dilluns, 15 d’octubre del 2018

Morc'hast, marache, marrache, esp. marrajo, cat. marraix, etc. : synthèse en français

Un exemple très parlant de mot voyageur ayant passé par la "case gascon" est le mot gallo (la) "marache" qui résulte de la romanisation du syntagme breton "morc'hach", forme dialectale de "morc'hast" (lit.mer-chienne, en clair chienne de mer) signifiant toute sorte de squale, en particulier le requin bleu (Publication du linguiste brestois D. Le Bris). Ce syntagme breton a une structure très archaïque qui pourrait remonter au celtique ancien selon D. Le Bris. En tout cas, la forme romanisée du syntagme, ce mot marache, est passé du gallo au normand de l'Île St Michel au nord. Au sud, il a été adopté par toutes les langues de la péninsule ibérique via le mot du gascon negue (groupe de parlers gascons de la côte basque et landaise) "le marraisha" (ou "le marrache" selon le système graphique que l'on désire employer). En gascon, ce mot désigne la roussette, un petit squale. Attention, le mot est bien féminin en gascon, l'article du gascon "negue" "le" est bien l'équivalent du "la" français et espagnol, c'est le féminin de lo. Notez aussi les deux r, cette gémination ajoute une expressivité négative au mot en gascon. Je suppose que le mot gallo est d'abord passé par la case poitevin-saintongeais avant d'arriver en gascon où il a gagné en expressivité avec le doublement du r. En gascon, ce mot "marrache" est spécifique du lexique des parlers maritimes. Notre mot a continué sa route vers le sud, (le) "marrache" est devenu "(el) marraxo" en passant à l'espagnol (16eme siecle, x se prononçait sh, à peu près comme ch en français). Ce mot qui signifie "squale, requin" a évolué en "marrajo" au 17ème.

Vous noterez qu'en passant du gascon à l'espagnol, le mot a changé de genre. Cela est probablement du à la forme de l'article feminin "le" et la phonétique du gascon negue, la voyelle finale atone de "marrache" se prononçant entre le e et le o: œ. On observe le même résultat avec "le tournade" ou plutôt "le tornade" en gascon bayonnais, en gascon devenu "el tornado" en espagnol, on suppose généralement que c'est via l'anglais dans ce cas mais il me semble plus probable que ce soit directement du gascon à l' espagnol et de l'espagnol ou du gascon espagnolisé il serait passé à l'anglais. Il ne faut pas oublier que le gascon negue était aussi une langue d'Espagne parlée sur la côte basque entre Hendaye et Saint-Sébastien, et ce probablement depuis au moins le douzième siècle et jusqu'au début du 20 ème où il s'est finalement éteint à Pasaia au profit du basque et du castillan (Pasaia, en espagnol Pasajes, toponyme roman d'origine gascone: passadye =passage et plus spécialement port, ici celui des bateaux) avec la mort de dame Eduvigis Trecett en 1919.

Notre mot gallo gasconnisé puis espagnolisé s'est installé dans toutes les langues de la péninsule où il signifie "requin": marraxoa en basque, marrachu en cantabre et asturien, marracho en portugais, marraix en catalan. En catalan normé, le mot désigne spécifiquement le requin-taupe. Le mot espagnol marrajo (requin, squale) a donné un adjectif marrajo-marraja (rusé, perfide) et ce mot est passé une deuxième fois en catalan sous la forme adaptée marraco qui désigne une sorte de monstre malfaisant de la tradition populaire. Le mot a repassé la frontière dans l'autre sens, on retrouve ce mot marraco en occitan (non-gascon). En gascon, on le retrouve au feminin marraca, il désigne la toile d'araignée (cf. esp. marraja: rusée, perfide). Ce mot "mar(r)ache" n'est pas du lexique du français de France, mais il a été adopté en français du Québec, peuplé largement de colons venus de la côte ouest française, sous la forme maraîche (s.f. soit requin-taupe ou veau de mer, consultez la wiki à maraîche).

