L'histoire gasconne aux Asturies commence au XIème siècle avec le repeuplement de la péninsule ibérique par l'installation des "francos" venus d'au-delà des Pyrénées. Leur immigration était encouragée par les pouvoirs chrétiens en place, pour des raisons démographiques. Il fallait participer à la recolonisation des territoires pris aux Arabo-Berbères en noyant les musulmans sous un flot de peuplement chrétien. Le cas des Asturies était un peu à part, puisque les Musulmans ne les avaient jamais conquises. Mais les Gascons (et Occitans des régions voisines de la Gascogne ) s'y sont installés comme ailleurs en Espagne. Leur présence se fait sentir dans le texte des "fueros" octroyés aux villes asturiennes d'Oviedo et d'Avilés par le roi Ferdinand VI en 1085. On connait le contenu de ces "fueros" (originellement certainement écrits en latin compte-tenu de l'époque) par une traduction en langue vulgaire qui date du 12eme siècle. Tant le texte de ces "fueros" comme la langue employée dans la traduction sont inhabituels, ce qui leur a valu d'être soupsonnés de faux pendant un temps. Le fond de ces "fueros" ressemble d'avantage à un texte de "fors" comme en trouve en Aquitaine ou en Occitanie qu'à celui d'un "fuero" espagnol. Quant à la langue, c'est une sorte de macaroni de base espagnole mixé avec des gasconismes ou occitanismes lexicaux. Le copiste-traducteur devait être gascon ou occitan. Dans un autre document asturien notifiant une vente domaniale entre fidèles d'une même paroisse (archive du monastère de San Pelayo à Oviedo, 1261), la langue est de l'asturien présentant des gasconismes non seulement lexicaux mais aussi des erreurs gramaticales parfaitement explicables par le gascon ("venduda", "metuda" écrits à la place de "vendida", "metida", par exemple). Là encore, le scribe devait être gascon ou occitan.
Dans la capitale des Asturies, Oviedo, la communauté gasconne au Moyen-Age s'était regroupée dans une seule rue du centre-ville, à l'image des Juifs, si bien que la rue avait pris pour nom celui de "calle de los Gascones". Encore aujourd'hui, cette rue a gardé le nom de calle gascones, une rue piétonne réputée de nos jours pour ses "sidreries" (bars à cidre).
Aux Asturies, les Gascons ont pu laisser quelques traces linguistiques dans les argots de métiers. A l'époque contemporaine ou quasi, des corporations de petits artisans employaient des argots ("jergas" en espagnol) qui leur étaient propres, selon le village et la corporation représentée. Certains de ces différents argots présentent des mots plus ou moins clairement empruntés au gascon. Un nom même d'un de ces argots nous interpelle, celui des fabricants de paniers de Peñamellera. Peñamellera est un patelin dans la partie orientale des Asturies où l'on parle l'asturien oriental, c'est à dire le cantabre occidental (tout est une question de point de vue, c'est un cantabre de coeur qui vous parle). Qui ne connait pas la "vieja de Peñamellera, une chanson traditionnelle cantabre mis au répertoire des "gaiterus" de Cantabrie? Bon, je dévie, excusez-moi, cet air fait partie de mon répertoire de cornemuse asturienne, euh...cantabroasturienne. Bref, je reprends: la corporation des fabricants de paniers de Peñamellera pratiquait un de ces argots appelé communément "varbéu"ou "cascón" (sic, troublant, non ? Le mot évoque à la fois le mot gascon en castillan et asturien: gascón et sa forme en basque: kaskoi) ou encore "vascuence de los Donjuanes de Peñamellera (sic)". Ces artisans faisaient du porte à porte pour vendre les paniers qu'ils fabricaient et, apparamment, avaient la réputation de ne pas toujours se limiter strictement au démarchage auprès de ces dames, l'occasion faisant le larron.
