dijous, 15 de setembre del 2022

Berret, barret, brac, bracar, abracar etc, bret, barraquet: l'étymon gaulois "berros" en gascon (berrĭttu-, berrāku-)

*Birro- (Et. Dic. Proto-Celtic) ou berro- (Celtic Lexicon), Gaulois birros (selon Delamarre Dic. Gaul.) (court) > gasc.  berret (et variants) , brac (abracar etc)  et barraquet. . Le mot gaulois est passé au latin adapté en birrus pour désigner un vêtement court à capuche. Le mot  est à l'origine du mot gascon berret et de son variant synonyme barret , qui en dérivent par affixation régulière via  leur dernierancêtre commun /*bə'rret/. On trouve aussi plus rarement une troisième forme birret, plus fidèle à la forme latine, cette forme est passé à l'espagnol, autrefois birrete, aujourd'hui plutôt birreta qui a bien le sens de béret (synonyme de "gorra").  Les cognats sont le v. irlandais berr (court), v. cornique  (id.), breton berr (id.), v. gallois bir (id.), gallois byr (id.).

Le FEW et Wartburg veulent faire dériver le mot gascon brac (bref, court) du grec bracchis (id.), ce qui n'est pas du tout crédible  en raison de l' absence totale d'indice de peuplement grec en Gascogne et du fait que le mot est restreint au gascon et au languedocien. Même si je ne suis pas du tout linguiste, ma simple culture générale m'incite à chercher à faire remonter le mot gascon brac  à un dérivé de notre mot celtique *berros simplement affixé avec āko : *berrākos ou *birracus (court, raccourci?). Cette dérivation est attestée en latin sous forme adaptée en anthroponymie gallo-romaine : Biracus, Biraco cf. Delamarre,  Dic. L. Gauloise, adresse birros). Je pense que ce mot *berrākos (birracus) est à l'origine de notre mot gascon brac (court) via */bə'rrak-/ > brac . Cette voie étymologique m'est indiquée grâce à l'existence d'un autre mot, béarnais celui-là,   "barraquet -a" qui désigne une  "personne petite et ronde" (Palay) et qui me fait remonter sans aucun problème à notre */bə'rrak-/ affixé en */bərra'ket/ > barraquet, au final un dérivé de *berros par double affixation. 


La simplification syllabique par perte du schwa devant la géminée  /bə'rrak/ -> /brak/  pose néanmoins question.  A-t-on un autre exemple d'une telle simplification berr -> br- en gascon?  La réponse est oui mais  il est toujours lié à cet étymon. En effet, on a le mot  "bret, -a" qui est un adjectif qui signifie précisemment court de jambe, appliqué à une personne (Palay) (berrĭttu-/ -a) .   Dans Les landes, on trouve un mot homonyme "bret" qui signifie bègue, l'étymon est différent, c'est brittus (breton); ce mot, avec cette signification, est aussi occitan. Les doublons étymologiques /*bə'rrak-/ (> barraquet) et /brak/; berret et bret,  nous en rappellent d' autres en gascon : beròi et bròi (beau, joli); verai et vrai (vrai) (en gascon, sauf un très petit nombre de parlers très localisés, /v/ n'existe pas, le "v" initial est prononcé /b/); cauerat et caurat  (< kawarāko-) (cachalot); ou bien le futur des verbes du premier groupe en gascon occidental, par exempe cantar (chanter) futur 1ere personne: /kantə'rɛj/ (qui est la prononciation ancienne conservée dans certains parlers), ailleurs: /kant'rɛj/ (évolution de la précédente), encore ailleurs: /kante'rɛj/ (autre évolution de la première)  (je chanterai cf. ALG). C'est une caractéristique des parlers les plus occidentaux (maritimes), ce qui nous incite à localiser l'origine de la forme "brac", probablement dans le gascon maritime ou proche  (parlers où brac co-existe avec bròi et vrai). Dans son dictionnaire français-gascon de Biscarrosse, H. Lartiga traduit l'adjectif français "court -e" par "brac - a" et rien d'autre, "cort" y est absent. Le mot béarnais barraquet nous indique que la forme ancienne "berrac" /*bə'rrak-/ a du y être employée autrefois. Néanmoins, si la perte de la voyelle médiévale prétonique bər > br est assez banale, celle qui concerne notre étymon l'est moins en raison de la géminée qui suit. Néanmoins, même rares, des cas semblables sont repérables. Par exemple borrolh: fouillis, entassement, pêle-mêle, gros nuage a un jumeau sous la forme brolh qui a les même sens (souligné par Palay, voir ces deux mots). L'étymon est probablement burrā, cf.bourre, bourrer et gascon borròc: gros nuage, borrolh <* burruculu-. .  Dans notre cas, la perte de la voyelle prétonique a pu être soit spontanée soit induite par l'attraction d'un autre étymon, par exemple  le v.-francique breka (brisé) donc le dérivé substantif masculin gascon, brec (ébréché) est parfois utilisé pour brac (court) par confusion. De même brolh (breuil, gaulois *broglios) a pu attirer borrolh.  En tout cas, le mot "brac"  a envahi le territoire gascon et voyagé jusqu'en Languedoc, en cohorte avec quelques dérivés. Au delà, en Provence rhodanienne, seul deux dérivés de brac se sont installés dans la langue, le verbe abracar et son participe passé substantivé: abracada mais pas "brac" lui-même. J'y reviendrai. 