En conclusion, si le mot a voyagé et passé la frontière franco-espagnole à deux reprises, ce n'est pas du tout parce qu'il viendrait d'une langue dominante comme le français ou l'espagnol, mais bien parce qu'il est expressif et qu'il plait en tant que tel. En breton, il existe un autre syntagme très analogue pour désigner la grande roussette: 'morgui' c'est à dire lit. mer-chien, chien de mer. Au fond, c'est la forme masculine de morc'hast. Ce syntagme a également été romanisé en gallo, il est attesté en saintongeais de l'ile d'Oleron sous la forme mœrc, en fr. grande roussette, il est passé également en gascon maritime: mirc, attesté dès le 13eme siècle à Bayonne; en gascon contemporain: mirc et mirque (mirca) (Arcachon). Mais il n'est pas "descendu" au delà du Pays basque, celui-là. Il n'est pas aussi voyageur que mar(r) ache :-D. Il ne devait pas plaire autant.

dijous, 11 d’octubre del 2018

Cauerac, caishalòt:, fr. cachalot: sintèsi / synthèse (en francés).

Il est un animal dont les Gascons peuvent être fiers, c'est le cachalot. En effet, le gascon a deux mots pour dire cachalot.

Le premier est "cauerat" (cauerac, Bayonne, 1258, cauerat 14eme siècle). C'est le mot le plus ancien de toutes les langues romanes pour désigner ce cétacé Il est d'ailleurs de formation gauloise, et non pas latine, contrairement à l'hypothèse émise par le DAG (Dictionnaire d'Ancien Gascon) qui suggèrait une dérivation deu mot latin "caput". Cauaru- en gaulois signifie "géant, colosse" (le mot à son entrée dans dictionnaire de langue gauloise de X. Delamarre. Cf. Kawaros dans les dictionnaires Matasovic e Celtic Lexicon de l'Univ. du Pays de Galles). Cauaracu- est une forme affixée très régulière de cauaru- (le suffixe -ac(u) est le même que celui des toponymes comme Mérignac, Blagnac, Aurillac etc). En Gaulois, cauaracos devait  signifier quelque chose du genre "gigantesque", "colossal". Notez que les parlers gascons, surtout les "negues" et et les garonnais, ont conservé une série de mots de formation gauloise analogue à celle de notre cauerat, pour désigner certaines espèces de poissons. Je pense en particulier à des poissons migrateurs frayant dans la Gironde ou la Garonne comme l'alose et l'esturgeon, respectivement "colac" et "creac" ou "creat" (notez a variante en -t, bien attestée) , voir le FEW pour l'explication étymologique de ces mots. La dérivation en -at est probablement due à une un participe passé: cauerat par  confusion avec caperat et creat avec le participe passé de crear, en plus que la phonétique de certains parlers confond les deux lettres en final /k/ prononcé /t/.
Le mot cauerat est généralement écrit caverat dans les dictionnaires de graphie alibertine, la légitimité de cette graphie est discutable compte-tenu de l'étymologie mais aussi et surtout de l'existence d'une autre forme phonétique du mot à seulement deux syllabes: caurat.  Cette évolution du mot en gascon rappelle le mot cornique cawr (géant) qui dérive de cauaros: en vieux cornique cawr-marc signifie chameau (lit. géant- cheval) (DicGaul. Delamarre).

L'autre mot pour dire cachalot est plus récent (17eme) et est... caishalòt (cachalòt). Ce mot est de formation proprement gasconne, il dérive de caishalut (ou cachalùt, selon votre choix graphique). C'est sous cette forme que ce mot désignant ce cétacé apparait pour la première fois (écrit: cachalut, 1628). Caishalut est un derivé affixé de caishau (molaire, dent), il correspond à notre mot "dentu". Lo caishalut (lou cachalut) veut donc dire littéralement "le dentu" "celui qui a des dents". Le fait d'avoir des dents distingue le cachalot des baleines à fanons. Le changement d'affixe (caishalut -> caishalòt) a du être provoqué ou facilité par l'environnement polyglotte des pêcheurs basques. En effet, ce mot est originaire du parler des pêcheurs de Saint Jean de Luz (ce parler gascon y est aujourd'hui éteint), or en basque et en espagnol, le suffixe -òt, bien plus courant en gascon que -ut, est reconnu et facilement adapté sous la forme -ote (toutefois à valeur augmentative en espagnol et en basque au lieu de diminutive en gascon), alors que -ut y pose un sérieux problème phonétique, le u gascon sonnant comme le u français, ce phonème n'existant pas en espagnol ni en basque à l'exception du souletin. Ce mot "caishalòt" a voyagé, il a connu un succès international. En plus du français, on le retrouve dans toutes les langues de la péninsule ibérique et aussi en russe, polonais, roumain, ouzbek, anglais, irlandais, danois, finlandais, esperanto etc, etc.

diumenge, 7 d’octubre del 2018

Tornado, tornada, tornade: un mot gascon en anglés, espanhòu e francés (messatge en version francesa).