La finalité de ces argots de métiers tels que le bron, la xíriga ou le varbèu, c'était de pouvoir communiquer sans se faire comprendre des non-initiés, en particulier des clients mais aussi de l'Autorité. Ce sont des parlers linguistiquement asturiens mais qui présentent tout un tas de mots "bizarres" qui sont soit empruntés à diverses langues et adaptés à la mode asturienne ou soit des mots à la base proprement asturiens ou espagnols mais déformés, souvent par inversion de consonnes, exemple: zomu pour mozu (fr. jeune homme); maquín pour camín fr. chemin), de façon à à les rendre incompréhensibles et à ainsi brouiller la signification de la phrase. Ainsi la compréhension est-elle réservée aux seuls initiés, les membres de la corporation artisanale. Par exemple: "albeñáronse con unas búcaras de pijorriu y viciaron.". Cette phrase en argot asturien, aucun hispanophone au monde ne peut la comprendre ni même en deviner un tant soit peu sa signification s'il n'a pas été initié. En revanche, celui qui l'emploie marque son appartenance à sa corporation, à un groupe avec lequel il partage le parler spécifique. L'argot est donc aussi un signe identitaire. La traduction de la phrase est: "ils se sont enivrés avec quelques bouteilles de cidres et s'en sont allés." Ces argots de métier asturiens, on ne les trouve strictement que dans le domaine linguistique asturléonais de la Principauté, on n'en connait aucun dans le domaine galaicolusophone des Asturies (partie occidentale des Asturies où l'on parle galicien). Selon les argots, on estime le vocabulaire spécifique à 200 mots (toutefois extensible par l'utilisation de particules fixes permettant de camoufler n'importe quel mot ordinaire par insertion) jusqu'à plus de 1000.
Ces argots de métiers ne se limitent pas aux Asturies, on en trouvait aussi ailleurs et en particulier en France. Par exemple du côté de l'Auvergne il en a été décrit deux dans les années 1880, l'un de chaudroniers, l'autre de maçons. Celui des chaudroniers s'appellait broun (voir l'article sur les Argots de Métiers Auvergnats et Marchois d' A. Dauzat et J.-F. , dans la Revue des Langues Romanes,
là ). Ce mot "broun" est intéressant car on le retrouve spécifiquement aux Asturies sous la forme "bron' désignant deux argots de métiers, dont un de chaudroniers. Ce terme de bron a du voyager par les Chemins de Saint-Jacques dans un sens ou dans un autre. C'est d'autant plus probable que ces chaudroniers du Centre étaient des émigrants saisonniers.
Dans ces argots de métiers asturiens, on y reconnait, entre autres, quelques mots d' italien déformés (gamba,niente, nente), pas mal de mots de français plus ou moins déformés (par exemple chen (ch = à peu près tch français) ou xen (x = sh gascon, ch fr.) pour chien; chen de montis: loup; nin = fr. rien et personne, chanche signifie change; peiro, meira = père et mère (asturianisés -eiro/a), du catalan ou de l'occitan plus ou moins déformé (res pour dire rien, llatre pour voleur, fainar pour dire faire etc,; mecho pour medio (mi en français, mig en catalan, mièg en occitan). On y trouve dans certains de ces argots - surtout ceux d'Asturie orientale, énormément de mots venus du basque. En varbéu (esp. varbeo), également appelé cascún ou vascuence, les mots tirés du basque représentent près du 18 % du vocabulaire spécifiquement argotique. Dans l'argot de la confédération des couvreurs de l'orient asturien, en particulier de Llanes et de Ribasella, appelé la "xíriga", mot asturien pour jerga, les emprunts au basque représentent plus de 20% du vocabulaire spécifiquement argotique, y compris tous les mots pour les nombres (1-ba ou bate, 2- bi, 3-iru,, etc et on y retrouve la façon vigésimale de compter (20: oguei, 30: oguei amar (sic), 40: bioguei etc.) (voir les références bibliographiques à la fin de l'article).
