cogollo (1696m), c'est cucullu ou cocollu en aragonais, kukula en basque. De même en latin médieval , on a le toponyme Castrum de Cugulli (XIè), aujourd'hui Cuges-les-Pins (12). En gascon l'étymon est toujours sous une forme affixée diminutive, pas de "cucuth" dans le lexique (mais très probablement si dans la toponymie, par exemple: Cocumont, attesté comme cogut-Mont, cucuth a du être généralement assimilé à cocut - "coucou" ) mais bien cucuron, cuqueron et même ce cucuruquet à l'allure un peu fantaisiste (confusion de Cucuret avec le chant du coq?) sans oublier les toponymes gascons Cuguron et Cucuret. La conservation du /k/ intervocalique venant du latin serait anormale en occitano-roman (gascon exclu), ce qui suggère une origine différente pour le toponyme varois cucuron et l'ardéchois coucouron, p.-ê, par exemple, un syntagme composé de deux étymons celtiques cukk (<* kukka) et *kurro- (var. *korro), *kurro- ou *korro signifie qui saille, qui dépasse, à l'origine de l' a.f. cor : extrémité, picard-wallon coron. Julio Santano Moreno, qui s'est intéressé aux étymons pré-latins de Sardaigne, donne l'étymon pré-latin *kuk- comme indo-européen cognat du gaulos *kukka (voir ), on pense bien sûr au ligure.


  *Laska -*leska : mou. Ce mot est probablement une variante dérivée de *lexsko , "sluggish" (paresseux, apathique, mou, avachi) dont l’étymon se retrouve dans *lexsk-jo "weakness" (faiblesse) (Celtic Lexicon). En Irlandais, le mot leisce  signifie mollesse, lassitude, paresse, fatigue. En breton l’adjectif  laosk signifie mou, avachi. Le latin tardif présente le mot lĭsca qui désigne le carex, la laiche. Ce mot est réputé d'origine pré-latine (FEW, 5 pp 372 et sq). J'y reconnais là notre mot celtique qui veut dire mou et qui a du s'appliquer  pour désigner un terrain de zone humide (terrain "mou") puis les plantes qui y poussent, comme la laîche. De fait, le mot existe en euskara  (liska), il y a bien le sens le sens de marécage, de plante aquatique et aussi de bave d’escargot voir . Le mot est relativement isolé en euskara, il doit s'agir du mot latin  lĭsca. Il est donc possible (probable selon moi) que le mot celtique latinisé ait signifié marécage à l’origine (terrain "mou", inondé  comme cat. "aiguamoll" ) et ait servi à désigner les plantes qui y poussent. Cet étymon continue à servir pour dire marécage dans un certain nombre de parlers romans et aussi pour désigner des plantes palustres comme le carex, le jonc etc  cf. FEW vol 5 pp372 et sqq (« laîche) en roman mais aussi  dans les langues germaniques  (par exemple all. liesch) qui ont du l'emprunter au latin tardif. L’étymon est bien représenté en gascon avec des sémantiques assez variées.  Lesca (lesco) : motte d’argile molle (Lomagne) (selon Palay).Lèsque (FEW 5, pp372 et sqq), lesquès ( ?,probablement pour lèsques,  Palay) : friche, terre pauvre, impropre à la culture (Médoc). Lescar (lescà) : terre qui ne s’effrite pas, qui reste compacte au labour (Armagnac). Je pense, quant à moi,  que Lescar, dont la signification étymologique est "lieu ou poussent les laîches"  c'est-à-dire marais,  zone humide (le mot est éteint avec ce sens en gascon) est bien le toponyme qui s'est substitué à Beneharnum. Sur la commune de Lescar se trouve une zone humide qui constitue un site protégé Natura 2000 et je pense que c'est à cette zone humide qui était beaucoup plus étendue autrefois, que la ville doit son nom. La forme latine médiévale Lascurris n'est pas l'origine du toponyme moderne,  c'est simplement une latinisation médiévale (Xeme s. ) de l'hydronyme  gascon Lescourre (l'escourre)  le ruisseau de drainage au nord de Lescar (etymon latin v. excurro). L’étimon celtique lesca (latinisé en lĭsca) est à l’origine du mot français laiche qui désigne la laîche, plante de zones humides aussi connue sous le nom de "carex" . Par une dérive sémantique qu’on a un peu de mal à concevoir mais que les linguistes admettent, ce même mot veut aussi dire « tranche fine » (fr. lèche, gascon lesca, cat. llesca) (voir FEW v 5 pp 372 et sq).. Palay donne comme définition de lesca (lesque) : lèche, tranche étroite et mince, tranche de lard, de jambon, de pain ; mouillette, apprête. Le sens de distingué, de taille mince, élancé associé à l’adjectif "lesc-a"  et le sens de mince, fluet attribué à l’adjectif "lesque- a", est dû à cette sémantique.