De nos jours, le o fermé latin est prononcé ou (/u/) en gascon., même quand il se trouve en position tonique. On sait que ce n’était pas le cas autrefois entre autre grâce à la graphie des psaumes en rimes béarnaises de Salette, qui présente les trois degrés d'ouverture du "o" comme en catalan. Cette manière de prononcer le "o" fermé tonique /u/ est moderne. Mas quid du "o" prétonique ? A-t-il toujours été prononcé /u/ ? Cette question, je me la pose en comparant le mot du gascon contemporain "tournade" avec l’espagnol "tornado" et l' anglais "tornathe" (au 17eme). La question se pose à nouveau quand on considère certains éléments de l’onomastique officielle de cette région du gascon occidental: on a, par exemple, Torné (gascon tornèr) comme nom de famille sans oublier le nom de la ville d' Orthez, Ortès en gascon est prononcé ortès et non *ourtès. Tout se passe comme si la phonétique avait été fossilisée dans ces noms, y compris pour le toponyme. Et cette manière de prononcer le o prétonique n’a pas complètement disparu partout. En particulier à Bayonne, le mot "la yumpòle" (la balançoire) s’accompagne du verbe "yumpolà" (prononcé ainsi selon le dictionnaire Foix. Le mot n'est pas dans Palay). Et ça ne gène pas du tout le poète bayonnais Justin Larrebat (1816-1868) d’écrire dans ses vers gascons "oradye" "bordat" et non "ouradye" , "bourdat". Gallicismes? Pour le choix de ces mots, sans doute, mais ça n'explique pas tout car, comme l'a bien noté H. Gavel,  Larrebat écrit aussi trobat et non pas troubat (en français: trouvé) et là, ce n'est plus du tout un gallicisme...C'est une manière de prononcer qui, visblement, ne doit rien au français. Et dans la chanson Aitona Ixidro Elusu recueilli à Pasaia (Guipuskoa), on a ce vers: " le niño ploraue (sic)" . Il est donc très possible que "le tornada" (en graphie alibertine) ait été en fait bien prononcé "le tornade" autrefois, en gascon de Bayonne et de Saint-Sébastien (la forme au féminin de l'article défini en gascon de la côte basque et landaise est "le"). Cette manière de prononcer le "o" prétonique de "tornada" (en graphie alibertine) pourrait être soit un archaisme qu'on retrouverait fossilisé dans Ortès etc, soit une prononciation locale en accord avec le basque (tornu) et l'espagnol (torno).
Que le mot 'tornado' vienne de l’espagnol 'tronada' m'apparait  invraisemblable non seulement du point de vue de la phonétique (pourquoi un mot anglais terminant par o représenterait un mot espagnol se terminant par a???) mais aussi de la sémantique (les coups de tonnerre, la tronada, ce n’est pas du tout ce qui caractérise la tornade). L’origine du mot doit plutôt être  le mot gascon "tornada" (graphie alibertine, le mot est prononcé tournade en gascon contemporain, le e atone final sonnant entre 'e' et 'a', /
Ə/). L’anglais a visiblement hésité entre les formes en -athe , tornathe e turnathe qu'on trouve au 17eme siècle, et les formes en -ado: tornado (17ème), var. ternado (16eme), c’est à dire entre une prononciation reflétant typiquement celle du gascon de la côte basque et une autre plus espagnolisée. Le mot bayonnais (le) *tornade  (s.f.) a pu être adopté en espagnol sous la forme (el) tornado. Ce changement de genre f -> m induit par le passage du gascon bascolandais au  castillan  est régulier, il est lié à la forme de l'article féminin en gascon "le" (article devenu devenu épicène en gascon du guipuscoa) et à la terminaison phonétiquement "neutre" du mot. Par exemple le mot gallo marache (s;f.) adapté en gascon sous la forme marrache (s.f) (sorte de squale) , (le) marrache - > esp.  (el) marraxo (s.m.) (squale); "le galerne (s.f.)" -> "el galerno" (s.m.), le berle (s.f.) (fr. la berle, cresson médicinal) - > esp. el berro etc.  "Le tornade", forme bayonnaise de "la tornada" : en gascon, ce substantif signifie la volée (dans le sens de châtiment, correction), on comprend qu’il ait pu être utilisé pour désigner le phénomène météorologique même si cette signification spécialisée du dit phénomène qui est fréquent dans les mers du sud mais pas franchement aquitain, n'est pas dans Palay. Mais Palay n'a pas tout noté, en particulier en ce qui concerne le gascon maritime et le gascon sud-oriental. Par exemple, cachalùt et son dérivé cachalòt (mot de la côte basque) ne sont pas répertoriés dans Palay non plus, mais la dérivation affixée à partir de cachàu (caishau en alibertin) est très régulière et sémantiquement très claire pour la forme cachalùt qui est la plus ancienne. Hélas, il nous manque un corpus des termes maritimes de Bayonne et de Saint Sébastien (Donostia), n'oublions pas que la langue gasconne était également parlé sur la côte basque espagnole. D. Sumien a recommandé d’adopter "lo tornado" (s.m.) en occitan au lieu de "la tornada" qu’il juge d’origine française (la tornade), je pense qu'une fois de plus, il a tort.  C'est l'inverse, c'est le mot français qui vient du gascon. On ne voit pas pourquoi l'espagnol el tornado aurait donné la tornade en français. Il est plus probable que mot français vienne des bayonnais eux-mêmes qui  parlaient aussi français, en plus de gascon et en gascon le mot tornade ou tournade est bien féminin.  Il n’y a évidemment pas lieu d’incorporer la forme espagnole et anglaise d’un mot gascon.