On trouve aussi dans ces argots des gasconismes, très clairs pour certains, plus douteux pour d'autres. Gasconismes ou gallicismes? Ce n'est pas toujours évident. Parmi les gasconismes très clairs, on trouve le mot "nosautos" pour "nosotros" (nous) dans le "bron" de Miranda, c'est-à-dire l'argot des chaudronniers de Miranda de Avilés. On trouve aussi en bron le mot "borle" qui s'emploie pour dire "rien". En gascon, le mot bourle (graphie EGF) ou borla (graphie alibertine) est attesté avec la signification d'effilure (fil résultant de l'effilage). En béarnais (cf. Raymond-Lespy), borla (bourle) y a populairement une signification métaphorique, celle de "quantité résiduelle", "trace" (au sens quantitatif du mot), il est donc a peu près synonyme de mic, mica (miette). Le mot (ou un homonyme) existe aussi en espagnol (première attestation 15ème siècle), en portugais et en catalan (également attesté au 15ème siecle), sous la forme borla, mais la signification du mot dans ces trois langues est vraiment différente de celle qu'ont les mots borle et bourle respectivement en bron et en gascon . Dans les langues péninsulaires, "borla" signifie houppe et non pas "fil" et ce mot y est vraiment sans rapport avec le concept de petite quantité, de privation ou de néant. Le sens de "rien" qu'a le mot borle en bron est spécifiquement gascon. Dans cette dernière langue, borla (bourle) s'utilise dans les phrases négatives pour dire "pas du tout" , d'ailleurs comme le mot mica en catalan. Par exemple, on peut dire, en catalan: "passejar-se amb ell no era mica agradable", soit en français: "se promener avec lui , ce n'était pas du tout agréable". De même en gascon on peut dire: "pan e vin, non n'i a borla" comme: "non n'i a ni chic ni mic" pour dire: "du pain et du vin, il n'y en a pas du tout". L'emprunt au gascon ancien (médiéval ou de la Renaissance) est suggéré par le vocalisme tonique du mot borle en argot: /o/ et non /u/ (cf les études de M. Groclaude et de Jean Lafitte sur l'évolution phonétique du o tonique en gascon , voir
là) et par la terminaison du mot en -e. Prononcer burla ou burle (u =ou) n'aurait évidemment posé aucune difficulté aux Asturiens. Mais là, le mot est bien "borle". Par ailleurs, toujours en bron, on trouve aussi le verbe "allupar" qui signifie "voir", semble un dérivé asturien du mot gascon "lupar" ou de son cognat catalan "llupar" qui signifient regarder furtivement, épier.
On trouve aussi en bron des dérivés de mots communs au gascon et au français, par exemple aplen qui signifie beaucoup en bron cf. gasc. que n'i a plen et fr. il y en a plein. Dans différents argots, on trouve vilaxe ou villaje (selon la "jerga". Ce mot est peut-être un gallicisme mais l'origine gasconne du mot n'est pas non plus impossible, comme est probablement d'origine gasconne le mot "pasaje" en espagnol, cf Pasajes de San Juan près de Saint Sébastien. Là, Passaje est l'adaptation espagnole d'un toponyme gascon passage = passaye, Pasaia en basque, qu'on peut traduire par "port", ici, maritime (recueilli par S. Múgica, 1923 voir
là. ). On trouve d'ailleurs la forme formage (sic) dans un manuscrit gascon du 13ème siécle, mot que l'on retrouve sous la forme formaxe dans un argot asturien alors qu'il est fromaje dans un autre. Plutôt qu'un gallicisme, la forme formaxe plaide pour un gasconisme on un occitanisme au sens large, catalanisme inclu. Les formes médiévales du mot en gascon sont graphiées de diverses manières: formadge, formatge , formage (sic) , fromatge, fromadge. Toutes ces formes sont attestées en gascon medieval du 13ème siècle, voir DAG vol 13 paragraphe 1750. Les mots de la jerga sont donc compatibles avec l'hypothèse d'un leg du gascon ancien. Je dis bien compatible, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas servir à invalider l'hypothèse de l'emprunt au gascon, mais ils ne peuvent pas non plus servir à la confirmer.
