dimecres, 12 de juliol del 2023

Proto-celtic *laska, *leska (angl. "slack") > latin tardif lĭsca (laîche)> basque liska (marais, étang), gascon Lescar (lieu où poussent les laîches, marais, zone humide).

 Proto-celtique *laska -*leska : mou. Ce mot est probablement une variante dérivée de *lexsko , "sluggish" (paresseux, apathique, mou, avachi) dont l’étymon se retrouve dans *lexsk-jo "weakness" (faiblesse) (cf. Celtic Lexicon, Proto-Celtic- English, entrées lasko, lesko; lexsko;  lexsk-jo).  

En Irlandais, le mot leisce  signifie mollesse, lassitude, paresse, fatigue.

En breton l’adjectif  laosk signifie mou, avachi. 


Le latin tardif présente le mot lĭsca qui désigne le carex, la laiche. Ce mot est réputé d'origine pré-latine (FEW, 5 pp 372 et sq). J'y reconnais là notre mot celtique qui veut dire mou et qui a du s'appliquer  pour désigner un terrain de zone humide (terrain "mou") puis les plantes qui y poussent, comme la laîche. De fait, le mot existe en euskara  (liska), il y a bien le sens de marécage, de plante aquatique et aussi de bave d’escargot voir . Le mot est isolé en euskara, il s’agit probablement du mot latin  lĭsca. Il est donc possible (probable selon moi) que le mot celtique latinisé ait signifié marécage à l’origine (terrain "mou", inondé,  comme en  cat. "aiguamoll" ) et ait servi à désigner les plantes qui y poussent. Cet étymon continue à servir pour dire marécage dans un certain nombre de parlers romans et aussi pour désigner des plantes palustres comme le carex, le jonc etc  cf. FEW vol 5 pp372 et sqq (« laîche) en roman mais aussi  dans les langues germaniques  (par exemple all. liesch = plante herbeuse de marécage) qui ont du emprunter le mot au latin tardif. 

 

L’étymon est bien représenté en gascon avec des sémantiques assez variées.  

Lesca (lesco) : motte d’argile molle (Lomagne) (selon Palay)

Lèsque (FEW 5, pp372 et sqq), lesquès ( ?,probablement pour lèsques,  Palay) : friche, terre pauvre, impropre à la culture (Médoc)

Lescar (lescà) : terre qui ne s’effrite pas, qui reste compacte au labour (Armagnac). Ce dernier mot est, selon moi,  à l’origine du toponyme béarnais Lescar dont le correspondant (mais non parent) en latin "Lascurris" est interprété un peu témérairement comme "lats-gorri", ruisseau rouge  par M. Grosclaude. Je pense, quant à moi,  que Lescar, dont la signification étymologique est "lieu où poussent les laîches", c'est-à-dire "marais",  "zone humide" (le mot est éteint avec ce sens en gascon); est bien le toponyme roman qui s'est substitué à Beneharnum mais que ce toponyme a été en rivalité avec Lescourre, latinisé comme Lascurris. Il faut attendre le 12èmè siècle et l'utilisation du gascon comme langue écrite  pour que Lescourre ne soit plus utilisé en gascon pour désigner la ville. La forme latine Lascurris, elle, est resté en latin pour nommer Lescar. 


 Il n'est pas raisonnable de vouloir faire dériver Lescar (prononcé Lescà; graphié Lascaa au 13eme siècle) de Lascurris, le nom en latin médiéval de la ville.  Lescar et Lescurris ont une étymologie bien distincte l'une de l'autre. L'étymologie de Lascurris a été parfaitement bien identifiée par Pierre de Marca (18ème s) dans son Histoire du Béarn:   

« On lui donna donc le nom de Lascurris, qui estoit le particulier du lieu où elle fut bastie, à sçavoir de Lascourre, pour user des termes vulgaires, ce qui signifie un lieu où il y a des ruisseaux et destours des eaux qui s’escartent du canal. A quoi se rapporte fort bien l’assiete de Lascar, qui est arrousée d’un petit ruisseau et de sept ou huict sources de fontaines qui rejaillissent de divers endroits, et qui, avant que d’estre renfermées dans leurs tuyaux, s’esparpilloient en ce lieu où estla ville basse, et faisoient les petits détours que l’on nomme vulgairement Escourres ou las Escourres. »