 *Lisd-: glissement > gascon lit (avalanche) 

Pour expliquer le mot gascon lit (avalanche de neige, de terre etc), le FEW (vol. 5, p. 374) propose comme étymon le mot basque "lita" (éboulement de pierres). Toutefois le mot est isolé à la fois lexiquement et dialectalement en basque et Michel Morvan explique le mot basque par un prêt du gascon (cf. dictionnaire étymologique basque, adresse "lita"). L'étymon est en fait celtique. Proto-celtique *lisd- : "slide" (fr. glissement) selon le celtic lexicon. Le mot gascon "lit" et ses dérivés affixés sont donc cognats du mot breton "litous" qui signifie "glissant", "lisse". D'ailleurs, le mot gascon est aussi employé comme adjectif en béarnais: lit-a où il signifie précisemment "lisse" et aussi "choisi", cette deuxième signification à l'évidence par confusion d'étymon (lat. electus)  (eleit > leit = lit). 


*Lugrā (lune)  -> lugran (f. affixée –ānu, astre qui brille  par métaph.  œil, ver luisant; par changement d'affixe :  lugret (étoile, éclair), lugrèra (constellation) lugrir, lugrejar (briller, étinceler) etc. Le mot oc. lugre est un synonyme qui dérive, par dégression, de lugran cf. lugret. L'occ. lugarn (étoile) doit être d'un autre étymon celtique (*lukarnon -s.n. : lampe artificielle, flambeau,  *lukarnon > "lucarne" (le mot signifiait en vx.-fr. : flambeau, lampe et non pas lucarne), breton "lugern" (chose brillante), gal. "llugorn" (lampe). La signification d'étoile de lugarn est par confusion avec lugre et lugran . L'étymon latin "lucanu" (lumière de l'aube) est representé en gascon et en aragonais par "lucana" (lucarne, c-à-d. lit. qui laisse passer la lumière du jour), en cat. llucana, id., en basque lukana id. L'étymologie celtique de lugran a été mis en évidence par votre serviteur qui réfute la valeur astronomique prêtée au mot latin lucanus.

 

*Lukos (s.m.) (loup? lynx? renard? brochet?). En association avec mor(i) (mer en celtique), *morlukos (loup de mer? brochet de mer?) -> *mǝrlucs -> gasc. merlús  (s.m.) > esp. merluza etc. Le catalan a llus (s.f.) (<lukos), syn. de llobina (diminut. de lloba ,louve : fr. bar, loup de mer). La séquence de la dérivation lukos -> lus  (en a.-fr. lus var. lux, luz etc < lucus s.m. = sorte de  brochet)  est débattue, j’ai opté pour l’hypothèse d’une dérivation à partir du cas sujet lucs  de lucus (lukos) avec assimilation   -> lus au lieu d’un dérivé latin *lucius, mais le résultat est le même.  Le mot molua, morua (morue) a une étymologie similaire,  *morluca (louve de mer? ) - > morlua > molua, morua. L'existence et la signification de ce mot "lukos" en gaulois posent question, je vous renvoie à X. Delamarre (Dic. L. Gauloise), luco-, loco- pour le développement du sujet. A noter qu'en basque le mot luki signifie renard, il pourrait s'agir du même mot. 



*Màdara   chien et, de manière générique, sorte de mammifère:  irl. madra (var. madara): chien, madra rua = renard (lit; chien rouge), madra allta : loup (lit. chien sauvage) madra cainn (écureuil) (lit; chien d'arbre), madra mara: phoque (lit; chien de mer) madra uisca : loutre (chien d'eau)  v.irl. madar (id.), mattar,  gaél. écos.  madadh : mastiff; gallois (hwn) madog: (hwn) madyn : renard.  Les mots néo-celtiques pourraiet être cognats de l' oc. (gascon inclus) mandre, -a,: renard-e. Voir Manfred Bambeck, R. linguist.. romane 31 (1967) 297-299. Le mot madarā n'est pas dans les dic. de proto-celtique. Les mots gallois apparaissent clairement comme des formes affixées d'un mot "mad" qui pourrait être en fait mat (proto-celtique matu ) qui a deux significations (ou peut-être sont deux mots distints qui se sont confondus):  bon et ours. D'ailleurs madog est aussi un prénom interprété en gallois comme  bienfaiteur, charitable (de matu = bon) . Dans notre cas, c'est le sens d'ours qui doit être impliqué. (hwn) madog < (kuno-) madāko- (chien à allure ou aux moeurs d''ours);  madyn <matino-  (chien ourson)" . Notons qu'il y a des hypothèses alternatives pour expliquer le mot  occitan mandre, mandra,  FEW propose comme étymon le latin mamphur (arbre d'un tour), c'est peu crédible pour des raisons à la fois phonétiques et sémantiques. Coromines reliait le mot occitan mandre-a au mot catalan mandra qui signifie "paresse" (italien mandra: parc à bétail < grec màndra: monastère, cellule de moine). Néanmoins, le mot catalan n'a pas le sens de renard et le mot occitan n'a pas celui de paresse, ce qui jette un doute sur  cette relation (voir ). Mandrin (l'outil)  dérive probablement de mandre -a comme, en français, goupillon de goupil.  