En jerga, on trouve aussi le mot "matín" pour dire jour (día en esp.) avec "matina" pour dire "matin" (esp. mañana), "matín" peut venir du gascon comme du français. Plus intéressant de mon point de vue: les mots "motón" et "motona" pour dire "bélier" et "brebis, mouton" (carnero, oveja en esp.), c'est un mot que l'on retrouve, exactement sous cette même forme phonétique, dans beaucoup de ces argots d'artisans asturiens. Notez là, à nouveau, la particularité de la phonétique. Elle correspond tout-à-fait à la graphie médiévale du mot en gascon, les asturiens disent bien "motón" et non pas mutón ni mutún. Cela n'empêche pas le gallicisme possible, le "ou" prétonique français étant souvet rendu par un "o' en espagnol, par exemple le Comte Jean-François de Touloujon, gouverneur de Bayonne sous Louis XIV, est mentionné dans les documents espagnols sous la forme D. Juan Francisco de Tolojón. Par analogie, on peut donc penser que motón vient du français sans qu'il soit nécessaire d'évoquer le mot gascon ou occitan. Alternartivement, on pourrait avoir là, avec l'o prétonique prononcé /o/ et non /u/ en contraste avec le mot français "mouton", un trait phonétique hérité du gascon occidental ancien qu'on retrouve fossilisé dans le mot français tornade (mot probablement d'origine gasconne negue - bayonnais ou donostiar, et non pas ni anglais ni espagnol contrairement à... etc ;-)), le toponyme Ortès - Orthez, des noms de famille comme Torné et Mora (gasc. tornèr : fr. tourneur; morar : fr. terrain inondé, marécage: un toponyme, à l'origine). Ce o prétonique prononcé "o" et non "ou" est une caractéristique phonétique dont on trouve encore des traces disséminées dans le gascon extrême-occidental contemporain, en particulier bayonnais mais aussi en landais. On a encore pas mal d'exemples illustrant cette particularité phonétique dans le dictionnaire de gascon landais de l'abbé Foix (rédigé en graphie du félibrige et achevé en 1932): "trobà" utilisé en concurence avec "troubà" (selon les parlers), "topet" en concurrence avec "toupet", etc, etc et spécifiquement en bayonnais Foix signale le verbe "yumpolà" . Aussi chez Larrebat on peut lire"trobat" et non "troubat" etc. Gavel, dans son introduction aux poésies bayonnaises de Larrebat, traite de ce point du o prétonique prononcé dans certains mots "o" et non /u/ en gascon de Bayonne et de la Côte Basque (trobat et non troubat etc). Lui pensait que c'était un trait contemporain lié à la décadence de la langue, mais moi, je pense au contraire que c'est un trait dialectal archaïque ayant survécu dans cette partie extrême du domaine gascon, autrefois transpyrénéen, mais qui était déjà en voie d'extinction du temps de Gavel. En gascon d'aujourd'hui, tout le monde gasconophone prononce "tournade" (avec les variations phonétiques habituelles pour la voyelle finale atone) et tout le monde dit aussi tournè (qui s'écrit tornèr en graphie alibertine, tourneur en français). Je pense que le patronyme Torné et le mot français tornade reproduisent des formes "fossiles" du gascon, comme l'est la phonétique du toponyme Ortès (Orthez) dans la langue vivante, en gascon comme en français. De même, en gascon de Pasaia (recueilli en 1950): le niñ ploraue ( fr. l'enfant pleurait) voir
là.
A noter aussi en argot asturien cette magnifique transformation du mot camin en... "maquín" pour dire chemin. Il est vrai que le mot camín n'aurait pas pausé de problème de compréhension pour un non-initié, chemin se disant camino en espagnol et...camín en asturien. L'absence de voyelle finale dans les mots asturléonais camín et molín (var. asturienne: mulín) qui contrastent avec les formes castillanes et galaïcoportugaises (camino, caminho, molino, molinho) rend ces mots en asturléonais quasiments identiques à leurs correspondants gascons, à la différence de la prononciation du n final, dentale en asturléonais, vélaire en gascon. En asturien, on trouve les deux variantes selon les parlers: "molín" et "mulín", et c'est "molín" en léonais. En Cantabrie (où l'on parle un asturléonais de transition), on retrouve une forme ibéroromane "normale": "mulinu" (Perry, el habla pasiega), passé sous cette forme en "cántabru" (cantabre) normé. Je me demande (évidemment) si les Asturiens et les Léonais n'ont pas tout simplement adopté les formes gasconnes apportées par les immigrants, cette adoption s'étant faite par attraction du suffixe -ín, très populaire dans l'ensemble asturléonais et particulièrement aux Asturies. On aurait là un gasconisme spécifique à l'asturléonais.
