*Gortia (s.) Enclos et, par métonymie, clôture (Delamarre). Ce mot celtique est bien représenté à la fois dans la toponymie hexagonale (y compris en Gironde: Lagorse, l'article suggère que le mot y a été lexical autrefois) et aussi en occitan non-gascon (gorça, gorso) où il a pris le sens de verger (< clos) (c'est bien le sens que le mot a dans la citation que Mistral donne pour l'illustrer, même s'il ne retient pas cette définition voir TdF, gorso) . Il a surtout la signification de haie (< clôture).
Le mot "gorso" existe dans le lexique gascon contemporain, il est pyrénéen et, même si je ne suis pas du tout convaincu qu'il s'agisse du même, je ne peux pas m'empêcher de le mentionner surtout à cause de l'anecdote de la réaction de Coromines à la suggestion de Palay mentionnant Ribagorça comme toponyme pouvant contenir ce mot que Palay imaginait indigène (voir gorso dans Palay). Coromines avait développé une hypothèse totalement latino-romane pour expliquer le toponyme Ribagorça, justifiée par la forme du toponyme en latin médiéval (Ripacurtia). Coromines prête à ce mot "curtia" le sens très castillan de "cortado" (coupé) ce qui ne manque pas d'étonner compte-tenu que "cortar" o "curtar"- couper- n'existe pas en aragonais, pas plus qu'en gascon, bénasquais ou en catalan. Ce mot avec cette signification pourrait avoir été employé autrefois, c'est ce que suggèrait Coromines avec le toponyme ribagorçan, arguments documentés à l'appui. L'argument est acceptable, néanmoins pas certain, il pourrait s'agir d'un castillanisme car le document en question est une traduction d'un texte latin en roman probablement navarais et non aragonais. Admettons que ce ne soit pas un castillanisme. La question reste si la graphie médiévale représente bien ce mot bien latin "curtia" manifestement éteint dans nos langues romanes pyrénéennes ou bien si cette graphie.n'est pas une interprétation latinisante d'un mot qui ne le serait pas.
En réaction à l'hypothèse de Palay comme quoi le mot "gorso" pouvait se retrouver dans le toponyme Ribagorza , Coromines a écrit en substance que le mot gascon gorso (gorça) était une invention arbitraire, que ce mot n'existait pas (El parlar de la Vall d'Aran). Il avait bien sûr tort au moins sur ce dernier point. Le mot signifie précipice en gascon toy (Dic. Palay, Dic. Massoure). Il semble que ce même mot soit associé à canalis (canau et gau en gascon ) sous la forme galigòrça (a.g. galigorse, galigorso) qui a cette même signification de précipice. Sous cette forme de galigorça, le mot est bien répandu dans le domaine gascon. Par analogie avec l'étymologie proposée par Coromines pour Ribagorça , on pourrait proposer pour galigorça "canale curtia", étymologiquement gorge "tailladée" , gorge "découpée": précipice. Un synonyme de gorça et galigorça est "galiherna". Là, le sens est très clair pour moi: galiherna < canale inferna, gorge "abyssale" (très profonde) donc précipice. Le mot pyrénéen "gorça" viendrait donc du latin "curtia": tailladée. Cette hypothèse suppose que ce mot était bien employé dans les Pyrénées des deux côtés avant de disparaitre du lexique de nos langues. C'est ce que pensait Coromines pour le domaine linguistique aragonais, on pourrait alors y ajouter le domaine gascon qui lui est de fait assez proche.
Reste évidemment la possibiité que le mot gorça puisse être un mot d'origine indigène, non-indoeuropéen, bien sûr. En toponymie basque, il y a en Navarre le toponyme 'Gorza' qui rappelle furieusement notre gorsa /gorso. En roman, le toponyme qui en dérive est Guesa, la réduction -rs- en -s- étant normale sur le modèle ursu--> oso. En gascon, la même réduction est attendue (ursu -> o(r)s a.g. ous. L'étymologie du toponyme basque est loin d'être claire, il pourrait s'expliquer en le décomposant en gor (mot douteux, peut-être de l'adjectif gogor qui veut dire dur, cruel, sans pitié et le suffixe fréquentatif ou locatif tz(a) qui se réduit à za derrière -r-. Même si le roman gorça ne doit pas dériver du mot basque gorza à cause de la conservation du -rs-, on peut tout imaginer, en particulier un mot indigène X illégitimement latinisé en curtia (Ripacurtia) qui aurait le sens de précipice et dont dériverait directement le mot gascon. Cette hypothèse est plausible même si elle est très téméraire. Téméraire, l'hypothèse latine l''est également de par le fait qu'il n'y a pas réellement d'attestation de "curtia" o de cortar (couper) dans les lexiques génétiques aragonais et gascon. Mais le mot a pu y être employé et s'éteindre presque complètement, ne laissant que gorça, galigorça et le toponyme Ribagorça comme traces. Après tout, iherna avec le sens latin de inferna (profond, abyssal) n'existe pas davantage dans la langue moderne mais la dérivation latine, là, est très claire. Donc, pourquoi pas "curtia". En revanche, l 'hypothèse celtique pause une invraisemblance sémantique qui la rend non crédible dans le cas pyrenéen.
Je ne suis donc pas du tout convaincu de la pertinence de cet étymon celtique pour expliquer le mot pyrénéen. Mais le mot celtique doit bien être l'étymon du toponyme girondin Lagorce (le clos, l'enclos ou la clôture), visiblement affublé d'un article donc probablement lexical autrefois mais il semble que le mot soit éteint (qu'on n'hésite pas à me contredire le cas échéant).