divendres, 5 d’octubre del 2018

Cohet, coet: mot gascon, mot catalan



Messatge publicat uei en francés a la mia paja facebook:

"Le mot "cohet" qui est un nom du diable en gascon pourrait résulter de l'adaptation du mot de l'ancien français coué ou coé (latin caudatum) qui désignait tout personnage que l'on supposait pourvu d'un appendice caudal, en particulier les satyres, le diable et même... les "ennemis anglais" (cf. dictionnaire Godefroy de l'ancien français). Le h dans le mot gascon serait un artifice phonique destiné à garder bien distintes les deux syllabes du mot (comme dans 'la-hens' forme alternative de laguens ; 'sahuc' pour 'saüc' ou 'gahús' pour 'gaús'). Le mot gascon "cohet" pourrait être à l'origine du mot catalan "coet" (anciennement "cohet"), lui-même à l'origine du mot espagnol "cohete", utilisés d'abord pour désigner le feu d'artifice (plus tard, au 20ème siecle, le mot servira aussi à désigner la fusée). L'assocation pourrait venir de la tradition catalane des danses de diables, d'origine religieuse, où des personnages déguisés en diable dansaient en faisant péter des feux d'artifice évocant l'enfer. Cette tradition, devenue laïque et festive, perdure encore aujourd'hui dans les pays de culture catalane. En catalan, le mot "cohet" remonte au 15eme siècle, en même temps que l'introduction de la pyrotechnie dans les danses de diables. Je suppose qu'à cette époque, ces personnages démoniaques devaient être joués par des Gascons, le métier de saltimbanque n'en étant pas un pour les Catalans de l'époque.

En langue gasconne, une adaptation phonétique analogue à "cohet" pourrait concerner le mot qui désigne le pied de la cornemuse des landes: "pihet" (adaptation probable du mot français pied).

Qu'ei hòrt complicat de har acceptar per un Catalan qu'un mot de la soa lenga posca aver ua origina gascona. Quitament Coromines, ignorant l'istòria gascona deus catalans, n'avè pas hèita la relacion enter cohet e cohet!  Totun lo diccionari Alcover-Moll qu'ei conhit de mots gascons (cf. frai etc), eretage de la diaspora gascona tostemps plan presenta en Catalonha despuish l'atge miejan.