 "Barraquet" est à *berrakos" (birracus) c'est que "barret" est à "*berros" (birrus). On a de bonnes raisons de penser que le "e" prétonique était prononcé  /ə/ en gascon médiéval, c'était aussi  le cas avec le "a" prétonique  au moins en gascon occidental  (cf. segrat < sacratu, segrement et segrament < sacramentu, reson < rationem), seson  <sationem  et même shegrin < fr. chagrin  etc ) , ce qui a amené à des hésitations et des doublons phonétiques en gascon moderne comme demorar-damorar (lat. demŏror) terrible- tarrible (lat. terribilis), seson/sason, (ar)reson /(ar)rason, trebuc-trabuc (de *travucu-, étym. trava et non pas trans-buc , n'en déplaise au FEW et Wartburg. En gascon, est encore attestée la variante synonyme tra'wuk de la quelle la forme trabuc  /tra'βuk/ a du dériver par commodité articulatoire, comme flabuta (flute) a dérivé de  flaüta. La nouvelle forme a largement- mais pas complètement-  remplacée l'ancienne, pour trauüc comme pour flaüta, flauta. On a donc bien à faire à une forme affixée de "trava", donc entrave  et non pas trans-bol ni trans-ventre (!). Trebuc/ trabuc est un gasconisme qui a voyagé avec la machine d'artillerie médiévale du même nom. Le mot fait allusion a l'ingénieux et révolutionnaire système d'entrave permettant de monter et de garder le contrepoids en l'air, le temps de charger la machine. C'est de la machine de guerre - le trébuchet, forme adaptée en français du mot gascon prononcé /trə'βuk/ en gascon médiéval, la machine se disait bien trebuc et trabuc en ancien français - - qu'est venue la dérive sémantique vers le concept de basculement,  l'étymologie n' a rien à y voir. Fin de diversion, mais je me suis fait plaisir.   Bref, le doublon "berret"  et "barret" (< *bərret) est un bon exemple de ce type de doublon phonétique (cf. barret dans dic. Palay).  L'ancienne prononciation gascone du mot est conservée en catalan oriental: /bə'rret/ , réalisée en /ba'rret/ par le catalan occidental qui n'a pas le schwa en magasin, d'où la réalisation graphique "barret" dans le lexique commun aux deux modalités catalanes ( barret, barretina) et passée à l' espagnol: barreta.