On peut penser (ou pas) que certains de ces mots sont un héritage de la présence gasconne aux Asturies. Il est d'ailleurs possible qu'au Moyen-Âge ces immigrants gascons qui sont arrivés en Asturies dès le onzième siècle (il y a donc mille ans) n'avaient pas tous le gascon comme langue maternelle et parlaient encore la langue indigène, c'est-à-dire l'aquitain devenu le basque. Dans les territoires de l'ancien Duché de Gascogne, on parlait le basque ou le gascon selon les lieux et les classes sociales mais on n'écrivait que le latin et le gascon (ce dernier seulement à partir du 12ème s.) quand on savait écrire, et cela valait aussi pour le Pays Basque du Nord qui faisait partie intégrante du Duché et aussi pour la Basse Navarre (St Jean Pied de Port, St Palais) qui dépendait du royaume de Navarre qui s'était séparé du Duché de Gascogne, du fait d' Eneko Arista, en 824. Comme le reste du Pays Basque nord, cette partie septentrionale du royaume de Navarre était également, en plus de bascophone, spécifiquement gasconophone. Les Navarrais du Nord pratiquaient le gascon en diasystème avec l'"espagnol" version navarraise (le navarrais s'étant considérablement éloigné de l'aragonais pour se fondre progressivement dans l'espagnol à partir du 13eme-14eme siècle). Ce diasystème navarrais a eu des conséquences sur les deux langues romanes: gasconisation du navarrais, navarrisation du gascon aux alentours de la Navarre comme, par exemple, la "correction" du verbe gascon "vier" (12ème siècle à Bayonne, attesté aussi au 13ème siècle à Morlaas et Ossau) en "viéner" d'attestation relativement plus tardive (14ème) et qui a déplacé la forme courte dans une large zone autour du Béarn. On peut donc se demander si les mots basques présents dans les "jergas" n'ont pas été apportés par des gens originaires du duché de Gascogne, qui auraient entretenu leur langue propre un temps aux Asturies. Ce n'est pas strictement impossible mais il faut alors supposer des contacts soutenus (par exemple commerciaux ou d'alliance communautaire) de ces bascophones gascons avec les Basques d'Espagne. En effet, dans ces argots de métiers, on y trouve un grand nombre d'idiotismes du basque espagnol, en particulier biscayen, qui est la province basque la plus proche des Asturies (environ 300 km tout de même). Le mot pour dire 20 en xíriga, par exemple, vient du basque espagnol et non du navarro-labourdin (hogei et non hogoi). Il y a donc peut-être une autre hypothèse plus simple pour expliquer ces mots basques, qui pourrait être l'héritage d' une ancienne immigration de basques de Biscaye en Asturies orientale. En revanche, la phonétique, d'apparence très archaïsante, des emprunts gascons dans les jargons asturiens est troublante. Elle est compatible avec l'hypothèse d'un apport linguistique médiéval depuis la Gascogne occidentale. Il faut noter que la cathédrale d'Oviedo garde dans ses archives un document notarial bayonnais de 1327 concernant une dette d'argent qui liait l'évèque d'Oviedo de prénom gascon "Ot" (soit Odon en français) à un ordre religieux bayonnais pour des travaux à la cathédrale de la capitale asturienne et qui a été remboursée grace au mécènat (forcé ou non) d'un citoyen asturien. Ce document est rédigé pour partie en latin et pour partie en gascon bayonnais (gascon "negue"). Les liens entre les Asturiens et l'antique Duché de Gascogne étaient donc bien réels.
Pour ceux qui lisent l'espagnol, je recommande cet article pdf téléchargeable du professeur J. R González Fernández sur la présence des "francos" dans la péninsule ibérique (google: la Presencia de Francos en la Península Ibérica). Ce professeur à l'Université d'Oviedo est aussi l'auteur d'une édition du manuscrit bayonnais écrit pour partie en latin et pour partie en gascon bayonnais conservé à la cathédrale d'Oviedo, avec édition du texte, traduction et glossaire.. Hélas, cet article n'est pas conultable sur le net. En voici la référence: Un documento gascón en la catedral de Oviedo, Frenández González, José Ramón (1978). In Mélanges Charles Camproux Tome 2 pp 553- 572.
Je recommande aussi l'article du philologue asturien Ramón de Andrés (Université d'Oviedo) sur le basque et les argots des corporations d'Asturies (El eusquera y las jergas gremiales de Asturias), également téléchargeable. Ce papier est très intéressant. Et, hors-sujet, j'ai trouvé très intéressante cette étude en français du Prof. Jean Orpustan sur les noms et surnoms des habitants du Pays Basque continental, en fait Soule et Basse-Navarre, au début du 14ème siècle. Vous pouvez la lire
là. Si le gascon médiéval de Basse-Navarre (14ème s.) et sa relation avec l'"espagnol" navarrais (déjà plus proche du castillan que de l'aragonais) vous intéressent, vous pouvez consulter en ligne toute une série de textes qui viennent des Archives Générales du Royaume de Navarre à Pampelune, qui en conservent environ 300 en gascon avec souvent des parties en navarrais. Le lien est sur mon blog, à droite. Bonne lecture!