*Magina,  (pierre, lieu pierreux),  magina p.-ê. à l'origine de maguère par changement d'affixe (maguèra < maguella, magaria? : haie caillouteuse, haie au milieu d'un champ)  plutôt que *magos, champ, car la perte du "g" intervocalique du mot magos  semble général en gaulois tardif. A moins que le "g" de maguère  soit euphonique. Il semble en tout cas qu'il y ait pu avoir confusion des deux étymons en gascon   cf maïne étymon *magos.  


*Magos: champ. En gascon landais: maïne (s.m.): morceau de terre à labourer de *maginu- forme diminutive de *magos.  Cf. breton maez, champ <magestu-. Le mot magos comme substantif n'a survécu que sous une forme affixée en langues néoceltiques. Il semble que ce soit aussi le cas en gascon, voir  magina. A noter que FEW ne donne pas d'exemple montrant que cet étymon a été  productif en gallo-roman. Le gascon serait donc une exception.  



*Malyo-: (chose mauvaise, le Mal). Il existe un mot gascon, malh, qui veut dire rocher. L'étymon probable de ce mot est le latin "maleus" (maillet). Sémantiquement assimilé à une masse, une massue,  le mot dans le lexique s'applique à une masse rocheuse, un rocher, et dans la toponymie, à une colline ou un mont. Toutefois, en oronymie pyrénéenne, le mot malh semble devoir aussi s'appliquer à un précipice (cf.  Dauzat)  et, là, on ne voit pas très bien la relation avec le mot latin. Si ce sens de précipice est exact, le mot est peut-être différent, sans descendance lexicale en gascon .  Il pourrait s'agir d'un homonyme "malh", pour lequel on peut proposer comme étymon le mot celtique *malyo- (chose mauvaise). Le substantif mall en gallois a des sens variés, tous négatifs, comme épidémie, famine etc , il sert aussi à désigner l'Esprit du Mal, le  Diable,  madarSatan.  Ce mot a  peut-être pu s'appliquer, avant la romanisation, au précipice assimilé à quelque chose de maléfique (cf. ce mot gascon pour dire précipice:  perider, lit. qui fait mourir). Toutefois, cette hypothèse étymologique n'est pas étayée par un mot malh qui signiferait précipice en gascon ni dans aucune autre langue, elle est donc très téméraire et doit être considérée comme particulièrement douteuse. Il est possible que ce mot "malh" qui signifierait "précipice" n'ait jamais existé et donc cette étymologie celtique n'a pas lieu d'être.


*Mando- (petit cheval, poney). En basque, le mot  celtique "mando" s'y retrouve avec la signification de "mulet", "mule". En gascon, l'étymon est représenté par les adjectifs man -a  ; manin - a  et al. , qui signifient tous stériles (< mulet). En revanche, la signification zoologique n'existe pas en gascon  et la signification de stérile n'est pas associée lexicalement au mot "mando" en basque. 



* Matu-: bon et ours voir Màdara. 


