Barrar, barra, barrè(i)ra etc; fr. barrer, barre, barrière etc voici une famille de mots pour lesquels on n'a pas d'hypothèse étymologique très convaincante, ce qui a conduit à supposer un étymon inconnu pré-latin (voir barrar dans le G.D.L.C.). On a supposé un celtisme mais aucun étymon celtique connu ne semble bien correspondre. L'étymon gaulois "barros", tête, extrémité, semble sémantiquement peu pertinent". Alors permettez-moi de vous en proposer une explication étymologique assez simple, à la fois latine et typiquement gasconne. L'évolution historique de la phonétique gasconne, très particulière, explique que la relation du mot avec celui du latin classique soit passée quelque peu inaperçue.
Du verbe latin vallo - vallāre (fermer par une clôture de pieux, entourer ou clore un lieu par une palissade) ont dérivé le verbe (éteint) en ancien français "valer "(entourer d'un rampart, ramparer cf. Dic. Godeffroy) et le verbe espagnol "vallare" : cercar o cerrar un sitio con vallado (DRAE), c'est à dire entourer ou fermer un lieu avec une palissade, une clôture. En catalan, ce verbe "vallar" a subsisté sous la forme affixée vallejar (creuser une excavation), le verbe vallar signifiait à l'origine entourer par un "vall" (s.m.), deu latin "vallum" qui désignait la palissade, entendu aussi au Moyen-Âge comme "fossé" d'où le substantif catalan vall (s.m) (fossé, excavation) et le mot des troubadours val (id.). Aujourd'hui en oc. on dit plutôt un "valat" (fossé), ce mot est bien le cognat de l'esp. "vallado" (clôture) et du gascon "varat" (fossé). Barrar est tout simplement la forme gasconne qu'a prise le verbe latin vallāre, dont la signification latine, conservée en espagnol et en gascon, était bien celle de "fermer" (originellement: par une palissade), "clôturer" (originellement: par des pieux) (latin vallus= fr. pal, pieu). "Barrat" (s. m.) a encore le sens de clôture en gascon, comme son cognat espagnol "vallado", et en gascon, "barròt" signifie bien bâton (lit. petit pieu).
En résumé: du verbe lat. vallare (clore par une palissade, entourer d'une palissade -lat. vallum = palissade; lat. vallus = pal, pieu) est issu très régulièrement le verbe gascon (b/v)arar (fermer par une clôture ou un fossé) conservé sous la forme de son substantif varat (fossé). Le verbe lui-même (v/b)arar a évolué en "barrar" (fermer), cette gémination expressive permettant de distinguer le concepte de clôture (barrat, s.m.) de celui de fossé (varat, s.m.) (le gascon ne distingue pas le "v" du "b"). Les deux mots gascons barrat (clôture, fermé) < latin vallāre ) et varat (fossé, de varar < lat. vallāre) sont en fait absolument cognats, c'était le même mot à l'origine. La généralisation de la gémination chez les membres de cette famille de mots gascons est relativement tardive dans l'histoire du gascon, on trouve encore la forme "bareira" (graphié ainsi pour "barèira") au 12 ème siècle, en concurrence avec la forme "moderne" avec géminée barre(i)ra (pour barrè(i)ra, cf. le glossaire de Luchaire). Le mot "varat" a échappé à cette gémination, probablement préservé par attraction des dérivés gascon du latin "vallis": devarar, devarat (fr. dévaler, dévalé). En revanche, seule la forme avec géminée "barra" a été incorporée en latin médiéval - un gasconisme en latin, comme on l'a déjà vu avec "galeta" (< canalĭtta, le récipient à col ou bec genre burette, rien à voir avec la galette) - et c'est bien sous cette forme "barra" que le mot a du voyager, véhiculé par le latin. Cette gémination expressive (de violence ou de défiance, de dégoût) n'est pas exceptionnelle en gascon. Par exemple, le mot du gallo "marache" (sorte de petit requin) est devenu en gascon "marrache" (aussi graphié marraisha) et du latin pellissa a dérivé le mot gascon perrissa. On peut supposer, dans notre cas, que cette gémination qui apporte un gain expressif au mot a pu être provoquée originellement par le sens brutal, agressif, du verbe "abarrotar" qui, en gascon, signifie bastonner, cogner à coups de "barròt" (bâton, gourdin < latin vallus ou bien dérivé du latin vara).
Ce mot gascon "barra" été adopté sous cette forme en latin médiéval avec le sens originel de " pièce de bois qui empêche le passage ", ce qui a du provoquer l'expansion de ce mot et des membres sa famille dans toutes les langues romanes et au delà. Le mot a plu, à l'évidence. Pour moi, pas de doute, c'est un magnifique gasconisme. Les linguistes ne s'en sont pas aperçus, c'est assez habituel, beaucoup ont effacé le gascon de leur radar en le confondant avec le provençal ou l'occitan. Ils ont tort! Ce mot ne peut pas être de construction occitane (sensu stricto), seul le gascon peut expliquer son évolution originelle à partir du latin, encore faut-il vouloir ou pouvoir garder le gascon en considération !!! C'est probablement grâce à l'incorporation de ce mot "barra" au lexique du latin médiéval (probablement, à l'origine, sous la plume d'un ecclésiastique gascon, comme pour cet autre mot gascon passé au latin, galeta, pour désigner un récipient type burette, un flacon à col ou à bec) qu'il a pu aisément voyager dès le Moyen-Âge. Et il a pu, par la suite, continuer son évolution en dehors même du roman pour atteindre une dimension universelle. Il est devenu en lui-même un étymon !!! Et, à ce propos, quand rouvrent les bars? Los bars que son barrats!!! (Ecrit en temps de confinement :-D ).
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