En gascon les mot berret, bret, barraquet et brac partagent le même étymon celtique berros (aka birrus en latin) qui signifie court. Et ce sont, en même temps, quatre mots on ne peut plus caractéristiques de la langue gasconne. Le premier s'est répandu dans les langues romanes en même temps que le béret lui-même. Pour dire "court",  le celto-gasconisme  "brac", s'est pratiquement substitué au dérivé roman de curtu- "cort" (court) dans une grande partie de l'aire gasconne, ne prêtant plus à ce dernier mot qu'une notion temporelle, de durée,  le sens de rapide, de bref ou de brusque. Brac-a, avec son allure de pseudo-onomatopée, est un mot terriblement expressif comme les Gascons les aiment. C'est ce qui a du assurer son succès et, avec lui,  celui de ses dérivés comme braquet (nom de petit bovin, aussi nom de famille), braquèr -a (état de ce qui est restreint, en s.f. petit bétail), abracar (abréger, raccourcir, tronquer, tirer au plus court), abracada (action de raccourcir, d'abréger, résultat de cette action),  abracadèr-a= abracadís =abracadura,  (adjectif:  qu'on peut raccourcir; substantif: abatis, raccourci) , abracalhs (débris obtenus par le raccourcissement) , abracaire (celui qui raccourcit), embraca à Ossau (raccourci ,ALG III 294), embraquèra en Aspe (raccourci, cf. ALG III 294), bracar (tailler, Aran)  etc. Le mot "brac" est absent du dictionnaire garonnais de Balloux, mais  le mot est connu de Jansemin. Il est absent aussi du lexique de Pierre Moreau (La Teste de Buch), mais cort n'y est pas d'avantage et abracar y est bien. Il est présent dans le gascon des Landes (dic. Foix; dic. H. Lartiga/ Ph. Lartigue, gascon de Biscarosse, ce dernier traduit l'adjectif français "court" seulement par le mot brac et ignore cort) et en Béarn (Palay).  Il est connu aussi en Aran mais l'adjectif "brac" est employé surtout à Canejan- Bausen, on emploie plutôt "cort" dans le reste de la vallée (curt en catalan, c'est le même mot avec le même vocalisme),  mais le verbe bracar (tailler les plantes) est encore bien vivant dans toute la vallée  (Coromines: el parlar de la Vall d'Aran). Le mot brac  est utilisé par B. Larade (1585- v1630)  qui était haut-commingeois (Montréjeau) mais qui écrivait  à dessein dans le gascon des poètes de Lomagne: "l'an me semble mès court qu'uë braque journade". Brec est localement utilisé pour brac c'est du à une confusion d'étymon avec le v. francique *breka (brisé) romanisé en *brecca . Brec est cognat avec fr. brèche  On  trouve le mot brac en gascon toulousain (N. Bèthvéder) d'où il a du passer la frontière linguistique.  Le même mot "brac" (court) se retrouve  en languedocien. Là, la famille étymologique des dérivés de *berrākos  y est  plutôt moins riche, se limitant à quatre mots: brac, abracar  abracada et abracadís (Dic. Ortog. Gram. Oc J. Ubaud). Ces mot languedociens viennent probablement du gascon. Certains de ces mots ont voyagé jusqu'au provençal: abracar (abattre et lit.  "raccourcir la route", c'est-à-dire prendre un raccourci) et abracada (le résultat du verbe : raccourci, abatis) (Mistral), soit deux mots seulement. On constate que la variété des mots du lexique associé à l'étymon s'épuise de plus en plus  à mesure que l'on s'éloigne de la Gascogne. C'est, pour moi, un indice que l'étymon est bien originaire du gascon, c'est là qu'il y est présent depuis le plus longtemps. 

 Le sens d'écervelé et de fou que l'on trouve associé au mot brac  vient probablement du nom du chien (le braque, justement), l'étymon est distinct, c'est un germanisme (brakko = chien de chasse). La signification de boue, bourbier, fange, lieu humide est celle d'encore un autre mot brac ou brag (Palay) (en désuétude sous cette forme en gascon qui préfère la forme féminine braga), l'étymon est très obscur, peut-être le même que celui du verbe celtique brag(y)o (Etym. Dic. Prot-Celt.) alias brag-je/o (Celtic Lexicon): péter (<sentir mauvais ?) à rapprocher de bragno <mrakno (puant) (Celtic Lexicon).  Matasović tient le verbe celtique brag(y)o pour cognat du germanisme brakko (chien de chasse) et du latin fragro (exhaler une odeur, sentir bon). Le FEW nous suggère un étymon gaulois bracu qui signifierait marais mais ce mot n'est pas terriblement bien documenté dans les langues celtiques.  Le FEW et Coromines font remonter le mot landais brau (marais) à cet étymon brac, toutefois le mot landais brau rappelle fortement le mot gascon plus général grau, grava (marais, marécage, bourbier et aussi grève,  gravier)   < gaul. *graua: sable, gravier). Il est possible que brau soit une forme landaise de grau (< *graua). Gravè(i)r signifie bourbier, marais, étang, terrain graveleux, grève,  localement gravier en gascon, (cf. fr. gravière), gravar signifie bourbier, lieu humide fangeux, rive caillouteuse et inondée etc. voir Palay. L"hypothèse de la confusion d'étymon est-elle indispensable? C'est la question. En tout cas, la confusion n'est pas impossible (grava - braga; grau -> brau).