 *Mello- "lump",  "ball" (Celtic lexicon). En breton, mell veut dire gros ballon. Voilà un étymon celtique qui a du ou pu être à l'origine du mot français melon en dépit de l'étymologie proposée dans tous les bons ouvrages. Le mot melon est en effet supposé dériver du latin tardif mēlo  qui serait une abbréviation du mot du latin classique melopepo-nis  (melon) lui-même adapté du grec. Néanmoins,  la  forme du mot spécifique au gascon est meron  (meroû, meroun) et non melon (meloü, meloun),  ce qui pointe vers un étymon  "mello-" avec deux "l" et non pas  avec un seul. En occitan comme en français, le double l intervocalique du latin est simplifié en l simple, on ne peut donc choisir  entre l'étymon *melo et l'étymon *mello, ils  aboutiraient à exactement le même résultat dans ces deux langues. Ce n'est pas le cas en gascon, le double l intervocalique du latin y donne régulièrement un r et non un l.  Le " r" intervocalique du mot meron  en gascon nous incite donc à 'identifier  l' étymon comme étant *mello avec  les deux l que l'on retrouve dans la forme du mot en italien: mellone. L'étymon serait donc bien le mot celtique mello "ballon" , aussi colline, tête, passé en  latin tardif  précurseur du gallo-roman, où le mot a pris le sens, par métaphore et sans doute confusion d'étymon, de "melon". Les formes espagnole,catalane et portugaise melón, meló et melaõ pourraient être le résultat du voyage du mot occitan ou français. Il y a du avoir confusion entre le mot celto-latin tardif *mellone- (du celtique mello: ballon) et le mot greco-latin classique melopepone- (melon), ce dernier ayant été décomposé en "melon pepon" (cf. moyen français "melon ponpon" FEW mēlo 6-1 683 et sqq) cf. aussi l'espagnol pepón, pepino etc, autanplan gasc. pèpi, ia (sot)  etc. 



*Menno - (petit d'animal, enfant cf. D.Etym. Proto-Celt. ). Cet étymon est représenté en gascon par une série de  formes affixées menin, menet, menon (petit enfant). Sous la forme menin -o/a, ce mot est ubiquitaire dans le domaine ibéro-roman.  Le traitement de la géminée intervocalique en n simple  suggère une formation gasconne donc le mot aurait voyagé. Ce mot se retrouve aussi plus au nord (òc.  manet cf. gasc. menet. Là encore, l'n est simple, ce qui suggère une formation gasconne.  Nèn(n) -a s'est substitué à la forme non affixée de menin, menet,  le changement de consonne par attraction de son synonime expressif  nin (latin tardif *ninnu > gasc. nin, esp. niño). Toutefois, la consonne intiale pourrait être conservée  dans l'interjection "men" (p.-ê interprété à tort comme "mien" par confusion avec lo men, cf. Rohlfs).  Le mot catalan nen (enfant), d'attestation relativement tardive, est probablement un emprunt au gascon ou à l'occitan,  de même noi (garçon) à partir de ninòi interprété en catalan comme "nin noi". En catalan, "nin" est encore employé aux Baléares, plus guère usité ailleurs. Si l'on admet l'étymon latin ninnu- pour nin (cf. esp. niño), alors la formation du mot catalan nin  apparait en fait elle-même gasconne comme l'est cet autre mot baléare al·lot pour dire garçon  < cat. arlot < gasc arlòt : pillard, homme de mauvaise vie, forme affixée péjorative du mot gascon "arla" (mite, insecte ravageur). Si la dérivation du mot latin ninnu avait été catalane, le résultat attendu aurait été *niny comme any, pany etc. *Mennos ou *mennis pourrait éventuellement être l'étymon de l'oc. manhac  (*menniako  cf. * mennisāko (?),  "kid" i.e petit d'animal, enfant in  Celtic Lexicon), aussi p.-ê aragonais monyaco (poupée), p.-ê à l'origine de l'esp. muñeco- a (id.). L'étymon munno (protubérance, collline), proposée par le dictionnaire de la Real Academia  pour expliquer le mot espagnol, me semble peu crédible car elle pose un gros problème sémantique. .    



Morc’hast (mor + gast lit. mer chienne, chienne de mer). Mot breton de forme archaïque  qui désigne des espèces de squale > gallo marache (s.f .) (id )->  poit-saint.:  marache (s.f. sorte de squale ; sorte de poisson) > gasc. marrache (s.f. aussi graphié marraisha) : roussette, sorte de squale > esp. marraxo (s.m.) (requin, notez le changement de genre qu'a subi le mot en entrant en espagnol : cela signe un prêt du gascon noir dont l'article défini féminin est le, le marrache, s.f. - > el marraxo s.m.) > esp. marrajo (requin, évolution phonétique du précédent) > esp. marrajo – marraja (adj.) (perfide)  - > gasc. marraca  (s.f.) toile d’araignée. Magnifique mot voyageur originaire du breton via le gallo, qui se retrouve dans toutes les langues de la péninsule voisine et qui a fait une boucle en gascon en passant par l'espagnol. Aussi en catalan deux fois : marraix (s.m. sorte de squale) et marraco (s.m. du côté de Tarragone: méchant monstre qui fait peur aux enfants < esp. marrajo) et à Sète : lo maraca  (prononcé maraco) sorte de squale (< esp. marrajo). Le mot marache  est passé du gallo en français du québec, adapté en "maraiche" par confusion, pour désigner le requin bleu. 