(chapitre XI, article VII, pp. 58-59)



Je pense, comme lui,  que l'étymon de Lescurris n'est pas vraiment latin au sens strict du mot mais...vraiment gascon, c'est Lescourre , le ruisseau de drainage qui borde Lescar au nord   (escourre, en graphie alib. escorra;  comprendre littéralement  ruisseau de drainage < lat. v. excurro) : e .  Le "e" final atone du mot gascon escourre a été rendu par un -i en latin, comme ce sera le cas au vingtième siècle en espagnol avec l'e atone final des mots du gascon noir parlé à Pasaia (cf. le "phrase-book" de Serapio Múgica dans son article sur los Gascones de Guipúscoa"). Par exemple, "le vièla" (la ville) est graphié "li vieli" (sic) en transcription espagnole, etc. 


Il est significatif que la version actuelle  du toponyme Lescar (à la voyelle prétonique près, "a" au lieu de "e", à cause de la prononciation /ə/ de cette voyelle prétonique en gascon médiéval comme en catalan oriental médiéval et contemporain ) apparaisse au 12ème siècle en gascon dès l'usage écrit de cette langue.  Lascurris est la forme latine médiévale pour nommer Lescar en latin mais le mot n'est qu'une adaptation  latine de l'hydronyme gascon Lescourre (< l'escourre).   Les deux mots Lascurris et Lescar (Lescà)  n'ont, en fait, pas du tout la même étymologie. L'étymon de Lescar est le mot latin  lĭsca, emprunté au celtique, et qui fut glosé carecco (carex, laîche). Ce mot a évolué en "laiche" en français (synonyme de carex) et  en "lesque" ou "lesca" (selon le système graphique) en gascon, Lescar signifie étymologiquement et très simplement: lieu où pousse les laiches, c'est-à-dire une zone humide, un marécage et, par extension, un terrain non propice à l'agriculture. On voit là que Lescar a eu trois noms, le plus ancien est Beneharnum (> Biarn,  Béarn), de langue et d'étymologie inconnues,  qui a été remplacé, toujours en latin,  par Lascurris  soulignant probablement ainsi l'importance du ruisseau de drainage Lescourre , dont  j'imagine que le cours a du être probablement canalisé artificiellement dans le but d'assainir le lieu et permettre ainsi son développement. Il est aussi possible qu'il y ait eu confusion d'étymon entre Lescourre (latinisé en Lescurris) et Lescar (du gascon lescar < lat. *lescaris),  la forme du toponyme latinisé Lascurris  pouvant résulter de cette confusion.  En tout cas le mot gascon Lescar fait sens au regard du contexte environnemental et  c'est ce mot qui est parvenu jusqu'à nous. 


 La commune de Lescar se trouvait dans une zone humide dont il reste d'importants reliquats  (site protégé classé Natura 2000) et c'est à cette zone humide que la ville béarnaise doit son nom actuel. Cette zone était beaucoup plus étendue autrefois, comme l'indiquent les toponymes Pont-long ( ou Pau-loncq  Pal-long etc,< Padulem Longum selon Coromines ) et Pau ( < Padul- <palude-, palus: marécage). Cette zone humide présentaient des marécages redoutables et redoutés (cf. les toponymes Grabe Male, Palù Male, Grava mala, Palú Mala).   Sur ces toponymes, je reviendrai dans le post suivant.


Revenons à notre étymon celtique  lesca (latinisé en lĭsca) Il est à l’origine du mot français laiche, qui désigne une plante de zones humides aussi connue sous le nom de "carex". On a vu que cet étymon explique très bien Lescar: lieu où pousse les laiches, c'est-à-dire zone humide . Par une dérive sémantique qu’on a un peu de mal à concevoir mais que les linguistes admettent, ce même mot lesca veut aussi dire « tranche fine » (fr. lèche, gascon lesca, cat. llesca) (voir FEW v 5 pp 372 et sq).. Palay donne comme définition de lesca (lesque) : lèche, tranche étroite et mince, tranche de lard, de jambon, de pain ; mouillette, apprête. Le sens de distingué, de taille mince, élancé, associé à l’adjectif "lesc-a"  et le sens de mince, fluet attribué à l’adjectif "lesque- a", est dû à cette sémantique.