De nos jours, le o fermé latin est prononcé ou (/u/) en gascon., même quand il se trouve en position tonique. On sait que ce n’était pas le cas autrefois entre autre grâce à la graphie des psaumes en rimes béarnaises de Salette, qui présente les trois degrés d'ouverture du "o" comme en catalan. Cette manière de prononcer le "o" fermé tonique /u/ est moderne. Mas quid du "o" prétonique ? A-t-il toujours été prononcé /u/ ? Cette question, je me la pose en comparant le mot du gascon contemporain "tournade" avec l’espagnol "tornado" et l' anglais "tornathe" (au 17eme). La question se pose à nouveau quand on considère certains éléments de l’onomastique officielle de cette région du gascon occidental: on a, par exemple, Torné (gascon tornèr) comme nom de famille sans oublier le nom de la ville d' Orthez, Ortès en gascon est prononcé ortès et non *ourtès. Tout se passe comme si la phonétique avait été fossilisée dans ces noms, y compris pour le toponyme. Et cette manière de prononcer le o prétonique n’a pas complètement disparu partout. En particulier à Bayonne, le mot "la yumpòle" (la balançoire) s’accompagne du verbe "yumpolà" (prononcé ainsi selon le dictionnaire Foix. Le mot n'est pas dans Palay). Et ça ne gène pas du tout le poète bayonnais Justin Larrebat (1816-1868) d’écrire dans ses vers gascons "oradye" "bordat" et non "ouradye" , "bourdat". Gallicismes? Pour le choix de ces mots, sans doute, mais ça n'explique pas tout car, comme l'a bien noté H. Gavel, Larrebat écrit aussi trobat et non pas troubat (en français: trouvé) et là, ce n'est plus du tout un gallicisme...C'est une manière de prononcer qui, visblement, ne doit rien au français. Et dans la chanson Aitona Ixidro Elusu recueilli à Pasaia (Guipuskoa), on a ce vers: " le niño ploraue (sic)" . Il est donc très possible que "le tornada" (en graphie alibertine) ait été en fait bien prononcé "le tornade" autrefois, en gascon de Bayonne et de Saint-Sébastien (la forme au féminin de l'article défini en gascon de la côte basque et landaise est "le"). Cette manière de prononcer le "o" prétonique de "tornada" (en graphie alibertine) pourrait être soit un archaisme qu'on retrouverait fossilisé dans Ortès etc, soit une prononciation locale en accord avec le basque (tornu) et l'espagnol (torno).
Que le mot 'tornado' vienne de l’espagnol 'tronada' m'apparait invraisemblable non seulement du point de vue de la phonétique (pourquoi un mot anglais terminant par o représenterait un mot espagnol se terminant par a???) mais aussi de la sémantique (les coups de tonnerre, la tronada, ce n’est pas du tout ce qui caractérise la tornade). L’origine du mot doit plutôt être le mot gascon "tornada" (graphie alibertine, le mot est prononcé tournade en gascon contemporain, le e atone final sonnant entre 'e' et 'a', /
Ə/). L’anglais a visiblement hésité entre les formes en -athe , tornathe e turnathe qu'on trouve au 17eme siècle, et les formes en -ado: tornado (17ème), var. ternado (16eme), c’est à dire entre une prononciation reflétant typiquement celle du gascon de la côte basque et une autre plus espagnolisée. Le mot bayonnais (le) *tornade (s.f.) a pu être adopté en espagnol sous la forme (el) tornado. Ce changement de genre f -> m induit par le passage du gascon bascolandais au castillan est régulier, il est lié à la forme de l'article féminin en gascon "le" (article devenu devenu épicène en gascon du guipuscoa) et à la terminaison phonétiquement "neutre" du mot. Par exemple le mot gallo marache (s;f.) adapté en gascon sous la forme marrache (s.f) (sorte de squale) , (le) marrache - > esp. (el) marraxo (s.m.) (squale); "le galerne (s.f.)" -> "el galerno" (s.m.), le berle (s.f.) (fr. la berle, cresson médicinal) - > esp. el berro etc. "Le tornade", forme bayonnaise de "la tornada" : en gascon, ce substantif signifie la volée (dans le sens de châtiment, correction), on comprend qu’il ait pu être utilisé pour désigner le phénomène météorologique même si cette signification spécialisée du dit phénomène qui est fréquent dans les mers du sud mais pas franchement aquitain, n'est pas dans Palay. Mais Palay n'a pas tout noté, en particulier en ce qui concerne le gascon maritime et le gascon sud-oriental. Par exemple, cachalùt et son dérivé cachalòt (mot de la côte basque) ne sont pas répertoriés dans Palay non plus, mais la dérivation affixée à partir de cachàu (caishau en alibertin) est très régulière et sémantiquement très claire pour la forme cachalùt qui est la plus ancienne. Hélas, il nous manque un corpus des termes maritimes de Bayonne et de Saint Sébastien (Donostia), n'oublions pas que la langue gasconne était également parlé sur la côte basque espagnole. D. Sumien a recommandé d’adopter "lo tornado" (s.m.) en occitan au lieu de "la tornada" qu’il juge d’origine française (la tornade), je pense qu'une fois de plus, il a tort. C'est l'inverse, c'est le mot français qui vient du gascon. On ne voit pas pourquoi l'espagnol el tornado aurait donné la tornade en français. Il est plus probable que mot français vienne des bayonnais eux-mêmes qui parlaient aussi français, en plus de gascon et en gascon le mot tornade ou tournade est bien féminin. Il n’y a évidemment pas lieu d’incorporer la forme espagnole et anglaise d’un mot gascon.
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