Morgu (mor + ku, lit. mer chien, chien de mer). Mot breton de forme archaïque (roussette, petit requin) romanisé en gallo, passé au poit.-saint. (oleron : mǝrg = roussette) et en gascon: mirc (s.m.), mirca (s.f.) = roussette (mirc à  Bayonne dès le 13eme s. cf. DAG 12). Le mot ne semble pas s'être installé en Espagne, contrairement au précédent. 


*Penn-o /i- Tête, extrémité. Gascon penon, pena  etc. cognats du mot fr. pignon; aussi à la montagne; pena =  rocher abrupt, a pic. 


?  Pilleāko? ? (bout de tissu, chiffon, guenille) > gasc. perrac, perrèc, perrec (id.). FEW donne le basque perreka comme étymon du mot gascon perrac, pérrec (sic lire perrec), pèrrec (sic, lire perrèc) etc mais c'est très peu probable car le mot est très isolé en basque alors qu'en gascon il fait partie d'une famille nombreuse, ce qui suggère que l'emprunt a été fait en sens inverse, c'est le basque l'emprunteur du mot gascon. La terminaison en -ac, ec et èc du mot fait vraiment penser à un dérivé celtique avec affixe āko, mais des hypothèses alternatives ne sont pas impossibles, bien sûr. Examinons la piste celtisante. Le mot non affixé pourrait être cognat de l'occitan pelha de même sens (bout de tissu, chiffon, guenille)  que l'on fait remonter au latin pĭleum (bonnet des affranchis selon la définition classique). En gascon, le mot pelha (< pĭlea) n'a pas la signification de chiffon qui est réservé à perrac, perrèc  mais il a celui de vêtement. L'étymon se retrouve dans toutes les langues neo-celtiques v. breton pil, breton pilhenn, pilhou (chiffon, guenille), gallois pilyn « couverture », ir. pillin et gael. pillean « bât » (cf. Henry. Lexique Etym. du Breton). Paradoxalement, il ne doit certainement pas s'agir d'un étymon celtique comme l'indique la présence du "p" initial en gaélique irl. et écos., mais vraisemblablement du mot latin pĭleum adapté en celtique (*pĭlleon). Le mot gascon perrac, perrèc etc suggère qu'il l'était déjà en gaulois. La geminée du mot gascon perrac, perrèc, perrec est sans doute expressive, on retrouve cette géminée dans perrissa (pelisse), variante de perissa, cette dernière forme dérivant régulièrement du latin pellissa. Le mot gascon perrac, perrec, a eu un beau  succès probablement du à son expressivité, puisqu'il se retrouve en catalan (perrac, perrec, esperrecar, esperracar, de premières attestations très tardives, 19ème s.) et aussi en aragonais. Une autre hypothèse, a priori moins téméraire,  ferait de perrac,  perrec et perrèc des  déverbaux d'*esperrəcar -> esperracar, esperrecar, peut-être apparenté à esperucar , cognat gascon de l'occitan espelucar et du français éplucher. Esperrecar signifie déchirer une étoffe, esperucar signifie béqueter,  la relation sémantique entre ces deux verbes n'est tout de même pas évidente. Dans le cas d'esperrucar, on peut rattacher le verbe au mot gascon peruc (<*pellucu, étym. pellis affixé qui signifie bec et non peluche). Il faut noter que esperricar est un variant de esperrecar, mais *perric est absent du lexique, ce qui ne va pas trop bien avec l'idée d'une contruction déverbale. Coromines suggère une origine onomatopéïque au verbe, ce qui n'est pas impossible mais suggererait que les tissus aquitano-pyrénéens font un bruit très spécial quand on les déchire parce qu'on ne trouve cette "onomatopée" nulle part ailleurs. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une forme gascone de l'étymon pilleum (avec géminée, le double l  intervocalique est prononcé régulièrement /r/ en gascon)) avec le vieil affixe celtique -ac. *Pelleako- -> *pərəac(u) -> 1) *pə'rac, 2- *pə'rœc (œ ou un phonème proche était la prononciation ancienne du e fermé tonique en gascon occidental comme en catalan oriental, encore conservée de nos jours en gascon de la côte et en catalan des Baléares)->  1 -> perrac, 2 ->perrec, perrèc (gémination expressive) avec le sens du mot occitan pelha: bout de tissu, chiffon, guenille. Le verbe dérive du substantif. 


*Rusca (écorce). Le mot fr. rûche vient d'un mot gaulois ruscā qui signifie écorce, mot conservé en gascon avec cette signification d'écorce (rusc, rusca) et, dans le vocabulaire du menuisier, d'éclisse. Localement, le mot rusca a aussi parfois le sens de rûche. 


*Sedlo- (siège). Coromines donne ce mot pan-celtique comme étymon du mot cantabre (pasiegu)  "sel" (s.m.), estive en altitude protégée autrefois par une palissade circulaire avec à l'intérieur la cabane du berger (d'où le nom), l'exacte équivalent du "cortau" gascon. Pour dire qu'un berger rentre s'abriter, on emploie le verbe pronominal aselàse (en esp. standard: aselarse) (el pastor se asela). Le verbe s'employait aussi sous forme transitive pour signifier qu'on rassemblait  le bétail chaque soir dans le "sel"  (prairie barricadée)  pour le mettre à l'abri des prédateurs  la nuit .  Maintenant que ce type d'estive barricadée a disparu, on réserve le verbe pour les poules: mettre les poules à l'abri  (aselar las gallinas).  Ce verbe espagnol aselar pourrait être à l'origine du verbe gascon asselar, aselà's, aselar-se: mettre à l'abri, se mettre à l'abri (du soleil, du vent) , l'assela,  l'asselada = l'abri. L'étymon celar ne serait pas le bon ici. Pour plus de développement, voir



 *Sukku (groin de porc, porc) - > soc (sillon de terre ou soc de l'araire selon les parlers) socar (faire de la corde, cordier < sillons), socada (ensemble de sillons ; de souches, action de serrer fortement un cordage) ; soc,-soca : stupide. *Sukku, par métaphore, est en grande partie similaire à *bonno (breton bomm, buem, gasc. vomet : sillon) et de son féminin bonna = souche, fondation, lieu de peuplement.  L’occitan (non-gascon), en dehors de la zone proche du gascon, ne connaît pas le mot "soc", contrairement au gascon, aux langues d’oil et à l’arpitan  (à noter qu'en breton: souc’h signifie soc de l'araire, le sens métaphorique  est gaulois, cette signification est inconnue dans les langues celtiques des Iles Britanniques). Voir aussi *brokko qui désigne le blaireau et dont on retrouve p.-ê. l'étymon en gascon sous la forme "broca", synonyme de "soc" et de "bome, bomet". 


*Sŭtĕgos (?): porcherie (?) bonne-maison (? ) >sot (sout) porcherie. L' étymon est *suteg- selon FEW 12, 479) où il est présenté comme un mot hybride composé du latin sūs et du celtique tego- (maison). Tego- signife bien maison mais le mot pour dire cochon est plutôt muccu- et non pas sŭ- ni même sukku.. Il est possible qu'il y ait eu confusion. En celtique, su-tegos signifie bonne-maison et il est possible que le mot ait pris le sens de maison de cochons en gallo-latin par confusion d'étymon avec le latin sus.

*Talamon =terre (sol). X. Delamarre lie cet étymon au suivant mais Matasović est dubitatif. Pour ce dernier, ces étymons sont distincts. P-ê. à l'origine du gascon talamascas: mottes de terre ??? Douteux.

*Talu-, front, p-ê aussi bouclier (c'est le sens du mot en v. irlandais). Le mot a été latinisé x-comme talutium (gascon talus). Un autre dérivé est l'occitan talvera (bord non cultivé du champs), connu aussi en gascon touchant le languedocien (taubera, trauuera). Un ancien mot gascon pour dire bouclier est talabar(t) (< talabarro- extrémité du bouclier?), qui a subsisté en gascon avec le sens de dispositif de bois dont on affublait les porcs pour les empecher des franchir les clotures ou les gener dans leur motilité et en espagnol (talabarte) ou le mot désigne une sorte de ceinture de cuir. Talós (celui du pica-talós) est probablement de cet étymon. Un mot jumeau de talabarro est talapenno, gascon talaben: versant abrupt d'un coteau, ,talabena: couverture de chaume, barousse talaven: motte de bouse. 


Talaberro voir talos, 


*Tannawāko voir Tanno. 


*Tanno- (chêne vert) - > tan, tanar (tan, tanner). La tanòca (brou de noix, épi de maïs) est généralement rattaché à cet étymon. Je ne vois pas  trop la relation sémantique et je me demande s'il n'y a pas eu confusion d'étymons, p.ê tamnaj-eo (couper) ou *tanawo (fin)>tanawāko> òc. *tanòc (trognon) >gasc. tanòca ?  


*Taranus l’orage, dieu de l’orage - > taram (tonnerre). Mot du gascon de Luchon et environ,   héritage probable du parler des Garumni, cf. arrian. Cet étymon celtique n'est représenté dans aucune autre langue romane, à l'exception peut être du normand qui a le mot tarane qui signifie gnôme, feu follet ( X. Delamarre Dic. L. Gaul.). 


*Tasko (blaireau), mot passé en latin (taxo) que l'on retrouve en gascon: taish, tàishon, taishon, teishon, comme dans d'autres langues romanes, p.ex. it. tasso, espagnol tejón, cat. taix, taixó. Souvent pris pour un germanisme, le mot est en fait un celtisme (voir Dic. L. Gaul.  et Etym. Dict. Proto-Celtic). 


*Tegos (maison) voir Sutegos (gascon sout). on a supposé que le mot basque "tegi" (lieu de vie, étable)  venait d'un emprunt du celtique "tegos"  mais M.Morvan rattache plutôt le mot à egi (bord, crête, lieu cf. dic. etym. basque). 



*Truko- (tronc, souche); Ce mot proto-celtique  (Etym.Dic. Proto-celtique, R; Matasovič, voir aussi FEW *truko) est très bien conservé en gascon avec le mot troc /truk/ qui signifie souche, tronc. Ce mot "troc" est absent du TdF. L'étymon est apparenté au suivant, également représenté en gascon.



*Trusk-e/o- (coupure, coupé). L'évolution en britonique est truks-e/o- à l'origine du breton troc'h (var. trouc'h) : coupure; gallois trwk: coupure, blessure; finesse. Ce même étymon truske-, en supposant qu'il était bien representé dans le celtique ancien continental, explique bien les mots gascons troish (trognon, tronçon) ( truishs (débris de branchages cassés) et dérivés troishar, truishar, estroishar (tronçonner), estroish (résultat du tronçonnage) etc. (cf. Celtic lexicon et Etym.Dic. Proto-celtic). 


* Turi-  (tour) , tor en irlandais signifie tour, chateau, hauteur; torr en gaélique signifie tour, tertre, colline arrondie, en breton tour, gallois twr (tour, tertre, colline, tas), cornique tur. On tient là probablement l'étymon de turon, turròc et peut-être aussi de tuc.

 *Turu, *turone > tu(r), turon.

Tu(r) affixé populairement avec -uc >*tuüc > tuc. Un moyen d'adapter le mot en gascon, tout en  évitant l'homonymie avec "tu". Peut-être aussi par attraction du synonyme cruc, cruca (voir kroukā).

Tu(r) affixé populairement avec -et : tuet >tuhet = tuquet (nuque).

De cet étymon pourraient se rattacher aussi turòs turòssa "personne de forte corpulence". Croisement avec terra : tarròc, turròc. 



*Wa(x)-ske/o- (pression, pincement )-> bascar; bascà's; basca (inquiéter, tourmenter; s'inquiéter, s'en faire ; inquiétude, tourment). Cette famille est particulière car on ne la trouve pour ainsi dire qu'en zone béarnaise et alentours, partagée avec le catalan (basca, bascar) et le castillan (basca). Inconnu en occitan non-gascon. Autant que je sache, il est absent de l'aragonais, de l'astur-léonais et du galaïco-portugais. L'étymon généralement admis est le celtique (voir "basca" dans le DRAE et le G.D.LL. cat. ).  Le mot gascon "basca" (a.g. "basque) serait donc cognat du breton "gwask" (pression, pincement mais aussi préoccupation) et du gallois "gwasg" (pression). L'équivalent celtique de chepic, finalement (< pechic, pessic). 


*Wēro- : rond, courbé. Cet étymon, qui est sémantiquement lié au concept d'enfermement, d'attachement  (verbe wi-na = enfermer cf. Et.Dic. Proto-Celtic)  pourait être à l'origine des mots gascons varan (halo)  et de baran(d)a (palissade, fortification circulaire protégeant un lieu, place-forte ou sel) via un hypothétique *weron(d)o postulé par Coromines voir . "varan" ne peut pas dériver de barar (*barant <barar, entourer un lieu par une cloture ou un fossé, latin vallo, a.f. valer, esp. vallar, gasc. varar / barar > barrar, esp. vallado cognat du gascon barrat (cloture ) ET varat (fossé) - à l'origine le même mot.  En effet, varan a des dérivés baranar, embaranar incompatibles avec *barant.   Le basque a le mot birunda qui signifie "cercle", il pourrait provenir de ce même werondo celtique.  Le basque a ausso barano  (autour) qui est probablement emprunté au gascon (varan, baranar). 


*Wodw-o-> *bodu-o/a:  qui coupe (cutting). Le mot en v. irlandais (fodb < wodwo)  est glosé "divisione" (partage, division, distribution) cf. Matasovič).

Cet étymon celtique "wodwa" latinisé régulièrement en "bodua" pourrait expliquer des mots romans signifiant borne, limite, en particulier le mot gascon bòhia ( bohio selon d'Astros) qui signifie borne. Je suppose que ce mot gascon est cognat de l'occitan boïna, boèina (<boduina) qui a cette même signification. Les mots du vieil occitan v. bosolar (borner, limiter), bosola (borne, limite)  pourrait renvoyer à une autre forme de l'étymon, le verbe *wo-dāl ("separate" ? cf. celtic lexicon)


*Wodwā (taupe) (Matasovic, Etym. Dic. of Proto-Celtic). La caractéristique de la taupe est bien de creuser, de fouir (gasc. bohilhar, bosilhar), ce n'est pas du tout un animal souffleur.  Plutôt que de faire dériver le mot gascon pour dire taupe:   boha, bohon, bohet, de la racine buff- buffare (souffler, gascon bohar), on doit plutôt le rapprocher des  verbes occitans (au sens large) qui signifient fouir, fouiller: bodigar (< bodicare); bosilhar var. bohilhar (< bodiculare);cf. aussi  bodic var. bosic (lombric, ver de terre), probablement aussi boïc, bohic, bohiga, boïga, bosiga, bodiga  (friche, terre à défricher,  à "fouir" (<bodicu, bodica).  Le mot gascon boha (taupe) pourrait représenter la forme non affixée *boda.  L'h est  épenthétique, le même que dans bohic, bohiga. Cet étymon latin boda serait en fait gaulois: *wodwa peut-être le même que le précédent qui signifie couper, séparer, diviser. En proto-celtique, *wodwa est le mot pour dire taupe.

Donc *wodwa -> lat. bodua (3 syllabes) et par affixation -> boduicu-, boduica (quatre syllabes) -> bodic-u, bodica (résolution du hiatus par perte d'une voyelle, donc d'une syllabe) >  bosic, boïc, bohic etc.  Le w/u initial celtique est régulièrement adapté comme b en latin, cf. wroyko (bruyère)-> brocu-, brucu -> broc, bròc (bruyère). Egalement gaulos uranka -> branca (branche) etc. Ici, wodwa -> bodua -> boua (perte de la consonne intervocalique, cette délétion provque deux hiatus) -> boha (résolution des deux hiatus: le premier par délétion d'une voyelle, donc perte d'une syllabe, le second par l'ajout de h, cf. bohic, bohiga.  Voir aussi boarut, boharòc et boharòu : creux, vide. Il y a confusion d'étymon entre wodw- (séparer, creuser, fouir) et buffare (souffler) cf. bohèc, bohet, oc. bufet (buff-).  


* Wroykyāko- (buisson): gascon bruishòc, broishòc (buisson) voir *wroyko


*Wroyko-: bruyère. Gascon: bruc = bruyère; aussi, broish, broisha (buisson) et bruishòc, bruishòt, bruishon (buisson). 

Le proto-celtique *wroyko- bruyère, a un descendant en ligne directe en gascon : *wroyco -> gallo-latin  *brucu  > gascon bròc /brɔk/, broc /bruk/, bruc /bryk/ d'où bruga /brygə/ (bruyère) et , sous une forme affixée: bruguèra (< brocaria) de construction similaire au fr. bruyère (< brucaria). La prononciation de la diphtongue gauloise a pausé problème en latin qui ignore ce phonème  d'où les solutions phonétiques divergeantes (Coromines souligne ce point dans El parlar de la Val d'Aran adresse broixa)).  De même l'étymon de "wroyko", et c'est là que cela devient intéressant, est sans doute aussi celui de  òc brossa (buisson, broussaille), gasc. bruishòc, broish (buisson, éteint sous cette forme, avec ce sens, mais vivant sous forme de dérivés affixés, voir  ), catalan bruix (buisson ), que je suppose dérivé de *wroyko via un intermédiaire affixé  *wroykja (ensemble de buisson, broussaille ?)> broicia ou bruycia-> brossa, broisha. 

Le mot bruishòc (buisson) et son doublon broishòc (id.)  sont intéressants car ils présentent une "affixe" sous une forme qui n'est pas usuelle en gascon et qui pourrait remonter au celtique, je pense à  -ākos.  Celt. *Wroykyāko-- > *bruyciacu, *broyciacu- > bruishòc, broishòc. Sur la dérivation du suffixe -āko- en -òc en gascon, cf  le mot celtique kalyāko, fr. coq dont dérive en ligne directe le mot gascon calhòc, (fr. coq de mer, goéland). Les deux mots wroykyāko et kalyāko en ont en commun que la terminaison -āko suit un yod (-yāko). Voir aussi briga, brigāko, gascon briòc. Pour plus de commentaires et sur la relation possible entre broish-a (sorcier -ère) et notre étymon, voir